Fin avril 1997. Après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée par Jacques Chirac, la gauche s’organise à la hâte. « Communistes et socialistes se sont retrouvés pour signer un document commun qui ne doit pas être un accord gouvernemental mais comme un accord électoral » explique-t-on sur France 2. Les délais sont courts pour espérer remporter un maximum de sièges à ces élections législatives anticipées.
Un mois avant l'échéance électorale, le Parti socialiste, le Parti communiste, les Verts, les radicaux de gauche et le Mouvement des citoyens s’allient. À la manœuvre, le premier secrétaire du PS, Lionel Jospin : « C’est surtout un moment d’un mouvement de rassemblement auquel je consacre beaucoup de soin, explique-t-il sur le plateau de France 2 le 29 avril. Et un rassemblement pluraliste, parce que « [...] tous ceux qui sont des candidats du changement dans cette campagne, après avoir débattu, dégagent des positions communes. »
La gauche plurielle est née. Entre positions communes et divergences, l'objectif, en tout cas, est le même pour tous : atteindre la majorité absolue dans l'hémicycle et accéder au gouvernement de Jacques Chirac. Et au premier tour des législatives, les résultats sont plutôt encourageants : « Avec 4 points d’avance, la gauche remporte le premier tour. Les forces de gauche devancent celles de droite. 40,1% des suffrages contre 36,4% » annonce France 3 au soir du 26 mai.
Gonflée à bloc, chaque branche de la gauche plurielle est à pied d'œuvre. Réunions publiques, meetings, pour cette dernière ligne droite, le PS a besoin de tous ses alliés. Et désormais, plus qu’un accord électoral, c’est un accord de gouvernement qui est envisagé, comme l'explique Robert Hue, secrétaire national du Parti communiste : « Il y a la base qui rend possible pour moi, la réalisation d’un accord sur lequel il faut travailler naturellement mais ça peut aller vite. »
Et tout ira très vite. L’alliance va porter ses fruits. La gauche remporte le second tour des législatives, les Verts font leur entrée pour la première fois à l’Assemblée nationale et Lionel Jospin est nommé par Jacques Chirac au poste de Premier ministre.
C’est la 3e cohabitation sous la Ve République. Et chose promise, chose due, le gouvernement Jospin est pluriel. Socialistes, communistes, Verts, radicaux de gauche, tous sont représentés dans les différents ministères.
Entre la mise en place des 35h, l’instauration du PACS et de la couverture maladie universelle, la coalition est fructueuse, mais les divergences persistent et les relations sont parfois houleuses, comme l'illustre ce reportage de France 2 le 26 avril 2001 : « A Calais, pour la grande manifestation anti-plan sociaux, un fossé s’est creusé entre le PS, ses partenaires de la gauche plurielle et même sa gauche extrême. Le traitement social des nombreux licenciements et les mauvais résultats aux dernières municipales accentuent le malaise politique de la gauche gouvernementale. »
Europe, nucléaire, autonomie de la Corse, les sujets de discorde se multiplient. À tel point que le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement démissionne. Pour lui, les choses sont claires, la gauche plurielle n'existe plus, explique-t-il le même jour sur France 2 : « Je crois qu’elle est une formule épuisée parce qu’elle reposait d’abord sur une ambiguïté. Un accord à géométrie variable entre d’une part le PS et les Verts, d’autrespart le PS et les communistes et puis le PS et le MDC…etc. Et puis on voit bien aujourd’hui que le PS est dépassé par sa créature.
La gauche est éclatée. Résultat un an plus tard, pour l'élection présidentielle, chaque formation présente son propre candidat. Mais aucun d’entre eux n’atteindra le second tour, tous devancés par Jean-Marie Le Pen.