Claude Nougaro, le chanteur de jazz qui se cachait sous la peau d'un poète

L'ANNIVERSAIRE.

Disparu le 4 mars 2004, Claude Nougaro a laissé une empreinte indélébile dans la chanson française. Né en 1929, il est l'un des artistes français à avoir intimement lié son répertoire musical à celui du jazz. À travers dix archives, découvrez quelques titres emblématiques de la carrière du jazzman de cœur.

En un demi-siècle, Claude Nourago a constitué un répertoire de plus de 300 chansons. À la fois chanteur et poète, il vouait une véritable passion pour le jazz qui berça son enfance et dont il n'hésita pas à revisiter les standards. Fils d'un chanteur d'opéra et d'une professeure de piano, le petit Claude aurait pu se lancer dans une carrière lyrique mais c'est une autre musique qui le fascina, comme il le raconte dans l'archive ci-dessous : le jazz.

Une musique qu'il écoutait enfant, à la radio, chez ses grands-parents qui s'occupaient de lui lorsque ses parents étaient en tournée. Ce souvenir, il l'évoquait en 1981 dans l'émission de FR3 « Les enfants du jazz » : « Dans cette petite cuisine des Minimes (le quartier où il a grandi), sur un buffet, il y avait la TSF. Et c’est là que j’ai entendu pour la première fois la musique de jazz. Il y avait notamment un indicatif et c’était, je crois, l’orchestre de Glenn Miller (il fredonne le thème de « Moonlight serenade »).

Claude Nougaro est resté marqué par les morceaux de jazz qu'il écoutait dans la petite cuisine de ses grands-parents. Et tout au long de sa carrière, qu'il débuta à la fin des années 50, il s'entoura des meilleurs musiciens de jazz de la scène française de l'époque : Maurice Vander, Bernard Lubat, Eddy Louiss, Michel Portal, Aldo Romano, Richard Galliano...

Tout son répertoire résonne des sonorités de musiciens américains aux noms prestigieux telsThelonious Monk, Sonny Rollins, Gerry Mulligan... Grâce à ses adaptations magistrales de standards de jazz, Claude Nougaro fut un véritable passeur de ce courant musical auprès du public français. La sélection non exhaustive des titres que nous vous proposons ci-dessous illustre l'étendue de son talent.

LES ARCHIVES.

1-Le jazz et la java

Pour commencer notre incursion dans l'univers musical jazzy de l'artiste toulousain, nous vous proposons en tête d'article, l'une de ses premières chansons inspirées du jazz et aujourd'hui entrée dans le patrimoine de la chanson française : Le jazz et la java. Ce titre est librement inspiré du thème de Three to Get Ready, une composition de Dave Brubeck sorti en 1959.

Le jazz et la java est parue dans son deuxième disque en 1962. Cet album, concocté avec la collaboration de Michel Legrand à la réalisation et au piano, laisse la part belle au jazz. En studio, il s'adjoint les services de plusieurs musiciens dont Eddy Louiss (organiste) qui deviendra un fidèle accompagnateur du chanteur. Michel Legrand fait aussi appel au compositeur Jacques Datin qui écrit Le jazz et la java, où l'on retrouve, en plus de l'influence de Brubeck, des couplets composés d'après un thème de Joseph Haydn. Quelle chanson pouvait le mieux réunir les deux univers musicaux de Claude Nougaro, le classique et le jazz.

2-Sing Sing Song

Cet autre titre jazzy se trouve dans l'album Bidonville paru en 1966. Il s'agit d'une des premières interprétations de la chanson présentée dans l'émission « Télé Dimanche » en juin 1965. Pour cette chanson, il reprend un standard du jazzman, trompettiste et cornettiste américain Nat Adderley (frère cadet du saxophoniste Cannonball Aderley), Work Song, titre éponyme d'un album de 1960. Le texte évoque l'univers carcéral de la prison américaine de Sing Sing.

3-Les mains d'une femme dans la farine

« Rien n'est plus beau que les mains d'une femme dans la farine »... L'album Bidonville recèle de plusieurs reprises de standards de jazz dont celui qui suit, Les mains d'une femme dans la farine, une chanson où le chanteur fait une déclaration d'amour à sa femme, séduisante même dans la banalité de la vie quotidienne, dans sa cuisine, lorsqu'elle prépare une tarte aux pommes... Une ode à l'hédonisme, d'après une reprise de Gravy Waltz de Steve Allen.

L'archive date du 6 décembre 1969, extraite du magazine « Musicolor » dans laquelle apparait la comédienne Bernadette Lafont, à qui le chanteur semble déclamer sa flamme.

4-Armstrong

Parmi les morceaux emblématiques de l'album Bidonville, la célèbre chanson Armstrong. Elle était d'abord sortie en super 45 tours (quatre titres) en 1965. Il s'agit d'un negro spiritual intitulé Go Down Moses qu'avait chanté Louis Armstrong en 1958, version dont Claude Nougaro s'est inspiré.

Le chanteur toulousain a confié avoir écrit les paroles de sa chanson lors d'un séjour sur l'île de Ré, dans la maison paternelle. Son texte est résolument antiraciste, à une époque où les États-Unis tentaient de détricoter la ségrégation raciale. Maurice Vander signe les arrangements et le jazzman Roger Guérin assure les solos à la trompette. Dans la version ci-dessous, datée du 30 avril 1979, Claude Nougaro est accompagné de ses musiciens et de Tony Russo à la trompette.

5-À tes seins

« Il vaut mieux s'adresser au bon Dieu qu'à ses saints
Je ne dis pas non, mais là n'est pas mon dessein
Je n'en veux qu'à tes seins
Je ne veux parler qu'à tes seins... »

En 1967, dans l'album Petit taureau, Claude Nougaro poursuit ses incursions magiques dans l'univers du jazz, avec le titre présenté ci-dessous, A tes seins, sur le thème de St. Thomas de Sonny Rollins. Une badinerie musicale sur la beauté des seins des femmes. Il s'agit ici d'une version enregistrée, avec un orchestre, dans l'émission « Tous en scène » du 24 septembre 1968.

Si le cœur vous en dit, voici une version de mars 1969, enregistrée chez lui avec ses musiciens pour l'émission « A l'affiche du monde ». Cette version est un peu plus enlevée et jazzy que la précédente.

6-Comme une Piaf

Passons dans les années 70. En 1977, dans son album Plume d'ange, Claude Nougaro reprend le thème Beauty and the Beast du saxophoniste de jazz Wayne Shorter. Le morceau est sorti deux ans plus tôt dans l'album Native Dancer. L'artiste français écrit sur cette musique des paroles qui décrivent sa volonté de toucher le public, rendant un hommage appuyé à Édith Piaf, une artiste inspirante à ses yeux. « Comme une Piaf au masculin/ J'voudrais pouvoir chanter le bottin/ Et vous r'muer les intestins... ».

Dans la version ci-dessous, Claude Nougaro chante, accompagné par ses musiciens dont le pianiste Maurice Vander. Une prestation grandiose filmée pour l'émission « Numéro Un », le 7 novembre 1977.

7-Autour de minuit

L'année suivante, en 1978, Claude Nougaro sort l'album Tu verras, on se souvient du titre éponyme, au succès retentissant, mais personne n'a oublié son adaptation du morceau 'Round Midnight de Thelonious Monk. Il l'interprète dans l'émission « Avec », en avril 1979.

8-Hymne

« Éternellement, je veux vivre en aimant... » Dans la même émission que précédemment, Claude Nougaro livre une magnifique prestation d'une autre de ses adaptations d'un standard de jazz. Sur des paroles d'une poésie lyrique, l'artiste interprète Hymne, une ode à l'amour, sur une reprise d'un thème de Dizzy Gillespie Con Alma. Il est accompagné par ses musiciens.

9-Mon disque d'été

Cette chanson est également extraite de l'album Tu verras. Mon disque d'été a été écrite sur le thème de For Lena and Lennie de Quincy Jones. Le 20 aôut 1978, dans l'émission « Musique en tête », Claude Nougaro l'interprète accompagné de l'orchestre dirigé par Maurice Vander, avec, au piano, Maurice Vander et à la basse, Luigi Trussardi.

10-Le Chat

Nous terminons notre promenade jazzy dans le répertoire de Claude Nougaro, avec une chanson ronronnante à souhait... et intitulée Le chat. Il s'agit d'une reprise de The Cat, de Jimmy Smith en 1964, sur une composition de Lalo Schifrin, musicien argentin, pianiste, chef d'orchestre, compositeur de nombreuses musiques de films (Bullitt, L'Inspecteur Harry, …) et de séries (Mission impossible, Mannix, Starsky et Hutch…).

L'artiste s'en donne à cœur joie dans cette métaphore féline et musicale illustrant le jeu de la séduction. Nous sommes dans l'émission « Numéro un », le 12 septembre 1981.