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2008 : la médiation en deux temps du président Sarkozy dans la guerre russo-géorgienne

2008 : la médiation en deux temps du président Sarkozy dans la guerre russo-géorgienne

Emmanuel Macron était à Moscou lundi 7 février pour s’entretenir avec Vladimir Poutine de la situation de crise avec l’Ukraine. Une tentative de médiation française, également portée au nom de l'Europe, qui n'est pas sans rappeler la médiation de Nicolas Sarkozy à l'été 2008, dans le contexte de la guerre entre la Russie et la Géorgie.

Par Cyrille Beyer - Publié le 07.02.2022
Voyage Nicolas Sarkozy en Géorgie - 2008 - 01:42 - vidéo
 

Emmanuel Macron s'est entretenu lundi 7 février à Moscou avec Vladimir Poutine de la situation de crise aux portes de l’Ukraine. Le président français, qui occupe également la présidence du Conseil de l’Union européenne depuis le 1er janvier, a déclaré espérer « amorcer une désescalade » entre la Russie et l’Occident au sujet de l'Ukraine, pays à la frontière duquel sont déployés 100 000 soldats russes.

Cette tentative diplomatique portée par la France de parvenir à un accord de sortie de crise n’est pas sans rappeler le déplacement qu’avait effectué Nicolas Sarkozy en août et septembre 2008 à Moscou et à Tbilissi pour tenter de mettre fin à la guerre entre la Russie et la Géorgie. A l’époque, le président français venait également de prendre la tête du Conseil de l’UE, le 1er juillet 2008.

Cessez-le-feu

Le 7 août 2008, les accrochages dans la région séparatiste d’Ossétie du Sud entre miliciens pro russes et armée géorgienne dégénèrent en conflit. L’armée russe pénètre en Ossétie du Sud et bouscule en quelques jours l’armée géorgienne, confortant sa supériorité militaire par des bombardements et des combats au-delà des provinces séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie.

Le 12 août, Nicolas Sarkozy, accompagné de son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, est reçu au Kremlin par le président Dmitri Medvedev. Au nom de l’Europe, le président français réussit à arracher un cessez-le-feu provisoire sur le terrain, qui prévoit notamment le retrait des forces militaires russes afin d’assurer la souveraineté de la Géorgie. En conférence de presse, Dmitri Medvedev, qui, avec son Premier ministre Vladimir Poutine, est de toute façon parvenu à ses fins en « punissant » aux yeux de tous la Géorgie et en faisant étalage de sa puissance militaire, déclare, en s’adressant à ses « ennemis » géorgiens, et sans prendre de gants : « La différence entre les racailles et les gens normaux, c’est que quand les racailles sentent l’odeur du sang, il est très difficile de les arrêter. »

Depuis Moscou, le correspondant Laurent Boussié, auteur du reportage de France 2 visible en tête d'article, résume l’enjeu, limité, de cette médiation française : « Aussi minimal soit-il, cet accord de cessez-le-feu provisoire est certainement le maximum que pouvait espérer aujourd’hui le président Sarkozy. Entièrement à leur logique de victoire militaire, les Russes ne sont pas prêts en ce moment à plus de concessions. »

Mais alors que le 16 août le cessez-le-feu définitif est finalement signé entre les différentes parties au conflit, Géorgie, milices pro-russes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, et Russie, sur le terrain, les forces russes n’évacuent par le territoire géorgien dans les jours qui suivent, contrairement aux accords. Surtout, la Russie reconnaît, le 26 août, l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. A l’Elysée, le président Sarkozy refuse le fait accompli : « L’Union européenne a fermement condamné la décision unilatérale de reconnaissance par la Russie de l’indépendance de ces deux territoires. Cette décision qui vise à un changement unilatéral des frontières de la Géorgie est tout simplement inacceptable. »

Reconnaissance de l'Ossétie du Sud
2008 - 02:09 - vidéo

Le 1er septembre 2008, les 27, réunis à Bruxelles en sommet extraordinaire sur la question russe, parviennent à un communiqué commun, malgré les différences d’approche. Le Royaume-Uni et les pays d’Europe centrale et orientale sont les plus sévères à l’égard de Moscou : alors que le Premier ministre britannique Gordon Brown propose la suspension pure et simple du partenariat en discussion entre Bruxelles et Moscou, le président polonais Lech Kaczyński va jusqu’à comparer la situation de l’armée russe en Géorgie à celle des troupes allemandes en 1939.

Le couple franco-allemand se voulant plus conciliant, le communiqué final n’évoque pas de sanctions vis-à-vis de la Russie, mais annonce que les Européens ajournent les discussions avec Moscou sur le partenariat renforcé. Au terme du sommet, Nicolas Sarkozy se veut néanmoins ferme : « Cette réunion n’était pas dirigée contre la Russie, mais il est aussi clair que le comportement de la Russie au cours des dernières semaines, avec sa réaction militaire disproportionnée, et avec le maintien des troupes russes en territoire géorgien, a fait naître une profonde préoccupation en Europe et au-delà. Le retour des sphères d’influence n’est pas acceptable : Yalta, c’est fini. »

« Victoire diplomatique »

Le 9 septembre, le journal du 12/13, sur France 3, fait état d’une « victoire diplomatique » de Nicolas Sarkozy et de l’UE après un nouveau déplacement du président français à Moscou et Tbilissi. Nicolas Sarkozy a « obtenu ce qu’il voulait, un calendrier précis » du retrait des forces russes, « d’ici un mois », pour reprendre les termes du présentateur Stéphane Lippert, en lancement du reportage de Mémona Hintermann.

L’accord conclu avec Moscou par Nicolas Sarkozy prévoit la levée des check-point russes en territoire géorgien dans un délai d’une semaine, et le retrait des troupes russes de Géorgie, à l'exception des provinces d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, dans un délai d'un mois. 200 observateurs européens doivent se rendre en Géorgie pour surveiller le processus, dont l’avancée doit être débattue à Genève au mois d'octobre.

Depuis la Géorgie, où il a fait part au président Mikheil Saakachvili de l’accord signé à Moscou, le président Sarkozy déclare : « Le 15 octobre, il ne doit plus y avoir aucun soldat russe qui soit sur des positions qui n’étaient pas celles où [les Russes] se trouvaient avant le 7 août. C’est clair et c’est simple. Soit c’est fait, et dans ce cas-là chacun a respecté ses paroles, soit ce n’est pas fait, et alors cinq jours plus tard l’Europe en tirera les conséquences. » Pour autant, le président Dmitri Medvedev refuse de revenir sur l’indépendance des deux provinces séparatistes : « Notre choix est définitif, notre choix est irréversible. La décision de reconnaître leur indépendance est prise. »

Selon la journaliste Mémona Hintermann, la démarche du président Nicolas Sarkozy, qui a affirmé « la volonté que le monde ne retrouve pas la Guerre Froide, dont il n’a pas besoin » aura permis « à l’Europe, face à la Russie, de manifester sa différence. Une première ».

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