Depuis le milieu des années 60, la Grèce connait une instabilité politique qui met en péril l'équilibre du pays. Le peuple réclame ardemment des élections, pour redonner le pouvoir au centriste Georgios Papandréou, ancien Premier ministre renvoyé par le roi (sous la pression des militaires) pour avoir tenté d'épurer l'armée de ses extrémistes de droite (farouchement anticommunistes). Après plusieurs années de crise, le souverain Constantin II autorise en 1967 la tenue d'un nouveau scrutin. Ces élections n'auront pourtant jamais lieu, puisque dans la nuit du 21 avril, une junte militaire s'empare du pouvoir et proclame l'état de siège.
Au matin, Athènes se réveille sans téléphone ni journaux. Seule la radio de l'état-major diffuse ces mots : « l'armée a pris le pouvoir ». Sans effusion de sang, un groupe d'officiers emmenés par Georgios Papadopoulos vient d'opérer à un coup d'Etat, avec le feu vert des Etats-Unis.
Dans un premier temps, le roi Constantin II semble accepter la dictature. En réalité, il n'a pas vraiment le choix, et il tentera par la suite de la renverser, fin 1967. Son échec lui vaudra de s'exiler à Rome avec sa famille. La junte des colonels instaure une régence, avant de définitivement abolir la monarchie en 1973.
Répression
Le nouveau régime dictatorial va s'arroger le droit de prendre n'importe quelle décision dans tous les domaines possibles. Et si, pour simuler une vie politique normale, les gouvernements continuent à se succéder, le pouvoir est réellement détenu uniquement par Papadopoulos et ses colonels. Face à la contestation, les dictateurs se montrent d'emblée très répressifs. Dans les premiers mois de la dictature, ce ne sont pas moins de 300 groupements et associations qui seront interdits. Personnalités politiques de l'opposition ou simples défenseurs des droits de l'homme, tous ceux qui manifestent leur hostilité au régime sont persécutés, mis en résidence surveillée, emprisonnés, déportés sur des îles grecques désertes et souvent torturés.
L'archive placée en tête d'article rend compte des premiers moments de cette dictature. Si elle ne se remarque d'emblée pas dans les rues d'Athènes, qui n'a pas perdu sa frénésie habituelle, la dictature se remarque néanmoins par la présence de chars aux endroits stratégiques de la capitale. Mais surtout, c'est à travers les interviews réalisées par le journaliste Michel Colomes, auteur de ce reportage, « Athènes à l'heure de Sparte » pour l'émission « Panorama » que l'on se rend finalement compte du changement de régime, et de la répression qui s'abat sur les opposants politiques et les symboles de la démocratie et de la liberté.
La dictature des colonels va durer sept ans. En 1974, la crise chypriote y met un terme, et provoque le retour du leader de centre-droit Konstantin Karamalis, en exil en France. Ce dernier va organiser le retour du pays à la démocratie, les Grecs choisissant par référendum la République au détriment de la monarchie.