Jean-Claude Mézières, le dessinateur de la célèbre bande dessinée Valérian, agent spatio-temporel, est mort le 23 janvier à l’âge de 83 ans. Parue pour la première fois en 1967 dans les pages du magazine Pilote, Valérian va vite devenir une référence de la BD francophone, connue dans le monde entier (et notamment aux Etats-Unis), inspirant un grand nombre d’artistes.
Dans l’extrait présenté en tête d’article, issu de l’émission « De la friture dans les lunettes », diffusée le 14 avril 1982, Jean-Claude Mézières se rappelle de ses débuts, et du concours de circonstances, plutôt inhabituelles, qui l'ont amené à créer Valérian. Son parcours artistique, il le fait débuter à 15 ans, sur les bancs de l’école des arts appliqués de Paris, qu'il a intégrée pour y étudier le papier peint. Mais ce qui intéresse en fait réellement le jeune Jean-Claude Mézières, né le 23 septembre 1938 à Paris, c'est, plutôt que d'étudier les techniques du tissu sous toutes ses facettes, de dessiner des petites bandes dessinées qu'il publie dans le journal Cœurs Vaillants. A ses côtés sur les bancs de l’école, un futur grand nom de la BD, le dessinateur Jean Giraud, avec qui il dessine malgré la « désapprobation des professeurs d’art et de dessin qui trouvent que ce [qu’on faisait], c’était pour les débiles mentaux ».
Cow-Boy
Après son service militaire et quelques années passées dans l’illustration et la publicité, Jean-Claude Mézières prend un aller simple, direction les Etats-Unis, pour y réaliser son rêve : cow-boy ! « Pendant un an et demi, j’ai gardé les vaches, du Montana à l’Arizona. L’hiver, évidemment, il y a deux mètres de neige, et je ne pouvais pas trouver de travail ». Le jeune cow-boy se rend alors à Salt Like City, où il retrouve un ami d’enfance, Pierre Christin, spécialiste de littérature comparée et qui enseigne depuis 1965 la littérature française dans la cité des Mormons. Pour payer son billet retour pour la France, Jean-Claude Mézières décide de se remettre au dessin : « Avec Pierre Christin, on s’est dit qu’on [allait] faire des petites BD, en six pages, qu’on a envoyées au magazine Pilote. René Goscinny [co-fondateur et rédacteur en chef du périodique, NDLR] les a trouvées acceptables et les a publiées ».
De retour à Paris, Jean-Claude Mézières rencontre l’auteur d’Astérix. Ce dernier le convainc de partir dans l’aventure Valérian avec son comparse Pierre Christin. « En 1967, on a créé le premier Valérian, [un album intitulé] Les mauvais rêves ». Avec un thème qui les passionne, et qu’ils jugent porteur : « En France, il y avait alors peu de science- fiction dans la bande dessinée. Il y avait certes Barbarella, qui était peu connu mais très prestigieux, et Les Pionniers de l’Espérance aussi, mais dans le journal Pilote il n’y en avait pas ». Puisque la science-fiction est un genre alors en « pleine évolution », les deux amis souhaitent créer « une bande dessinée complètement nouvelle » […] « à mi-chemin entre le Space-opéra et le rétro, le Moyen Age », qui mette en avant, plutôt que les « gros astronefs » ou les « lasers alors en vogue », la représentation de « personnages, de sociétés bizarres, de planètes peuplées d’habitants bizarroïdes ». Jean-Claude Mézières se rappelle que pour Pierre Christin, tout le plaisir était alors « d’établir avec une logique imperturbable une civilisation complètement folle ».
Jean-Claude Mézières et Valérian
1980 - 05:53 - vidéo
Anti-héros
Dans une autre interview donnée pour l’émission « Temps X », le 20 septembre 1980, Jean-Claude Mézières évoque ses deux principaux personnages, Valérian et son amie Laureline. Pour le personnage masculin, le dessinateur ne nie pas son aspect « anti-héros », parfois même « lâche et faible » : « Valérian n’est pas un héros dans le sens où ce n’est pas lui qui [mène l'action]. Il est plutôt un témoin. Il se balade au milieu d’événements en compagnie de sa copine Laureline ». Et c'est plutôt cette dernière, l'un des personnages féminins les plus complexes et intéressants de la BD francophone, qui serait la véritable héroïne.
Contrairement à Valérian, elle est dotée d'un tempérament fort : « dynamisme, capacité de décision » Laureline est une « forte en gueule » et peut avoir « mauvais caractère ». « Elle a en même temps des réflexions politiques beaucoup plus fortes que Valérian, ce qui est assez drôle à transmettre ».
Symbole de l'importance de Laureline et de l'attachement de tous les lecteurs à son égard, la série culte sera rebaptisée en 2007 Valérian et Laureline. La BD, qui compte 29 aventures publiées en 22 albums, a été transposée sur grand écran par Luc Besson, réalisateur en 2017 de Valérian et la Cité des mille planètes.