Laurence des Cars, 55 ans, prend à compter de ce mercredi 1er septembre la présidence du Louvre. Nommée le 26 mai dernier par le président de la République pour remplacer l’archéologue Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre depuis 2013, Laurence des Cars quitte la direction du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie.
Conservatrice de formation, diplômée de l’Institut national du patrimoine, Laurence des Cars s'est affirmée comme une spécialiste du XIXe siècle et du début du XXe. Dès 1994, elle intègre le prestigieux musée d'Orsay en tant que conservatrice, jusqu'en 2007, avant de rejoindre l’agence France-Muséums, qui travaille alors sur le projet du Louvre Abu Dhabi. En 2014, Laurence des Cars prend la direction du musée de l'Orangerie, puis en 2017 celle du musée d'Orsay.
C'est dans ce dernier musée, consacré à l'art français du XIXe siècle et voulu par le président Valéry Giscard d’Estaing, puis inauguré par François Mitterrand en 1986, que l'émission « Des racines et des ailes » posait caméras et micros le 22 janvier 2003 pour un numéro consacré à « Paris, de la Belle époque à nos jours ». Invitée sur le plateau de l’émission, installé en plein cœur du musée, sous l’immense verrière de l’ancienne gare construite de 1898 à 1900 par Victor Laloux, Laurence des Cars choisissait trois tableaux qui symbolisaient autant de jalons essentiels dans l’histoire de l’art du XIXe siècle. Trois chefs-d’œuvre français, issus des collections du musée, qui furent, en leur temps, la cause d’innombrables polémiques et de scandales sur la nature même de l’art, et qui contribuèrent à faire entrer la peinture dans la modernité.
Une révolution réaliste
1849, Gustave Courbet a trente ans. Son tableau Un enterrement à Ornans, une gigantesque toile de 7 mètres sur 3, « fait scandale parce que l'artiste y invente la peinture de son temps ». Scandale, parce que de telles dimensions sont normalement réservées aux sujets mythologiques et historiques. En peignant une scène banale de la vie quotidienne, comme un enterrement dans un petit village de Franche-Comté « avec les dimensions et les ambitions de la peinture d'Histoire », le peintre choque profondément la société de son temps. Cette dernière y voit un sacrilège, à tel point que l'oeuvre sera refusée au salon de 1855. Pour l'exposer au public, Courbet devra créer son propre lieu d'exposition, intitulé « Pavillon du réalisme ».
Sacrilège encore, lorsque en 1865 Edouard Manet propose, avec son tableau Olympia, la représentation d’une prostituée parisienne de l’époque. Ce choix, « de s'emparer du réel et des sujets traditionnellement méprisés pour les rendre épiques, répondant ainsi au vœu exprimé au milieu du siècle par le poète Charles Baudelaire », ébranle la société conservatrice du Second Empire. Car la modernité du tableau et son réalisme s’expriment jusque dans sa facture, sa composition constituant « une rupture complète avec le métier [de peintre], lisse, porcelané, qui était encore très prisé à l’époque ». En réaction à l'académisme, « c’est au contraire la patte d’un peintre, sa touche, son écriture picturale, sa subjectivité et sa sensibilité, qui éclatent dans ce tableau, comme une complète réinvention de la peinture ».
Vers l'impressionnisme
Une réinvention qui va s’exprimer également la même année avec les premiers jalons de l’impressionnisme. Avec Les femmes au jardin (1865), Claude Monet abandonne la peinture en atelier et lance la mode de la peinture en extérieur. Pour traiter « ce sujet moderne en soi », « des femmes habillées tout à fait à la mode de l’époque, dans un jardin bourgeois », le peintre s’attache à saisir au plus près « les jeux d’une lumière filtrée par les feuillages d’un arbre ». La critique de l’époque « ne comprend pas pourquoi Monet cherche à ce point à se rapprocher de la vision de l’œil humain. Elle voit au contraire dans cette peinture quelque chose de mal peint, de mal fait, de laid ».
Neuf ans plus tard, en 1874, cette révolution artistique à laquelle participent notamment Paul Cézanne, Edgar Degas, Berthe Morisot, Camille Pissarro, Auguste Renoir et Alfred Sisley, va être baptisée du nom « d’impressionnisme » par le journaliste satirique Louis Leroy, d’après le tableau de Claude Monet, peint en 1872, et intitulé Impression, soleil levant. Il faudra atteindre les années 1880 pour que cette école, aujourd’hui l’une des plus célèbres représentantes de l’art français, soit acceptée par la société de son époque, notamment grâce au soutien de critiques célèbres comme Emile Zola, et de politiques comme Léon Gambetta.