« Seriez-vous partisan d’admettre des femmes à l’Académie française ? » 1975 : un journaliste interrogeait Félicien Marceau, romancier membre de l’Académie française. « Oui, oui. Brusquement, vous m’avez cueilli en plein vol, mais je dirai plutôt oui. » Avait-il des noms à citer ? « Ah non, là, vous m’en demandez trop ! »
11 femmes (dont deux depuis 2020 et le montage d'archives en tête d'article) seulement sur 734 immortels sont entrées à l’Académie, depuis sa création par Richelieu en 1635. À peine plus de 1% des effectifs et ne vous y trompez pas, les femmes ne sont arrivées que très récemment. La première immortelle, ce fut Marguerite Yourcenar en 1980. Et ce ne fut pas une bataille facile. Pour la remporter, il a fallu le lobbying appuyé d’un groupe d’académiciens menés par Jean d’Ormesson, alors le benjamin des immortels. Il expliquait : « C’est l’œuvre de Marguerite Yourcenar qui parle en sa faveur. Il y a une longue tradition qui fait que l’Académie est une réunion d’hommes, mais aucun texte n’interdit la présence d’une femme. »
Plus de femmes refusées que reçues
Mais en fait, la romancière elle-même ne s’était pas portée candidate. Cette irruption féminine entraîna les résistances d’éminents académiciens tels que Claude Lévi-Strauss, Georges Dumézil ou encore Jean Guitton. Pire encore, l’académicien Pierre Gaxotte déclare en 1980 : « Si on élisait une femme, on finirait par élire un nègre. » Misogynes et racistes, certains membres de l’Académie ? On trouve en tout cas dans l’histoire de l’institution plus de femmes recalées que reçues. Au moins 20 candidates malheureuses et parmi elles, l’écrivaine Chantal Dupille en 1975.
Depuis ces temps troublés, la parité n’a guère évolué. Un manque de parité étonnant au regard de la réalité des chiffres. Entre 2010 et 2019 notamment, 42% des prix littéraires ont été remis à des lauréates.