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Ce que disent les archives de la visibilité des aidants dans la société

Ce que disent les archives de la visibilité des aidants dans la société

La France compte entre 8 à 11 millions d’aidants, ces personnes qui soutiennent au quotidien un proche malade, handicapé ou en perte d'autonomie. Morgane Hiron, déléguée générale du collectif Je t’Aide et Laure Vézin, psychologue spécialisée dans l’accompagnement des aidants, apportent leur éclairage sur ce statut complexe en quête de reconnaissance et de soutien.

Par Florence Dartois - Publié le 15.10.2024
Vieillir en famille - 1975 - 00:00 - vidéo
 

L'ACTU.

Le terme d’aidant est mis à l'honneur en cette rentrée 2024, avec pour la première fois, une campagne de communication nationale sur l'aidance, lancée par le Service public de l’autonomie et le ministère des Solidarités. Elle doit contribuer à une prise de conscience du rôle d’aidant et de ses implications sociétales. Cette campagne a été construite avec des associations d’aidants, notamment le collectif Je t’Aide. Créé en 2015, il se compose de 33 structures membres qui visent trois objectifs principaux : faire avancer les droits des aidants, les rendre plus visibles et transformer la société afin qu’elle agisse auprès des aidants.

Morgane Hiron, déléguée générale du collectif Je t’Aide, commente pour nous les chiffres-clés du baromètre 2024 sur les aidants dans la société, publié par cet organisme fin septembre 2024. Laure Vézin, psychologue et responsable de la plateforme d’accompagnement et de répit des aidants de la Fondation Odilon lannelongue, décrypte les enjeux sociétaux qu'implique leur reconnaissance.

Qui sont les aidants ? Peut-on établir un portrait type ? Quel rôle joue-t-il dans la société ? Est-il suffisamment reconnu ? À travers des archives, nous allons tenter de répondre à ces questions.

Un Français sur quatre est un aidant

La France compte aujourd’hui entre 8 à 11 millions d’aidants, soit un Français sur quatre. Le baromètre Aidants 2024 publié par le Collectif Je t’Aide en partenariat avec bva Xsight permet d'en cerner les caractéristiques et d'éclairer leurs difficultés, pour mieux leur apporter les solutions qui existent. L'aidant y est défini en ces termes : « L’aidant est la personne qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne d'une personne en perte d'autonomie, du fait de l'âge, de la maladie ou d'un handicap ».

Le baromètre met en exergue une bonne nouvelle : 88 % des Français connaissent le terme « aidant » et 61 % savent précisément de quoi il s'agit. Elle montre aussi que 61 % des personnes interrogées estiment qu'elles deviendront un jour aidante ou aidant à leur tour, pour l'un de leurs proches. Le pic de l'aidance se situe entre 50 et 64 ans. Les aidants sont des actifs à 58 % et retraités à 24 %.

Mais les aidants souffrent toujours d'un certain isolement. Sur ce point, Morgane Hiron, déléguée générale du collectif, souligne que la société actuelle a encore une forte tendance à circonscrire l'aidance au cercle intime et familial. « Nous sommes convaincus que c'est là l'une des clés du problème. L’aidance est encore trop souvent vécue comme un binôme « aidant-aidé ». C'est mon père qui aide ma mère. Ou c'est une mère et son fils, un mari et sa femme, une fille et sa mère, etc. On voit ça comme un tandem plutôt que plutôt comme un groupe de personnes. Il faudrait, dans une société idéale, que chacun prenne sa place autour du binôme : le médecin traitant qui regarderait à la fois l'aidé et l'aidant, mais aussi l’employeur de l'aidant et son entourage, ses amis. »

Dans nos archives, les aidants sont bien présents, ils ressemblent beaucoup à ceux d'aujourd'hui. Notamment dans la motivation à devenir aidant. Le baromètre publié par le collectif Je t'Aide montre clairement que 68 % des personnes interrogées ont été amenées à devenir aidante par un « lien affectif ». Il établit aussi la prédominance d'un lien très majoritairement familial avec le proche aidé (90 %), notamment parental (47 %).

Les aidants dans nos archives

Nos archives nous montre une époque récente où aider un proche était considéré comme « normal », et où l'aidant était isolé. Morgane Hiron nous dit être curieuse de découvrir comment les archives parlent de ces hommes et femmes invisibilisés. Elle précise : « Avant, il y avait beaucoup de termes pour les définir. On parlait de "d'aidant naturel", d'"aidant familial", de "familles", de "personnes âgées à domicile", de "grands-parents". Les aidants d’hier, c’était beaucoup de femmes au foyer. En revanche, l'aide durait moins longtemps qu'aujourd'hui, parce que les personnes âgées mouraient plus tôt. On entend encore beaucoup dire : "Autrefois, il y avait trois générations au domicile. Pourquoi on ne fait pas comme avant ?" ».

Les archives montrent cette tendance à banaliser le rôle de l'aidant. Dans les années 1970, par exemple, elles sont édifiantes. Les « vieillards », comme on les appelle alors, avaient peu de ressources. Selon le commentaire de l'archive en tête d'article, 35 % d'entre eux vivaient avec le minimum vieillesse et 80 % avec un revenu inférieur au SMIC. Peu de solutions s'offraient à eux à l'arrivée de la vieillesse : rester chez eux et recevoir l’aide de proches, de voisins ou de bénévoles, comme celle apportée par les Petits frères des pauvres, ou entrer en « maison de repos », « à l’hospice », ou encore - pour les plus chanceux (15 %) - être recueillis, plus ou moins chaleureusement, chez leurs enfants.

Ci-dessous un bel exemple de solidarité générationnelle, qui entrerait aujourd'hui dans le champ de l'aidance.

La cohabitation entre génératrions
1975 - 00:00 - vidéo

L'aidant est souvent une aidante

Pour s’approcher du sujet, il faut donc s’intéresser à « l’entourage », au « proche », à la « tierce personne », l’« enfant dévoué » ou (souvent) la « fille dévouée ». Car autrefois, l’aidant était surtout une fille qui s’occupait de son vieux parent – souvent sa mère – avec abnégation, sans avoir conscience d’un quelconque sacrifice. « C'est encore le cas aujourd'hui, précise Morgane Hiron, puisque dans notre baromètre, les femmes représentent 54 % des aidants ».

Une tendance lourde que l'on retrouve également illustrée dans l’archive disponible en tête d’article. C'est un bon exemple de l'implication des femmes, ici une mère de famille d'une cinquantaine d'années qui vivait avec sa vieille mère de 93 ans. Elle illustre également plusieurs points moteurs de l'aidance, comme « l’esprit de sacrifice » ou « le devoir moral ». 48 % des personnes l'évoquent toujours dans le baromètre du collectif Je t'Aide.

Dans cette archive, nous sommes en octobre 1975 et le magazine « Dossier IT1 » diffuse un sujet titré À l'heure de la vieillesse. Il interroge une aidante qui s'ignore. À l’époque, comme on l'apprend dans ce reportage, 13 % de la population (soit sept millions de personnes) avait dépassé « l’âge fatidique de 65 ans ». Parmi eux, se trouvaient « les grands vieillards du quatrième âge » : 2,7 millions de personnes, à raison de trois femmes pour un homme.

Dans l'archive, le commentaire expliquait que tous les Français partageaient les mêmes craintes concernant l'arrivée de la retraite : la santé, la faiblesse des revenus et la solitude. Ces deux derniers sujets étant abondamment traités dans nos archives.

La notion de sacrifice était immédiatement évoquée par la journaliste, amenant une réponse cinglante de la fille de la nonagénaire : « Je ne fais pas de sacrifice, car je peux (le faire). C’est une joie de rester auprès d’elle ». Une situation qui durait « depuis des années » confirmait la vieille dame, ajoutant « je ne vois pas comment je ferais autrement ».

Cette fille attentive vivait ce que nombre d’aidants connaissent bien, un certain isolement social, une privation de distractions, qu'elle semblait accepter plutôt sereinement : « Je n’en éprouve plus tellement le besoin... ». Mais à bien observer son regard éteint, on pouvait douter de son honnêteté. Le contraste est frappant entre la bonhommie de la vieille dame, qui tricotait et lisait encore, et l’épuisement frappant de sa fille. Un contraste que la journaliste avait bien remarqué : « Lorsque l’on se replie complètement et que l’on vit replié ainsi avec une personne âgée, est-ce que soi-même, ça ne vous marque pas ? »

Et la femme de répondre : « Probablement si. Mais tant pis ! ». Ce « renoncement », elle l’assumait, expliquant qu’il n’était pas question de mettre sa mère dans « une maison de repos », par devoir filial. Même évidence du côté de la maman « choyée », refusant cette hypothèse de placement et rejetant toute idée de fin de vie et de mort : « Je n’aime pas beaucoup ça. Pourquoi (en parler) ça arrivera bien assez tôt. C’est triste ! Je ne veux pas de choses tristes ! ».

Les lourdes conséquences professionnelles de l'aidance

Devenir aidant représente un coût social, psychologique et financier. C'était le cas hier et c'est toujours d'actualité aujourd'hui. Pour les femmes, le coût de l’aidance est plus lourd. Selon un rapport de la Fondation des femmes sur le coût de l'aidance des femmes 80 % des aidants au foyer sont des femmes. « Les aidantes sont 25 % à être à temps partiel par obligation vs. 10 % des salarié.es », est-il précisé. Et d'ajouter : « Dans leur rôle d’aidantes, les femmes effectuent des tâches plus difficiles que les hommes (activités domestiques, suivi médical, toilette et habillage) et sont plus nombreuses à trouver la charge mentale “trop importante”. Leur statut d’aidante a d’ailleurs des conséquences fortes sur leur carrière quand elle ne les éloigne pas complètement du marché du travail ». Une situation déjà évoquée en 1973, par cette femme interrogée dans « Aujourd'hui madame ». À regarder ci-dessous.

Témoignage d'une femme qui s'occupe de sa mère âgée. Elle précise qu'elle ne reçoit aucune aide financière et dépend entièrement des revenus de sa mère.

Si la situation des femmes aidantes n'a pas beaucoup changé, les motifs de l'aidance non plus. Le baromètre des aidants 2024 souligne que 36 % des aidants soutient un proche malade et 23 % un proche en situation de handicap.

Derrière les aidés, cherchez un aidant

La quête des aidants dans les archives passe par les portraits d'aidés. En premier lieu, les aidés souffrant de longues maladies ou de pathologies chroniques. Avant la création de la Journée nationale des aidants le 6 octobre 2010, il fallait donc s’intéresser aux associations de patients. Un point que nous précise la psychologue Laure Vézin, responsable de la plateforme des aidants de la Fondation Odilon lannelongue : « Avant le sujet des aidants, c'était finalement le sujet des familles. C'était surtout des associations de patients qui le portait, par exemple, "France Alzheimer", "France Parkinson". Ces grandes associations de patients et de familles spécialisées par pathologie ont été les premières à penser, ou en tous les cas à soulever cette question de l'aidant en alertant : "Attention, derrière la personne, il y a un aidant et il faut aussi s'intéresser à cet aidant parce qu'il est en train de s'épuiser ". C'est comme ça que le sujet est apparu ».

L'archive ci-dessous est particulièrement explicite. Il s'agit du témoignage poignant d'un homme, qui n'avait d'autre choix que d'assumer la dépendance de son épouse.

Portrait d'un aidant familial
2007 - 00:00 - vidéo

Ce reportage de RFO de 2007 décrit le quotidien de Denis Ambroisine qui s'occupe de sa femme handicapée atteinte d’Alzheimer, jusqu'à l'épuisement. Il assume une grande partie des soins de son épouse, de la toilette, des repas, aidé ponctuellement par des auxiliaires de vie sociale. Il raconte la difficulté de sa situation aussi bien psychologiquement que physiquement.

« Avant, il fallait aussi regarder aussi avec le mot "handicap". Les enfants handicapés qui restent toute leur vie avec les parents, par exemple », ajoute Morgane Hiron. Le handicap permet de retrouver la trace des aidants de manière imparable. L'archive ci-dessous propose le témoignage très poignant d'une mère dévouée à son fils handicapé. Dans cet extrait du magazine « Aujourd'hui madame » du 22 janvier 1980, cette mère raconte pourquoi elle a décidé de s'occuper de son fils Vincent à la suite d'un accident. Elle parle de « son choix » d'arrêter de travailler. Elle évoque l'aide minime reçue de la part de son entourage et décrit les soins lourds et son quotidien difficile.

Un mère au chevet de son fils malade
1980 - 00:00 - vidéo

Cette mère consacre tout son temps, 24 heures sur 24 à son fils tétraplégique.

Une grande majorité des reportages liés aux aidants évoque la maladie et le handicap, mais le soutien à une personne âgée dépendante, bien que moins traitée, est pourtant un enjeu majeur dans le domaine de l'aidance.

Le baromètre 2024 met en évidence le lien entre aidance et vieillissement de la population. Un lien peu médiatisé, regrette Morgane Hiron, alors que 53 % des aidants soutiennent une personne âgée en situation de dépendance. « S'il est vrai que le sujet des aidants passe de plus en plus dans les médias, dans sa représentation, il y a un biais, car ce qui est souvent montré, c'est l’aidance vis-à-vis d'un conjoint malade ou d'enfant handicapé. Mais dans la réalité, et ça on le sait moins, les chiffres montrent que la majorité des aidants aident un parent âgé. C'est moins exposé, peut-être parce qu'émotionnellement, c’est moins "impactant" ». Elle cite, par exemple, le documentaire « Aidants, il est temps de les aider », diffusé sur France 5 à l’occasion de la Journée des aidants le 6 octobre dernier, la chaîne avait proposé à Clémentine Célarié et Bruno Solo de relayer deux aidantes auprès d'un jeune handicapé et d'un malade d’Alzheimer.

Les aidants peuvent recevoir une aide de 500 euros par an pour pouvoir confier son proche et prendre un répit.

Une décennie-clé en matière de reconnaissance des aidants

Aujourd'hui, il n'y a toujours pas de statut juridique de l'aidant, mais cette appellation s'est imposée progressivement. Le baromètre montre un progrès notoire dans la visibilité des aidants que Morgane Hiron, déléguée générale du collectif Je t’Aide, explique par une montée en puissance des actions des acteurs concernés depuis le début des années 2000 jusqu'à la crise de la Covid. « On voit que cette décennie-là a fait bouger les lignes, avec le mot "aidant", de plus en plus utilisé, et aussi, la création de solutions de soutien par les associations et par des acteurs privés. Le point d'ancrage, explique-t-elle, c'est 2003, avec la création de la première association nationale, l'Association française des aidants. C'est un marqueur fort, car c'était la première fois qu'une association était entièrement dédiée aux aidants ».

En 2005, les premières lois sur le handicap ont rendu officiel le rôle des aidants familiaux, avec la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Et, bien-sûr 2010, avec la création de la Journée nationale des aidants, le 6 octobre.

La question du grand âge est à l'origine de plusieurs avancées en matière de reconnaissance des aidants. La psychologue Laure Vézin précise que 2015 a été une date-clé, avec la loi de l'adaptation de la société au vieillissement (ASV), avec la définition de la notion de « proche aidant ». « Je crois que finalement la première fois où les aidants ont été visibilisés, c'est 2015. On a vraiment eu des axes dédiés aux aidants. Notamment le droit au répit, le droit à la formation aussi ». Un point évoqué dans l'archive à suivre.

En France, la solidarité familiale n'est pas un vain mot. 57% des personnes âgées de plus de 95 ans peuvent continuer à vivre chez elle, aidées par des services à domicile ou des proches (ménage, soins, repas). L'implication des familles est importante. Cette aide informelle équivaudrait à 9 milliards d'euros d'après le CORA, le Conseil d'orientation et de réflexion de l'assurance. Portrait de Monique. À 69 ans, elle est retournée vivre avec sa mère âgée dépendante. Dévouée, elle ne se plaint jamais : « Je suis avec ma maman tout le temps... »

2015, c'est aussi en parallèle des politiques publiques, une période qui fut marquée par l'augmentation du nombre d'associations. Le collectif Je t'Aide, par exemple, date de 2015. Cette même année, dans le Grand Soir de France 3, Florence Leduc, la présidente de l'Association française des aidants, évoquait la difficile légalisation du statut des aidants.

Dans son intervention, Françoise Leduc décrit la complexité des situations d'aidance : « C’est terriblement difficile de légaliser une aussi grande variété d’aidants. C’est un petit enfant qui aide un grand-parent, un adulte, une vieille personne… Certains travaillent, les autres sont à la retraite. La question pour nous, c'est de faciliter la vie des aidants par certaines mesures qui feraient que les personnes âgées, handicapées, malades puissent avoir le droit d’accéder aux aides professionnelles qui les concerne. De permettre aux proches aidants de pouvoir bénéficier de répit, mais également de pouvoir concilier la vie d’aidant, avec la santé et avec la vie professionnelle. »

La place de l'entreprise dans la stratégie pour les aidants

Morgane Hiron situe le point d'orgue de la reconnaissance des aidants à 2019-2020, avec la mise en place de la « Stratégie Agir pour les aidants 2020-2022 ». Il s'agissait de la première politique publique nationale interministérielle dont les mesures s’adressaient directement aux proches aidants. Elle a permis plusieurs avancées, par exemple, la mise en place en octobre 2020 du « congé proches aidants » pour les salariés, avec une durée maximale de trois mois. La mesure était estimée à 100 millions d'euros chaque année, mais jugée insuffisante par les associations.

Ci-dessous, deux exemples concrets de personnes concernées par ce « congé proches aidants », avec une auxiliaire de vie qui s'occupe à mi-temps de son époux paraplégique et un couple qui s'occupe de leur fils de 15 ans atteint d'un handicap moteur.

« C'est formidable de pouvoir faire un break au niveau du travail, de pouvoir, peut-être organiser sa journée autrement » (Madame Guerbaa) ; « C'est une première victoire, mais l'indemnisation de proche aidant est insuffisante, entre 42 et 53 euros par jour... » (la présidente de l'association, La Compagnie des aidants) ; « Trois mois ça peut sembler très court sur toute une carrière », « C'est une forme de reconnaissance » (les parents de l'enfant handicapé)

L'implication des entreprises est en effet essentielle, car avec le vieillissement de la population, l'aidance va devenir un enjeu majeur pour les entreprises. D’ici à 2030, un salarié sur quatre sera un proche aidant. Ce sont essentiellement les grandes entreprises, celles qui ont plus de moyens, qui se sont lancées les premières. « L'entreprise va devoir faire face, sinon elle aura de plus en plus d'arrêts de travail, du personnel absent. Et finalement, le coût de ne rien faire sera plus élevé que le coût de mettre en place des actions de prévention, de sensibilisation », souligne Morgane Hiron.

Laure Vézin, responsable de la plateforme des aidants de la Fondation Odilon lannelongue, souligne néanmoins que ces mesures ont du mal à trouver leur public. « En général, les aidants veulent continuer à travailler parce qu’ils sentent bien que cet aspect carrière-vie sociale et satisfaction est important. Ils ne veulent pas forcément le perdre. Ils veulent pouvoir concilier les choses et sont plutôt en demande de flexibilité sur les horaires, sur le temps de travail, d'avoir un accès ou un accompagnement à l'information sur les dispositifs pour leurs proches ».

Vers un plafond de verre ?

Cette volonté politique d'accompagner les aidants représentait une étape importante de leur reconnaissance souligne Morgane Hiron : « Cette première stratégie les rendait visibles indépendamment du type d'aidance, avec un certain nombre d'axes qui contenaient globalement pas mal de choses que les associations demandaient, même si évidemment cette stratégie n'était pas parfaite ». Parmi les mesures : un numéro d'appel unique, un guide des répits possibles, un soutien financier aux aides psychologiques, une sensibilisation des professionnels de l’Éducation nationale aux problématiques des jeunes aidants.

Les jeunes aidants
2022 - 00:00 - vidéo

Ils sont 500 000 enfants ou adolescents en France de moins de 25 ans qui assistent un proche malade ou handicapé au quotidien. Témoignages de Léa qui s'occupe de sa mère qui souffre de la maladie d'Alzheimer et Margot sur l'aide apportée à sa mère qui souffre d'un cancer.

Un volet 2 de la stratégie était annoncé pour 2023-2027. Mais la crise de la Covid et les restrictions budgétaires ont mis à mal les avancées, avec une stratégie moins ambitieuse que la précédente, ce que déplore Morgane Hiron. Il y a un risque de « plafond de verre », explique-t-elle. « Ce que l'on constate aujourd'hui, c'est qu'il y a eu un effet moteur sur la décennie 2010-2020, avec des droits nouveaux et des moyens. Aujourd'hui, c'est la crise, il n'y a plus d'argent, il y a d'autres priorités alors que les enjeux sont toujours là. L'inquiétude aujourd'hui pour les aidants, c'est d'être, certes, plus visibles, mais aussi utilisés par les pouvoirs publics pour pallier les carences du système de soins. »

Choisir d'aider : une utopie ?

Derrière la question des aidants, se pose plus largement celle de la dépendance dans la société et son coût. Faute de loi sur le financement de la perte d'autonomie, qui a été repoussée sine die, Morgane Hiron s'interroge sur l'avenir : « Avec le vieillissement de la population et l'augmentation des maladies chroniques, on pourrait voir arriver un modèle inégalitaire "où chacun se débrouille" selon ses moyens. » Si les aidants sont aujourd'hui clairement identifiés, qu'en sera-t-il de leur rôle dans la société demain ? Une question qui est constamment abordée dans les archives. L'émergence du terme « aidant » n'est pas suffisante pour dépasser le tabou moral et les injonctions moralisatrices de la société.

Ne plus subir l'aidance est-il utopique ? Cette question du choix consenti est au centre des réflexions du collectif Je t'Aide. Morgane Hiron appelle à y réfléchir d'urgence. « Même si, collectivement, c'est compliqué de faire bouger les lignes, au moins, individuellement, chacun peut prendre sa part pour avancer un peu sur la question. Si les choses n'avancent plus aujourd’hui, c’est aussi parce que les aidants n'ont pas forcément conscience de faire partie d'un groupe social qui représente des millions de personnes. On ne les verra jamais manifester dans la rue. Ils ont moins de temps, pas énormément de moyens et leurs proches sur les bras... Nous, en tant qu’associations et porte-paroles des aidants, on aurait aussi un peu besoin d’une masse de gens qui commencent à faire entendre leur voix. »

Choisir d'aider. Sous quelle forme ? Avec quel soutien professionnel ? Voilà quelques pistes de réflexion qui semblent émerger pour l'avenir. « Même si j'ai envie d'être aidant, je devrais pouvoir dire que je n’ai pas envie de faire tel ou tel acte, comme la toilette d'un parent, par exemple. La question du choix, elle n’existe clairement pas aujourd'hui, déplore Morgane Hiron, si la société était mieux organisée, on aurait peut-être moins d'aidants et on se permettrait un peu plus de liberté ». Le débat est posé.

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