C'est une « grave crise pour l'Espagne et aussi pour l'Europe », a réagi Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol, après l'arrivée à la nage, lundi 17 mai, d'environ 6000 migrants originaires du Maghreb et d'Afrique sub-saharienne dans l'enclave espagnole de Ceuta. Depuis, l'Espagne a renvoyé 2700 migrants au Maroc, et les forces de l'ordre marocaines sont intervenues mardi matin pour stopper le flux de migrants, qui se poursuivait néanmoins dans la journée.
Signe de la gravité de la situation, Pedro Sanchez a annulé un déplacement à Paris pour se rendre ce mardi dans cette ville de 79.000 habitants qui, avec Melilla (72.000 habitants), représente la dernière possession espagnole de taille sur la côte d'Afrique du Nord (ces deux villes côtières ayant donc une frontière avec le Maroc). En plus de ces deux enclaves, parties intégrantes de l'Union européenne, l'Espagne contrôle également, à quelques encablures de la côte marocaine, un chapelet d'îlots désignés sous le terme de « Plazas minores » (les îles Zaffarines, les îles Alhucemas et la presqu'île de Vélez de la Gomera).
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Si l'immigration illégale qui a fortement touché ces territoires ces vingt dernières années - les clandestins y voyant une porte d'entrée dans l'UE - a reçu un vaste écho médiatique, les rapports historiques entre les enclaves espagnoles et le Maroc sont moins connus.
Forte minorité
Le 3 mai 1975, un reportage du journal télévisé de TF1 s'intéressait à cette question alors que l'Espagne s'apprêtait à se retirer du Sahara espagnol (aujourd'hui connu sous le terme de « Sahara occidental »), un territoire qu'il occupait depuis 1884 et qu'il quittait définitivement en 1976.
Le reportage débutait dans l'enclave de Ceuta, un « port franc qui vit exclusivement du tourisme ». Ceuta fut occupée d'abord par les Portugais au XVe siècle, avant de tomber dans le giron espagnol au XVIe siècle. Ceuta et Melilla vont se développer à partir du XIXe siècle pour devenir de véritables têtes de pont de la colonisation espagnole au XXe siècle dans le nord du Maroc.
Symbole de sa souveraineté sur Ceuta, Madrid maintenait sur place en 1975 une « garnison de 50 000 hommes, dont la Légion étrangère, la célèbre Bandera. » Un habitant, interrogé, affirmait que la ville se composait d'une population « entièrement espagnole ». Aujourd'hui, une forte minorité musulmane réside dans l'enclave.
Depuis 1995, Ceuta comme Melilla sont des villes à statut autonome espagnol, membres de l'Union européenne.