Chaque 26 septembre, à l'occasion de Journée mondiale de la contraception, associations et pouvoirs publics informent sur les différentes méthodes contraceptives disponibles. Début septembre, le ministre de la Santé Olivier Véran annonçait que la contraception serait désormais gratuite pour les femmes jusqu'à 25 ans. Une mesure justifiée selon lui par "un recul de la contraception chez un certain nombre de jeunes femmes", souvent pour des "raisons financières".
Manque d'information, manque de moyens, l'accès à la contraception reste un problème pour les plus jeunes. En France, depuis la légalisation de la contraception en 1967 par la loi Neuwirth, on aurait pu croire qu'elle était rentrée dans les mœurs. Mais ce n'est pas le cas, elle serait même en baisse chez les plus jeunes. Selon un baromètre de Santé publique France publié en septembre 2018, si la pilule restait le moyen de contraception le plus utilisé, notamment chez les plus jeunes femmes, sa désaffection progressait notamment depuis 2012, suite au débat sur les risques d'AVC et de thromboses liés aux pilules de 3e et 4e génération, profitant à d'autres méthodes comme le stérilet, le préservatif ou l'implant.
Comment percevait-on la contraception dans les années 1970, quelques années après sa légalisation ? On constate que lees avis étaient partagés, notamment chez les hommes qui voyaient souvent l'arrivée de la pilule comme un danger.
Microtrottoir sur la contraception
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Microtrottoir réalisé dans l'Indre en 1979 : "Pour ou contre la contraception ?"
L'archive en tête d'article nous transporte en juin 1973, dans une famille de Saint-Chamond dans la Loire. La maîtresse de maison, une cinquantenaire débonnaire, commente la presse à table, en compagnie de son époux, de sa fille - jeune maman - et de son gendre. Parmi les gros titres ce jour-là, l'inculpation d'une doctoresse grenobloise du planning familial, incarcérée pour avoir pratiqué des avortements, soit deux ans avant la la loi Veil. La décision de justice révolte cette dame pour qui "la femme est libre de son corps" et sa fille qui reconnait être également en faveur de l'avortement, "moi ça m'arriverait personnellement, je me ferais avorter".
Une menace pour l'homme ?
Si l'avortement est encore illégal et puni par la loi, la contraception est possible depuis la loi Neuwirth de 1967. Une possibilité d'éviter les grossesses qui réjouit les femmes mais ne semble pas satisfaire les hommes présents ce jour-là. D'ailleurs lorsque la journaliste demande à la jeune femme si elle prend la pilule, elle répond : "Non, parce que mon mari ne veut pas". Le mari justement, assis à côté d'elle, est à son tour interrogé sur ce refus. Lui voit cette pilule comme un danger : "Parce qu'une femme qui prend la pilule, elle est plus libre", confie-t-il un peu gêné, avant d'avouer sa peur que sa femme, ainsi libérée de la peur de tomber enceinte, ne le trompe. "Franchement oui, j'ai peur qu'elle me trompe parce que je connais pas mal de femmes qui prennent la pilule et qui sont libres d'avoir des rapports avec n'importe qui. De couch…", il s'interrompt, "de flirter avec n'importe qui".
La suite du reportage nous présente un jeune couple d'adolescents. La jeune fille est enthousiaste et explique que pour une femme mariée qui ne veut plus d'enfants, la pilule lui permettra de limiter les naissances et de mieux se consacrer à ses enfants désirés. Mais, pour les célibataires, son avis est tout aussi affirmatif : "Si elle n'est pas mariée, il vaut mieux la pilule aussi. Parce que l'enfant, il n'est pas heureux, ce n'est pas un vrai foyer".
Son jeune ami, est catégorique, dans l'autre sens : "Moi je suis contre la pilule". Du haut de ses 15 ans il poursuit : "Parce que je pense que le mari et la femme doivent savoir se restreindre s'il le faut". Quant aux jeunes célibataires, même avis tranché : "Elles aussi elles doivent se restreindre jusqu'à ce qu'elles soient mariées". Il ajoutera quand même qu'elles pourront la prendre "si elles le veulent", leur accordant un droit à une certaine liberté sexuelle.
Retour dans la famille de Saint-Chamond, pour l'hôtesse la grande question, c'est le manque d'information : "Dans nos régions, il n'y a rien pour expliquer la contraception aux femmes. Nous n'avons absolument rien !", s'indigne-t-elle. Des propos confirmés par un médecin du planning familial local, "moi j'ai 120 dossiers de femmes qui prennent la pilule. Pour une population de 30 000 habitants, ça fait très, très peu".
"La femme supporte tout"
Et quid de la contraception pour les hommes ? Notre hôtesse avait un avis original pour l'époque, regrettant qu'on n'ait jamais parlé de "la contraception pour les hommes. Et ce sujet moi j'y tiens beaucoup!". Elle déplorait en effet "la femme supporte tout". (grossesse, allaitement, méthodes contraceptives invasives et douloureuses, pilule, accouchement et avortement) et s'insurgeait : "Et ces messieurs sont bien tranquilles !" Quant à son mari, pris au dépourvu, il conclura timidement : " Moi, je ne suis pas tellement pour la contraception. La famille, c'est la famille".
Et les hommes ?
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Depuis les années 1970, la contraception reste toujours considérée comme une question féminine dans la société, pourtant la fertilité féminine ne se réduit qu'à quelques jours dans le mois jusqu'à la ménopause, alors que la fertilité masculine s'établit à 365 jours par an jusqu'à la mort. La question d'une pilule hormonale masculine est régulièrement évoquée mais n'a jamais été développée par les laboratoires, notamment à cause de leurs effets secondaires. La prise de poids, les changements d’humeur, les migraines ou encore les baisses de libido avaient été jugés excessifs. Autant d'effets secondaires également induits par les pilules contraceptives féminines.
Quoi qu'il en soit, l'information évoquée dans les années 1970 par cette dame reste capitale aujourd'hui, c'est l'objectif affiché de cette Journée mondiale. Un quart des jeunes de 15 à 24 ans ont leur première relation sexuelle sans contraception. En France, plus de 28 000 avortements ont lieu chez des filles de moins de 18 ans.
Pour aller plus loin :
La contraception dans l'Indre : un médecin peu enclin à accorder la contraception face à un couple demandeur. (27 septembre 1979)