Le chantier de la retenue d'eau controversée de Sivens dans le Tarn, occupé par des zadistes, est, en octobre 2014, un lieu de confrontation entre forces de l'ordre et militants qui dénoncent la destruction d'une zone humide. Une confrontation à l'issue fatale dans la nuit du 25 au 26 octobre. Cette nuit-là, le manifestant Rémi Fraisse, 21 ans, a trouvé la mort dans des circonstances floues. Lors de violents affrontements, un gendarme a lancé sur le botaniste de 21 ans une grenade offensive.
Le lendemain, un zadiste déclare au micro de France 3 : «Ils ont tiré des bombes lacrymogènes, des bombes assourdissantes et des bombes à explosion, en rafale, dans le tas, à tir tendu. Donc tout ce qu'il y a de plus illégal. Et on les a vus attraper un garçon là-bas et le tirer jusque dans les grilles. On a vu les ombres. On a vu qu'ils tiraient quelqu'un par les bras. Il y a les traces de sang à côté.»
Le reportage en tête de cet article donne aussi la parole à Claude Derens, procureur de la République à Albi à l'époque des faits. Il explique alors que les gendarmes ont été attaqués par «une centaine d'individus violents à coups de pierres et de cocktails Molotov ». « En raison de l'avancée des opposants, plus nombreux que les gendarmes qui étaient à peu près 70, le terrain a été balayé par des torches, ce qui a permis de repérer le corps d'un homme gisant au sol. Les gendarmes ont immédiatement opéré une sortie pour rapatrier le corps de Rémi Fraisse et lui donner les premiers secours. », poursuit-il.
« Le déni »
Une autopsie a eu lieu dès le lendemain et la famille annonçait alors qu'elle porterait plainte pour homicide volontaire.
Le gendarme auteur du tir de grenade mortel a été placé, en mars 2016, sous le statut de témoin assisté. Le maréchal des logis chef a été entendu par des juges à Toulouse dans le cadre de l'information judiciaire ouverte pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Il ne pouvait en l'état être renvoyé devant un tribunal.
Le 9 janvier 2018, les juges chargés du dossier ont prononcé un non-lieu. Un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a confirmé en janvier 2020 ce non-lieu. Un pourvoi a alors été formé par la famille de Rémi Fraisse. Après six ans de procédures, la Cour de cassation a confirmé mardi 23 mars 2021 ce non-lieu pour le gendarme mis en cause. "C'est comme si rien ne s'était passé cette nuit là à Sivens. Cet arrêt clôture une procédure marquée par le déni. Le déni par l'État français de la dangerosité de ses armes utilisées en maintien de l'ordre, le déni des violences commises par les forces de l'ordre, le déni d'une doctrine de gestion des foules qui ne protège plus mais qui blesse, mutile et tue", ont réagi la mère et la soeur du militant. "Il n'y aura pas de procès, il n'y a pas de coupable, un homme est mort, il n'y a pas de responsable, circulez il n'y a rien à voir », s'est désolé Jean-Pierre Fraisse, son père.
Le projet de barrage à Sivens, retenu en 2012 malgré une opposition de défenseurs de l'environnement, a été abandonné après la mort du jeune homme.