Le 12 juillet 1989, le magazine de l'étrange diffusé dans les estivales de France 3 Montpellier proposait une enquête archéologique mystérieuse. D'après la légende, il se cacherait une cité engloutie sous l'étang de Thau... un reporter mène l'enquête.
Durant des siècles, la légende et les pêcheurs racontaient qu'il y avait une cité sous les eaux étincelantes de l'étang languedocien.
Musique étrange, images du lac aux eaux calmes... le journaliste débute son récit, en forme d'interrogation, "Une véritable mer intérieure, superficie, 8000 hectares. Mais que recouvre exactement cette énorme masse d'eau ? Dans les veillées d'hiver d'autrefois, las anciens chuchotaient des confidences venues de loin. Dans les profondeurs de l'étang, disaient-ils, se dressaient les ruines d'une immense ville. Son fondateur mythique, Taurus le taureau, a enfiévré ainsi au fil des siècles l'imagination des poètes et des conteurs. Après l'Atlantide, pourquoi pas la Tauride ?
Louis-Paul Blanc, ancien professeur s'interroge, "Comment cette ville aurait-elle pu disparaître ? Cette ville dont parlent les Sétois et les pêcheurs ? Elle ne pourrait disparaître qu'à la suite d'un cataclysme énorme. Par conséquent, je n'avais qu'à me tourner du côté du mont Saint-Loup, qui est un ancien volcan. Et à ce moment-là, que se passe t-il ? Eh bien dans mon imagination, du volcan se mettent à jaillir des flammes et des pierres. Un tremblement de terre se produit, un raz-de-marée se produit encore et ce qui devait arriver, arriva : la ville s'écroule dans un trou profond, recouverte immédiatement par les eaux. Et ainsi naquit l'étang de Thau, la ville a disparu. Voilà ! Voilà la légende".
Des équipes d'archéologues se mettent en tête de retrouver la cité engloutie, le journaliste évoque leurs investigations, "cinq ans de recherches, plus de 3.000 heures de plongée et un butin impressionnant. 700 objets remontés du fond de l'étang. Ce bilan du Groupe de recherches sous-marines fondé par Denis Fonquerle, le découvreur du célèbre éphèbe d'Agde, a mis en émoi le monde scientifique et douché les rêveurs de légende dorée".
Le pionnier de l'archéologie sous-marine revient sur la légende et ses trouvailles, "on racontait l'histoire d'un génie au cœur de l'État de Thau, qui voulant se défendre contre toutes les méchancetés des hommes un jour se souleva au fond de l'étang et engloutit la cité. alors les pêcheurs vont s'en emparer et vont raconter l'histoire d'une cité fabuleuse qu'il voit. Il la voit ! Sinon qu'ils se trompent. Je l'ai vu comme ils l'ont vu, mais c'est une émergence de vapeur d'eau et d'eau douce au cœur de l'étang par 22 mètres de profondeur. Et on voit évidemment, par transparence, monter quelque chose à la surface, eux prenaient ça pour des colonnes d'un temple. Il voyaient même des cloches qui allaient et qui venaient. Mais cette eau douce se mélangeant brusquement à l'eau salée, excessivement salée, vous donne une couleur blanchâtre, genre pastis si vous voyez, et eux qui ne plongeaient pas et qui regardaient à travers l'eau prenaient ça pour des colonnes, quant à la cloche, au fur et à mesure des courants, ils voyaient aller et venir cette colonne d'eau et ils prenaient ça pour une cloche".
Avec l'archéologue plongeur, le mythe se leste, "Fonquerle, fils de pêcheur, plonge dans l'étang de Thau depuis des années et aujourd'hui, au regard des vestiges retrouvés, sa conviction est faite. Cette cité engloutie, un poète latin du quatrième siècle, Festus Avienus l'a décrite, c'est Poligium, un village préhistorique de l'âge de bronze. Il représentait l'avancée extrême du peuple ligure à l'Occident. Le dernier poste frontière qui les séparait d'un autre peuple, celui des Ibères. La description des lieux par Avienus est limpide et ne prête à aucune confusion. On y retrouve le mont Sétius, la montagne de Sète et Taurum, l'étang de Thau. C'est ici même que des Ligures ont vécu plus de trente siècles", précise le commentaire
Sur la fin de cette cité prospère, Denis Fonquerle apporte un autre argument implacable. Il a découvert avec son équipe les restes d'un habitat vieux de trente siècles. "18 pieux de bois, dont la partie supérieure était entièrement carbonisée. Alors, Poligium fut elle brutalement attaquée et détruite par les flammes ? Les exégètes continuent d'en débattre. Ce n'est que beaucoup plus tard que les eaux ont recouvert la terre".
Denis Fonquerle précise, "je pense que la montée des eaux au premier âge du fer fera que cette cité disparaîtra totalement vers la fin de l'époque étrusque puisque nous trouvons les vases rhodiens, grecs et étrusques. Et puis après, on ne trouve plus rien. Donc ça, c'est la mort de la cité, mais elle aura vécu quand même depuis environ 3000 avant Jésus-Christ jusqu'à 600 ans avant".
"Mais l'étang de Thau n'a peut-être pas encore livré tous ses secrets, Denis Fonquerle le croit. La Société nationale d'archéologie n'est pas du tout de cet avis. Selon elle, il n'y a plus rien à découvrir dans l'étang. Toutes les fouilles désormais y sont interdites" conclut le journaliste.
Pour aller plus loin
Vivre avec l'étang, images et témoignages (fresque web, Sète aglopôle, musée de l'étang de Thau, ina)
JT de Toulouse : fouilles archéologiques à Thau. Au large de Marseillan, les plongeurs du Groupe de recherches archéologiques subaquatiques d'Agde ont découvert les restes légendaires d'une cité lacustre préhistorique.(Janvier 1978)
Les découvreurs de légendes : contes du fond des mers. (France 3 Marseille 22 juillet 1986)
Nautilus : l'éphèbe d'Agde. Portrait de Denis Fonquerle, archéologue sub-aquatique et ses découvertes. (26 février 2000)