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Quand France Loisirs était à la page

Quand France Loisirs était à la page

Le tribunal de commerce de Paris a choisi, lundi 13 décembre, l'offre de reprise de la société France Loisirs portée par la société Financière Trésor du patrimoine. Seuls 44 postes seront conservés, sur les 516 que comptait le club de livres, qui doit en outre fermer 108 boutiques sur un total de 122. Elle paraît loin, la décennie 1980, lorsque France Loisirs séduisait près de 3 millions de Français.

Par Cyrille Beyer - Publié le 25.11.2021 - Mis à jour le 13.12.2021
La saga France loisirs - 1983 - 03:39 - vidéo
 

France Loisirs est sauvé, mais le le prix social est élevé. Lundi 13 décembre, le Tribunal de commerce de Paris a choisi, parmi les deux offres de reprises déposées pour la sauvegarde de la société, celle de la société Financière Trésor du patrimoine. Le club de livres va devoir se séparer de 90% de ses salariés, et de la grande majorité de ses 122 boutiques, pour n'en conserver que 14.

C’est en 1970 que la société France Loisirs est créée par le groupe allemand Bertelsmann, numéro trois mondial de l’édition, en association avec Les Presses de la Cité. Treize ans plus tard, un reportage de France 3 diffusé le 18 avril 1983 présente une entreprise dont le modèle économique séduit les Français. La journaliste Monique Atlan en explique le fonctionnement : « Une carte d’abonnement vous donne le droit de recevoir un catalogue où sont proposés chaque trimestre à des prix préférentiels 400 titres, dont 10 nouveautés, sélectionnés et commentés en quelques lignes. Des livres que l’on peut recevoir à domicile où acheter dans les 185 points de vente du club. En contrepartie, l’abonné s’engage à commander au moins un livre par trimestre ou à recevoir en cas d’oubli un livre sélectionné d’office par le club. Une idée simple, pratique, et qui rapporte. »

En 1982, toujours selon le commentaire de Monique Atlan, France Loisirs avait vendu 22 millions de livres et totalisait 3 millions et demi d’adhérents. Des ventes qui se répartissaient à 60% dans les points de vente et à 40% par correspondance. En outre, le nombre d’abonnés augmentait alors d’environ 400 000 par an.

25% moins cher

L’argument de vente par excellence de France Loisirs, c’était le prix, comme le confirme cette cliente interviewée en magasin : « Je viens ici parce que c’est moins cher, tout simplement. Les prix sont bien plus avantageux que dans les librairies. » Un prix 25% moins cher qu’en librairie qui permettait, selon le PDG de l'époque Walter Gerstgrasser, de réaliser des économies d’échelle. D’une part en fidélisant un nombre important d’abonnés et d’autre part en ne proposant que des livres qui répondent à l’attente des lecteurs et des lectrices, évitant ainsi de se retrouver avec un nombre important d’invendus, comme c’est le cas des librairies classiques.

Pour ce faire, la formule ne propose que des livres qui ont déjà connu un grand succès en librairie, éliminant près des 25 000 autres nouveautés qui paraissent chaque année. Un choix d’autant plus aisé pour France Loisirs que la loi Lang du 10 août 1981 relative au prix du livre impose un délai de 9 mois aux clubs de lecture pour protéger les librairies. Un point sur lequel revenait un autre reportage, diffusé le 14 avril 1988 sur Antenne 2.

Les différents reportages qui font état du succès de France Loisirs au cours des années 1980 et 1990 insistent aussi sur la sociologie des lecteurs, ou plutôt, des lectrices. Le reportage en tête d’article explique ainsi que la clientèle est issue du « milieu des cadres moyens, employés et ouvriers, et plus particulièrement composée de femmes. Des lectrices qui restent intimidées par les labyrinthes que constituent parfois les librairies traditionnelles, qui ont besoin d’être guidées, d’être séduites par une présentation, une couverture spécialement conçue à leur attention ».

Le 5 décembre 1990, un reportage de « Télé Matin », sur Antenne 2, complétait ce portrait sociologique des lecteurs de France Loisirs en expliquant que le club touche des gens qui n’ont traditionnellement pas accès aux librairies. Interviewée, la romancière Irène Frain témoignait de son attachement à cette formule : « C’est l’accès au très large public. C’est toucher des gens que je ne toucherais pas autrement. Je vis en partie dans un petit village, à la campagne, et je m’aperçois que les gens de ce village vont très peu en librairie ».

Une coupure face au livre largement répandue, puisque selon le reportage, « 2/3 des Français n'ont jamais mis les pieds dans une bibliothèque, et 25% des Français ne lisent même pas un livre par an ».

Déjà passé tout près de la disparition en 2018, France Loisirs, qui a fêté en 2020 son cinquantième anniversaire, ne compte plus que 800.000 membres. Bien loin de son succès des années 1980.

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