Aller au contenu principal
Petite histoire des précédentes dissolutions de la Ve République

Petite histoire des précédentes dissolutions de la Ve République

Ce processus n’a été exploité qu’à cinq reprises depuis 1958 et le début de la Ve République.

Par Romane Laignel Sauvage et Jérémie Gapin - Publié le 29.09.2022 - Mis à jour le 11.06.2024
De Gaulle et le référendum : la crise - 1962 - 03:48 - vidéo
 

L’ACTUALITÉ.

Emmanuel Macron a annoncé dimanche 9 juin au soir la dissolution de l’Assemblée nationale à la suite des élections européennes. Il s'agit de la 6e dissolution depuis le début de la Ve République.

Ce pouvoir de dissoudre l'Assemblée, dévolu au Président de la République, est tombé en désuétude depuis l'inversion du calendrier électoral à partir de 2002. Il permettait initialement de débloquer une crise politique par l'élection d'une nouvelle majorité tout en légitimant à nouveau le projet du président.

LES ARCHIVES.

La première dissolution fut prononcée par Charles de Gaulle en octobre 1962. Alors que ce dernier affirmait peu à peu la place centrale du président dans la Ve République, il proposa de le faire désormais élire par l’ensemble des citoyens. Le chef d’État était, à cette époque, élu par un collège de grands électeurs, contrairement à l’Assemblée, élue au suffrage universel direct, ce qui lui octroyait une plus grande légitimité.

« Françaises, Français : le projet que je vous soumets propose que le Président de la République, votre président, soit élu dorénavant par vous-mêmes, rien n'est plus républicain, rien n’est plus démocratique, j’ajoute que rien n’est plus français tant cela est clair, simple et droit », annonçait alors Charles de Gaulle comme on le voit dans l'archive ci-dessus.

Cette réforme fut particulièrement contestée par les parlementaires qui adoptèrent une motion de censure pour faire tomber le gouvernement le 4 octobre 1962. Les Actualités Françaises résumaient alors la situation : « Cette proposition et le recours au référendum devait susciter une crise ministérielle. (...) À l'Assemblée nationale, au cours d'une séance dont le président Chaban-Delmas su maîtriser les mouvements de fièvre (...), Monsieur Pompidou devait être victime du vote de censure, acquis par 280 voix sur 480. Le gouvernement était donc renversé. »

Lorsque Georges Pompidou, le Premier ministre, vint lui apporter la lettre de démission de son gouvernement, Charles de Gaulle « décidait de dissoudre l’Assemblée. En attendant les élections, Monsieur Pompidou était maintenu dans ses pouvoirs. » Cet usage de l'article 12 de la constitution, véritable mise en jeu de la responsabilité du Président, permit de résoudre la crise politique, puisque les députés gaullistes obtinrent une majorité absolue aux élections législatives anticipées, organisées conséquemment.

Vérifier la confiance des Français et des Françaises

Charles de Gaulle utilisa une seconde fois ce pouvoir, comme le montre l'archive ci-dessous, dans une rétrospective diffusée sur France 3 en 1997. Le journaliste expliquait : « La crise de mai 1968 justifie cette dissolution. » En effet, cette fois, ce ne fut pas une crise politique qui provoqua l'usage de la dissolution, mais bien une crise nationale. Dissoudre l'Assemblée permit au Président de vérifier la confiance des Français en sa politique, alors qu'un vent de révolte agitait le pays.

Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing quant à eux n'utilisèrent pas leur pouvoir de dissoudre l'Assemblée. Ce qui ne sera pas le cas de leur successeur.

« François Mitterrand (...) l’utilise deux fois, poursuit l'archive, en 1981, au lendemain de sa victoire, le nouveau président veut une majorité de gauche à l’Assemblée. Ce sera la vague rose. En 1988, François Mitterrand est réélu et c’est encore une fois l’alternance politique qui justifie cette dissolution.» François Mitterrand arriva en effet au pouvoir en 1981 face à une Assemblée d'une majorité opposée. Rebelote en 1988. À ce moment-là, les élections législatives n'avaient pas lieu consécutivement à la présidentielle (il faudra attendre 2002 pour que ce soit le cas). Ces deux dissolutions lui permirent de retrouver un corps législatif favorable. Néanmoins, la seconde dissolution ne lui permit d'avoir qu'une majorité relative.

La dissolution parlementaire est donc également une prise de risque pour le Président. Jacques Chirac en fit les frais en 1997, deux ans après son arrivée au pouvoir. « Mes chers compatriotes, après consultation du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale : j’ai décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Le décret de dissolution et le décret fixant les dates des élections législatives au 25 mai et au 1er juin seront publiés demain matin », annonçait-il dans l'allocution télévisée ci-dessous.

Il appelait alors les citoyens et citoyennes à lui accorder à nouveau leur confiance, dans l'espoir de renforcer sa majorité : « Pourquoi, au risque de vous surprendre, me suis-je résolu à utiliser maintenant le pouvoir que me confère l’article 12 de la constitution pour abréger le mandat d’une Assemblée que j’ai tenu à conserver en 1995, dont la majorité a soutenu loyalement le gouvernement. Une Assemblée qui a contribué à définir les lignes de force d’une France moderne et compétitive, et à laquelle je tiens à rendre hommage. Aujourd'hui, je considère en conscience que l'intérêt du pays commande d’anticiper les élections. J’ai acquis la conviction qu’il faut redonner la parole à notre peuple afin qu’il se prononce clairement sur l’ampleur et le rythme des changements à conduire pendant les 5 prochaines années. Pour aborder cette nouvelle étape, nous avons besoin d’une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l’action. »

Contrairement à ses attentes, et pour la première fois, une dissolution n'aboutit pas en faveur du chef de l'État. En 1997, Jacques Chirac dut nommer un chef de gouvernement issu de la majorité de gauche nouvellement élue, Lionel Jospin.

Les trois dernières dissolutions furent donc utilisées dans l'espoir d'accorder la couleur politique de l'exécutif et du législatif. Une tradition qui fut interrompue par la réduction du mandat présidentiel à 5 ans et par l'inversion de l'élection présidentielle et des élections législatives, la première ayant désormais lieu avant la seconde.

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.