L'ACTU.
La Ve République fête ses 65 ans. Instituée par la Constitution du 4 octobre 1958, elle est née sous l’impulsion du général de Gaulle qui souhaitait faire cesser l'instabilité ministérielle caractéristique des régimes précédents. En déplacement au Conseil constitutionnel le 4 octobre 2023 pour célébrer cet anniversaire, le chef de l’État Emmanuel Macron en a profité pour donner sa vision des institutions et vanter les vertus de la Constitution : « La Constitution est devenue la plus stable de notre histoire, a-t-il déclaré. Son esprit puise sa source dans les principes essentiels définis par trois mots : transmission, révolution et action ».
À ceux qui réclament son remplacement, Emmanuel Macron a précisé qu'elle méritait « d'être révisée » mais « pas sous le coup de l'émotion ni pour répondre à des modes ». Le président a exprimé son désir de « simplifier » la procédure du Référendum d'initiative partagée (RIP) et a cité des projets qui nécessiteraient une modification de la Constitution comme l'accès à plus d'autonomie pour la Corse et la Nouvelle-Calédonie, un processus qui pourrait mener à « une nouvelle étape de la décentralisation ».
La liberté des femmes à recourir à l'avortement, la protection du climat, l'indépendance des magistrats du parquet ont également été évoqués par le président, ces sujets faisant l'objet de demandes d'inscription dans la Constitution par leurs défenseurs.
L'ANNIVERSAIRE.
Le 4 octobre 1958 correspond à la date de la promulgation officielle de la Constitution de la Ve République qui avait été adoptée quelques jours plus tôt, le 28 septembre 1958. Le 5 octobre, elle était publiée au Journal officiel. Michel Debré, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, apposait le surlendemain le sceau de la République sur le document et déclarait : « Le sceau de l'État est celui de la République. Il date de 1848, il a été repris par la IIIe et la IVe République, la Ve le reprend donc (...) souhaitons longue durée et succès profond à ce texte dépositaire des principes et des institutions de la Nation ».
C'est cette cérémonie historique que l'on retrouve en tête de cet article. Il s'agit d'un reportage des Actualités françaises qui décrit tout le protocole : « C'est cette dernière formalité qui donne force de loi à la Constitution, qui porte 25 signatures. Celle du président Coty, du général de Gaulle et celles des 23 ministres » était-il précisé. L'exemplaire historique contenant les seings officiels, « tiré sur parchemin Auvergne » était immédiatement placé dans une vitrine. « La Ve République est entrée dans l'histoire » concluait le commentaire grandiloquent.
La Genèse
Les nouvelles institutions mises en place en 1958, avec la naissance de la Ve République, sont le fruit des réflexions du général de Gaulle. Elles naquirent dès janvier 1946, date de sa première démission du gouvernement, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'il était exaspéré par l'attitude frondeuse des partis. Dès le lendemain des élections constituantes d'octobre 1945, le chef du gouvernement et les partis commencèrent à se disputer sur la manière de conduire la politique du pays. De Gaulle refusant de céder aux exigences des partis. Un incident éclata lors du vote des crédits militaires que la SFIO, soutenue par les communistes, qui souhaitait les revoir à la baisse. Pour le général, c'en était trop. Exaspéré par la réapparition du « régime des partis », déjà présent lors de la IIIe République, il démissionna. L'archive des Actualités françaises, ci-dessous, décrit le contexte politique de cette démission.
Il faudra attendre son retour aux affaires, douze ans plus tard, pour que son projet de Ve République voit le jour. Le général de Gaulle allait être rappelé en 1958 dans un contexte dramatique de crise algérienne. La IVe République était alors en pleine déliquescence et affaiblie par l’instabilité ministérielle. Faute de gouvernement, le pays se retrouvait dans l'incapacité de gérer le défi algérien.
Entre avril et mai 1958, la chute du gouvernement ouvrit une longue période de vide gouvernemental de quatre semaines. Tous les présidents du Conseil proposés étaient retoqués. En Algérie, la population profita de cette situation pour se soulever et le général Massu instaura un gouvernement de salut public. À Paris, Pierre Pflimlin qui ne faisait pas consensus fut finalement investi en désespoir de cause. Une situation précaire qui mettait l’autorité républicaine en péril. Alors que la situation insurrectionnelle algérienne semblait se propager jusqu’en métropole, Charles de Gaulle, retiré de la vie politique, redevenait le seul recours face au chaos, l'homme providentiel qui sortirait le pays de l'ornière.
Le 27 mai 1958, Charles de Gaulle, après avoir rencontré Pierre Pflimlin, entamait un processus d'élaboration d'un gouvernement. Pfimlin démissionnait le 28 mai. Le lendemain, René Coty, annonçait qu’il faisait appel « au plus illustre des Français » et précisait qu’il démissionnerait si de Gaulle n'était pas investi.
Le 1er juin, le général intervenait devant l'Assemblée nationale en tant que nouveau président du conseil. Comme le montre l'archive ci-dessous, il se présenta, en civil, dans l'hémicycle. Dans un silence absolu, il fit une très brève déclaration d’investiture. Ce reportage des Actualités françaises revient sur ces quelques jours inédits.
Dans une de ses premières déclarations, que le reportage montre également, le nouveau président du Conseil revenait précisément sur l'instabilité qui conduisait le pays au bord du gouffre. Il déclarait : « C'est un fait que le régime exclusif des partis n'a pas résolu, ne résout pas, et ne résoudra pas les énormes problèmes avec lesquels nous sommes confrontés. » Dans son allocution au Parlement, Charles de Gaulle réclamait également les outils qui lui permettraient de fonder une nouvelle Constitution, plus stable (et à sa mesure). Il demandait également que les pleins pouvoirs soient accordés au nouveau gouvernement pour six mois, ainsi que la réforme de l’article 90 de la Constitution, qui aboutira, in fine, à l’avènement de la Ve République. Finalement, l’Assemblée nationale votera l’investiture par 329 voix pour et 224 voix contre.
Naissance de la nouvelle Constitution
Après le retour du général de Gaulle, les choses allèrent très vite. Le 3 juin 1958, conformément à sa demande, l’Assemblée nationale se mettait en congé pour six mois. Le 4 septembre, place de la République à Paris, le jour anniversaire de la proclamation de la République en 1870, de Gaulle présentait au peuple français son projet de nouvelle Constitution tout juste adoptée par le gouvernement. Dans son discours, il annonçait que le projet serait soumis au référendum le 28 septembre 1958.
Le projet fut adopté par référendum le 28 septembre, avec près de 80% de « oui ».
Le Référendum pour la nouvelle constitution de la Vème République
1958 - 03:31 - vidéo
De Gaulle restera président du Conseil, puis Premier ministre jusqu’au 8 janvier 1959, devenant alors le premier Président de la nouvelle Ve République après avoir été élu par un collège de 80.000 électeurs le 21 décembre 1958.
La Constitution promulguée donnait naissance à la Ve République. Son objectif premier était d'assurer la stabilité des institutions en s'appuyant sur un exécutif fort qui assurerait à son tour une stabilité gouvernementale.
Un président renforcé
L'une des spécificités de cette nouvelle Constitution était de donner une légitimité forte au Président de la République, et pour cela, de lui permettre d'être élu au suffrage universel direct - à partir de 1965 - et de disposer de pouvoirs importants. Les Français se prononceront pour le général de Gaulle, le 19 décembre 1965. Il devint alors le premier président élu au suffrage universel, avec 55 % des voix.
Les Français se sont prononcés : De Gaulle réélu avec 55 % des suffrages
1965 - 02:09 - vidéo
Une stabilité gouvernementale
Aux côtés du président, la Constitution donnait au gouvernement les moyens de conduire la politique de la Nation en lui conférant plus de poids dans la procédure législative. Ainsi, le Premier ministre pourrait désormais déposer des projets de loi ou engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Il s'agit du célèbre article 49, alinéa 3, de la Constitution. Ci-dessous, découvrez comme Michel Debré envisageait le rôle de ce nouvel outil constitutionnel.
Le 49-3, très utilisé sous la 5ème république
2022 - 02:43 - vidéo
L'article 49 alinéa 3 de la Constitution a été activé près de 90 fois depuis le début de la Ve République. Il permet d'accélérer un débat jugé trop long ou de contrer un blocage de l'opposition.
Avec la Constitution, le gouvernement bénéficierait de pouvoirs élargis : il peut fixer la moitié de l’ordre du jour afin de faire examiner ses propres projets de loi et ses propositions de loi (art. 48, alinéa 2) ; il dispose du droit d’amendement (art. 44, alinéa 1er) et peut demander à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte discuté, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui (art. 44, alinéa 3). Mais le gouvernement peut aussi donner à l’Assemblée nationale « le dernier mot » en lui demandant de statuer définitivement en cas de désaccord avec le Sénat (art. 45, alinéa 4).
Pour plus de stabilité, la Constitution limite strictement les conditions dans lesquelles le gouvernement peut être renversé par l’Assemblée nationale (art. 49 et 50 de la Constitution). À ce jour, une seule motion de censure a été adoptée, le 5 octobre 1962, entraînant la chute du gouvernement de Georges Pompidou.
Une justice institutionnelle
L'un des points clé de la Constitution fut la mise en place d'une justice constitutionnelle qui n'existait pas dans les précédents régimes. C'est l'avènement du Conseil constitutionnel où Emmanuel Macron a prononcé son discours. Il siège dans l’aile ouest du Palais royal depuis 1959. Le président de Gaulle avait annoncé sa création en même temps que la constitution de la Ve République. « Le Conseil sera la plus haute instance de l’État », expliquait-il alors. Sa mission essentielle est de garantir et de contrôler la constitutionnalité des lois (art. 61 et 61-1 de la Constitution). Au titre de ce contrôle, le Conseil veille au respect des droits et libertés garantis par la Constitution.
C'est quoi le Conseil constitutionnel ?
2019 - 02:26 - vidéo
Critiquée, mais pas (encore) remplacée
65 ans après la promulgation de sa Constitution, la Ve République est le régime le plus durable qui ait existé depuis la Révolution. Forgée pour la pratique du pouvoir du général de Gaulle, elle est régulièrement critiquée, notamment par les leaders de gauche. À l'image de François Mitterrand, qui, en 1964, dénonçait dans un pamphlet Le Coup d'État permanent, l'omnipotence du général. En avril de la même année, lors d'un débat à l'Assemblée nationale, il reprochait alors au gouvernement d'abandonner l'essentiel de ses prérogatives à un pouvoir personnel. En arrivant au pouvoir, en 1981, il ne changerait rien aux prérogatives présidentielles.
Depuis cette époque, la Ve République est régulièrement questionnée et remise en cause. Certains, de Simone Veil (1991) à Arnaud Montebourg, au parti socialiste, ou plus récemment Jean-Luc Mélenchon, appellent à la mise en place d'une VIe République plus parlementaire et démocratique qui réduirait le rôle présidentiel pour laisser plus de place à la parole citoyenne.