Une journée exceptionnelle
Le 7 septembre 1987 fut une journée mémorable pour Antenne 2. En effet, Alain Delon avait accepté d'être le fil rouge des principaux programmes de la deuxième chaîne. Une faveur accordée en remerciement de la diffusion prochaine de douze de ses plus beaux films. Le moment phare de cette journée d'anthologie fut sans aucun doute son passage dans le 13h présenté par William Leymergie. Contrairement à ce qu'il fit au 20h, Alain Delon ne se rendit pas sur le plateau pour commenter l'actualité. Au contraire, c'est lui qui ouvrit les portes de son appartement aux caméras. C'était la première fois que la télévision pénétrait chez lui « et peut-être la dernière » plaisantait William Leymergie avant de sonner à la porte de l’appartement sis au 42 de l’avenue du Président-Kennedy, dans le 16 arrondissement de Paris, face à la Seine. D’une superficie de 780 m², le triplex se situait entre le 7e et le 9e étage. Chacun des étages était doté de sa propre terrasse… découvrez ci-dessous l'arrivée du journaliste chez la star.
Arrivée de William Leymergie chez Alain Delon
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Un appartement hors norme
Pour commencer leur entrevue, Alain Delon accueillait le journaliste dans l'un des trois bureaux qu'il possédait à chaque étage. Avant de commenter l'actualité ensemble, il lui confiait travailler et réfléchir beaucoup et prendre le temps de suivre l'actualité, « je suis un citoyen français et j'aime savoir ce qui se passe dans mon pays. La politique intérieure, internationale et à tous les niveaux. Je lis les journaux et je m'informe », ajoutait-il, assis derrière son bureau recouvert de dossiers.
Alain Delon vivait là depuis les années 60. Il avait acheté cet appartement de l'ouest parisien avec Romy Schneider, jeune actrice autrichienne, éternelle Sissi, rencontrée à la fin des années 50 sur le tournage du film « Christine » du réalisateur Pierre Gaspard-Huit. Le couple y abritera son amour avant de se séparer. Alain Delon gardera l'« alcôve » bientôt rejoint par un autre amour, l'actrice Mireille Darc.
Cet appartement somptueux, qui fut mis en vente en 2012 - son prix frôlant les 46 millions d’euros - comptait six chambres, avec autant de salles de bains, une chambre de service, une cuisine équipée, une salle de sport, un sauna et un hammam. Les deux suites parentales occupaient le septième étage, face à la tour Eiffel. Au sommet du duplex, se trouvait la plus grande terrasse, jouxtant le bureau d’Alain Delon, un espace de travail aux tomettes ocres et stores en paille. C'est dans cet espace que se poursuivait l'entrevue. Dans l'archive disponible en tête d'article, il était question d'art, car Alain Delon était un grand collectionneur, amateur de beaux objets, d’œuvres et de tableaux dignes d'un musée.
Amateur d'art éclairé
D'ailleurs, William Leymergie, s'adressant aux téléspectateurs posait cette question, tandis que l'acteur caressait Rama, sa chatte égyptienne lovée sur ses genoux : « Alors, c’est comment chez Alain Delon ? Ben, je vais vous répondre. C’est la maison d’un amateur d’art. Et précisément, parmi les tableaux et les objets, il y a des bronzes dont il est très fier, signés Bugatti. » Rembrandt Bugatti, l’un des plus grands sculpteurs animaliers au monde. La caméra filmait en gros plan un tigre et un lion du maître tandis qu'Alain Delon, amateur d'art classique, expliquait quelle était l'origine du prénom Rembrandt porté par l'artiste. Le présentateur du 13h et l’acteur décrivaient ensuite d'autres œuvres présentes à leur côté : un tableau fauve de Dufy, un paysage d'Utrillo. Alain Delon confiait volontiers son goût de dénicher ces œuvres, de faire monter les enchères. Evoquant ses tigres, il ajoutait avec gourmandise : « C'est moi qui les ai convoités, désirés et finalement obtenus. »
Télévision vs cinéma
Les deux hommes évoquaient ensuite ses projets : la chanson et pourquoi pas la télévision. Il avouait, avec fougue cette fois, « avoir besoin de se faire mal » pour ne pas s'endormir et d'aimer vivre « à cent à l'heure ». Il abordait ensuite le rapport entre la télévision et le cinéma, déplorant l'absence de « vrais films de cinéma » chez les producteurs.
Les projets d'Alain Delon
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La tour Eiffel, la Seine, Alain Delon
L'entretien se concluait sur l'immense terrasse du dernier étage jouxtant la salle de travail de l'acteur. Attablés devant un jus d'orange, la tour Eiffel se détachant sur un ciel bleu ourlé de nuages ouatés en arrière-fond, William Leymergie et Alain Delon poursuivaient leur entretien pour évoquer l'admiration que l'acteur portait à De Gaulle. Il avait d'ailleurs acquis le texte de l'Appel du 18 juin quelque temps plus tôt. La conversation à bâtons rompus abordait ensuite l'avenir (sombre) que prédisait l'acteur au cinéma français, puis sa « dent » personnelle contre le ministre de la Culture de l'époque (François Léotard).
Alain Delon, discussion en terrasse
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De cette expérience inédite, il reste un moment de télévision rarissime et un portrait inédit de l'une des dernières grandes stars du cinéma français.
La journée d'Alain Delon sur Antenne 2
Venu sur Antenne 2 pour promouvoir ses films, l'acteur s'est finalement mis à nu comme rarement. Les archives de cette journée exceptionnelle dévoilent des facettes méconnues d'Alain Delon, très humain, maniant l'humour comme la critique avec brio. Les différents entretiens dépeignent un homme ouvert, cultivé, amoureux de la vie et bourreau de travail. Visiblement heureux de montrer un autre visage que celui qui s'affichait sur les magazines au papier glacé, il joua le jeu de la sincérité.
Le matin du 7 septembre 1987, l'acteur s'était rendu dans l'émission « Télé matin », où en compagnie de Roger Zabel, il avait donné sa définition du statut de star. Puis les téléspectateurs l'avaient retrouvé dans « Matin bonheur ». Ce jour-là, c'était la première de l'animateur Thierry Beccaro, très ému de débuter avec un tel parrain. Le comédien, particulièrement avenant, était longuement revenu sur sa carrière, estimant n'avoir aucun regret.
En fin d'après-midi, Alain Delon était venu pousser la chansonnette et parler variétés dans « Un DB de plus », la nouvelle émission de Didier Barbelivien. Il s'était ensuite rendu sur le plateau du 20h d'Henri Sannier, où il avait commenté l'actualité avec sérieux, notamment les questions politiques, évoquant son soutien à Raymond Barre et expliquant ce qu'il pensait du Front national de Jean-Marie Le Pen. Il était aussi question de son arrivée probable à la télé...
Pour achever la journée, à la veille de la rentrée scolaire, l'artiste partageait quelques souvenirs de sa jeunesse, et plus particulièrement de sa scolarité difficile en pension, dans le magazine « Autrement dit », présenté par Sylvie Genevoix.