Queues tranchées à vif, porcelets écrasés à terre pour les tuer, coups de tournevis, dents arrachées à la tenaille… Les images diffusées par l'association de défense animale L214 sont dures. Elles dénoncent les manquements et la maltraitance exercés dans un élevage de porcs d'Annay-sur-Serein dans l’Yonne. L'association s'appuie sur des images filmées par un ancien employé du site. Grégory a filmé avec son téléphone pour dénoncer les mauvais traitements infligés aux bêtes. Il déclare avoir alerté successivement ses responsables puis son directeur d'établissement. Sans réponse de leur part, l'ancien employé qui se considère comme un lanceur d'alerte a décidé de démissionner, de porter plainte contre la structure pour laquelle il a travaillé 2 ans, mais surtout de transmettre ses vidéos à L214.
Ces témoignage sont rares. Pourtant de nombreux travailleurs d'élevages ou d'abattoirs expriment en privé leur souffrance physique et psychologique induites par leurs conditions de travail et les souffrances infligées aux animaux. L'un des premiers à l'avoir fait s'appelle Mauricio. En novembre 2016, après avoir travaillé 7 ans dans un abattoir de Limoges, il décidait d'envoyer des images à L214. C'est aussi le premier à avoir accepté de témoigner à visage découvert. Dans l'archive en tête d'article, Mauricio témoigne de son calvaire dans le magazine "Envoyé spécial" du 12 février 2017, dont l'enquête s'intitulait : "Ouvriers d'abattoirs des bourreaux ou des hommes ?"
"On devient fous ! Comment je peux expliquer ça à mes enfants ?"
"Plus jamais je ne remettrai les pieds dans un abattoir...". C'est un homme brisé qui témoigne. Lui souffre de maux physiques dus aux conditions de travail difficiles. Mais c'est surtout de sa souffrance morale qu'il souhaite témoigner. De la sienne et de celle des animaux d'élevage qui passaient entre ses mains. Mauricio était chargé de les éviscérer. Jusqu'au jour où il a dû "vider" des vaches gestantes et se retrouver avec des veaux tués avant de naître. Les fœtus de veaux étaient jetés à la poubelle avec le reste des boyaux. Photos à l'appui, les larmes aux yeux, l'homme craque : " Qu'est-ce qu'on est en train de faire ! Qu'est-ce qu'on est en train de faire ! Qu'est-ce qu'on est en train de faire ! Nom de Dieu ! On ne dit rien, c'est normal !" Après un long silence, il ajoute : "On devient fous ! On devient fous ! On devient fous ! Comment je peux expliquer ça à mes enfants ?"
Comme un vétéran de guerre, il souffre de troubles post traumatiques. En 2017, Mauricio tentait de se reconstruire. Sa manière à lui de se racheter, et peut-être d'améliorer le sort des animaux, du moins l’espérait-il, c'était de parler.
L'abattage des vaches gestantes n'est pas interdit. C'est une pratique controversée mais ni rare ni illégale, puisque la réglementation européenne n’interdit que l’abattage des vaches à plus de huit mois de gestation. Comme Mauricio, mais dans un élevage de porcs cette fois, c'est Grégory qui a craqué face aux traitements infligés à des porcs, génétiquement proches de l'homme. "Suite aux maltraitances, j'en ai eu marre. J'ai pété un câble. Ça me faisait mal au cœur de les voir hurler. C'était insupportable de voir ça", raconte l'homme de 37 ans. L214 souligne que de nombreux actes des employés de la porcherie contreviennent à la réglementation en vigueur. Il est en effet interdit de couper à l'aide de tenailles les dents des jeunes truies. Jeudi 19 août, la préfecture de l’Yonne indiquait que l’exploitant de la porcherie avait été "mis en demeure" à la suite d’une inspection de l’élevage, le 1er juin, et de la constatation de "non-conformités".
Florence Dartois
Pour aller plus loin :
La souffrance animale dans les abattoirs, un débat qui traîne.
L214 dénonce la maltraitance animale. (Vidéo ina-franceinfo)
L214, Brigitte Bardot... même combat. (Vidéo ina-franceinfo)
Élevage intensif : les premières dénonciations. (Vidéo ina-franceinfo)
1977, préparation de la Déclaration universelle du droit de l'animal. (Article)