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Canicule de 2003 : le décalage entre le polo de Jean-François Mattéi et la crise sanitaire

Canicule de 2003 : le décalage entre le polo de Jean-François Mattéi et la crise sanitaire

Le 11 août 2003, en pleine canicule, le ministre de la Santé Jean-François Mattéi était en direct au 20h de TF1 depuis sa maison du Var. Et en polo noir. Une séquence qui avait fait polémique, tant la scène avait semblé en décalage avec la situation sanitaire. Retour sur cette séquence télévisuelle.

Par Romane Sauvage - Publié le 12.07.2023
 

Dans les quinze premiers jours du mois d'août 2003, une vague de chaleur de grande intensité touchait l'Europe. 15 000 personnes vont mourir au cours de cette période. On le saura par la suite mais les autorités et les services publics ont tardé à prendre la mesure de cette canicule, alors que les hôpitaux se trouvaient débordés. Le plan blanc ne fut déclenché que sur les derniers jours de la vague de chaleur.

La gestion de cette crise sanitaire fut en particulier critiquée après une prise de parole du ministre de la Santé de l'époque, Jean-François Mattei, le 10 août, soit plusieurs jours après le début de la crise. En polo noir, dans le jardin de sa maison de vacances, le responsable politique avait voulu se montrer rassurant. Pour l'opposition et une partie de l'opinion publique, il devint le symbole de l'inaction du gouvernement Raffarin.

« Pour sous-estimer, il faut être averti »

Dans ce direct diffusé sur TF1, et disponible en tête d'article, le présentateur interrogeait d'entrée le ministre sur ce sujet. « Jean-François Mattéi, bonsoir. Certains médecins parlent d'"état d'alerte" et critiquent le manque d'anticipation des pouvoirs publics. Au ministère de la Santé, avez-vous sous-estimé les conséquences sanitaires de cette canicule, notamment pour les personnes âgées ? »

Voici la réponse de Jean-François Mattéi : « Je ne pense pas du tout qu'il y ait eu de sous-estimation. Pour sous-estimer, il faut être averti, or cette canicule n'était pas prévisible. Ce que nous avons fait depuis le mois de juin, c'est que nous avons organisé, beaucoup mieux que l'an dernier, la réception des urgences, nous avons coordonné au niveau de chacune des régions françaises et le nombre de lits fermés a été bien inférieur cet été à l'an dernier. Ce qui fait qu'en principe, nous étions dans une situation bien meilleure.

Évidemment, la canicule est arrivée, cette vague de chaleur. Et alors, c'est vrai le gouvernement est préoccupé, il est attentif, car chaque fois qu'il y a des situations extrêmes, grands froids ou grandes chaleurs, la vie des personnes les plus fragiles est en danger et c'est la raison pour laquelle nous avons développé un plan approprié. (...)

Ce que je peux dire c'est que nous avons été informés des faits par les services sanitaires, par les hôpitaux, par les services d'urgence entre le 5 et le 6. Des mesures ont été prises immédiatement pour estimer les décès qui peuvent être rapportés à la chaleur, mais vous savez il y a vraiment une intrication des phénomènes. Ce sont souvent des malades qui ont une maladie chronique, ce sont des gens qui sont fragilisés, en fin de vie et naturellement la part des choses est difficile à faire.

Ce qui est clair en tout cas, c'est que je ne veux pas qu'on parle de mort naturelle, car la chaleur a été un facteur déclenchant et je me battrai jusqu'au bout pour que les conditions d’hospitalisation soit les meilleures possibles (...) en reportant des opérations qui n’étaient pas urgentes et en rouvrant des lits pour accueillir les personnes âgées. Et puis, deuxièmement, il faut faire une campagne sur la prévention. »

« Plus important encore, c'est de rappeler la prévention nécessaire »

En réponse aux critiques, formulées par exemple par Jack Lang, qui parlait « d'un gouvernement aux abonnés absents » et dénonçait « l'absence d'une cellule d'urgence au niveau national », le ministre de la Santé assurait, au contraire, de la mobilisation de l'exécutif :« Écoutez, je ne suis pas sûr qu'en affichant "cellule d'urgence" il y ait derrière une réalité. Alors, on n'a pas parlé de celulle d'urgence, mais il y a derrière une réalité. La réalité, c'est que des lits ont été ouverts dans les hôpitaux qui étaient en difficulté, la réalité, c'est que du personnel a été en heures supplémentaires pour faire face à la demande, la réalité, c'est que la Direction générale de la santé, l'Institut de veille sanitaire, et que tous les services sanitaires sont en état d'alerte. Voilà, la réalité. »

Et de poursuivre avec des messages de prévention : « Par ailleurs, ce qui est beaucoup plus important encore, c'est de rappeler la prévention nécessaire, c'est la raison pour laquelle dès demain midi un numéro vert sera joignable pour donner toutes les mesures de prévention pour éviter la chaleur, l’ensoleillement, favoriser un état hydrique, c'est-à-dire une boisson suffisante. (...) Ce qui est là, c'est l'accumulation, l'accumulation de l'âge, l'accumulation de la solitude, du manque de soins, du manque d'attention, du manque de vigilance, soyons un peu plus solidaire dans ce pays. Faisons attention aux personnes qui nous entourent. Je crois qu'on peut prévenir les coups de chaleur, la prévention, c'est ce qui a de mieux. »

Enfin, il assurait de la pleine mobilisation des services de santé : « Et puis quand ça ne marche pas, nos services d'urgence sont là. Et quelles que soient les difficultés, je veux rendre un coup de chapeau aux urgentistes, le travail est fait et croyez-moi il est bien fait. »

Après la polémique, un Plan national canicule fut mis en place pour coordonner les moyens d'action en cas de nouvelle vague de chaleur et Météo France créa des niveaux d'alerte, bien connu aujourd'hui.

Chaleur réactions politiques
2003 - 01:54 - vidéo

Ce reportage du 13 août 2003 montrait Jean-Pierre Raffarin tentant de faire taire la polémique. Il avait « appelé » ses ministres « pour leur demande de ne pas répondre à la polémique qui enfle jour après jour sur ce que l'opposition appelle "les manquements du gouvernement face à la canicule" ». Il ajoutait aux micros tendus : « L'esprit partisan me parait ne pas avoir sa place dans cette mobilisation nationale contre les effets de la chaleur ».

REUNION MATIGNON
2003 - 01:43 - vidéo

Mi-août, alors que la vague de chaleur touchait à sa fin, le Premier ministre avait convoqué une réunion de crise. La journaliste ne manquait pas le sarcasme dans son commentaire : « Visages fermés, on a rangé les polos et ressorti la cravate. Si l'été a été chaud pour les Français, elle s'annonce brûlante pour le gouvernement. Réunion de crise hier à Matignon pour tenter de reprendre la main après onze jours d'une communication plutôt mal-maitrisée sur les dégâts la canicule ».

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