L'ACTU.
C’est l’engagement de la dernière chance. Un an après un accord majeur signé à la COP 26 de Glasgow, où une centaine de pays s’engageaient à mettre fin à la déforestation d’ici à 2030, l'Union européenne a fait un pas en ce sens. Car, du fait de ses importations, l'UE est responsable à hauteur de 16 % de la déforestation mondiale. Ainsi, une série de produits comme le café ou le soja ne pourront être transportés vers l'Europe s'ils sont issus de terres déboisées après décembre 2020.
L'ARCHIVE.
Si la connaissance du rôle fondamental que jouent les forêts dans la lutte contre le dérèglement climatique est aujourd’hui largement diffusée dans les médias – une prise de conscience qui n’est malheureusement souvent pas suivie d’effets sur le terrain – la consultation des archives nous enseigne que cela n’a pas toujours été le cas.
Cycle de la vie
En atteste un reportage de l’émission « La France défigurée » du 27 décembre 1971, au cours duquel le journaliste Michel Péricard s’alarme de la destruction des forêts et des arbres de France, endossant le rôle de ce qu’on appelle aujourd’hui un « lanceur d’alerte ». Sa prise de position écologique, qui paraîtrait banale pour une émission de télévision actuelle, était encore assez rare pour l'époque.
Son reportage, dont nous vous proposons dans cet article deux extraits, explique de façon extrêmement pédagogique la place centrale qu’occupe l’arbre dans le cycle de la vie : « L’arbre par ses racines […] attaque le sol et la roche pour en capter les éléments minéraux. » Puis c’est le tronc qui va servir de « tuyauterie » pour faire parvenir ces sels minéraux porteurs de vie jusque dans le feuillage, qui agit comme une véritable « usine d’élaboration », grâce à l’action de la lumière solaire. « Tout ce qui est vert, des feuilles de l’arbre aux brins d’herbe, met de l’énergie solaire en conserve » grâce à la « magie de la civilisation chlorophyllienne ».
« Chair de notre planète »
Le cycle se poursuit, avec l’utilisation faite « par tout ce qu’il y a d’herbivore dans la forêt, lapins, chevreuils, etc […] » de cette énergie en conserve dans les arbres et les végétaux. Ces animaux herbivores seront mangés à leur tour par les animaux carnivores, qui en mourant relâchent cette énergie dans le sol, sur ce « humus forestier […] qu’on appelle la terre », une terre que Michel Péricard appelle de façon très poétique « la chair de notre planète ». Un élément incroyablement vivant, qui contient par gramme « des milliards d’organismes, de bactéries, d’amibes, de coléoptères, qui auront pour tâche de dissocier tous les déchets, tout ce qui est mort », afin de « remettre en jeu les éléments minéraux que puiseront ensuite les végétaux par leurs racines pour rebâtir de la matière vivante. »
Main basse sur la forêt
1971 - 09:56 - vidéo
Essentiel au bon fonctionnement du cycle de la vie, l’arbre l’est également pour maintenir une bonne symbiose de son environnement immédiat. Les forêts protègent ainsi des glissements de terrain ou des inondations, dont certaines catastrophiques, nous rappelle Michel Péricard, auraient pu être probablement évitées si les zones en amont du fleuve n’avaient pas subi de déboisement intensif. Le journaliste cite ainsi l’exemple des inondations de Florence en 1966 et de la Seine en 1955. Contre la pluie, la forêt joue le rôle d’une « immense éponge » : « 1 kilo de mousse peut retenir 5 kilos d’eau ». En plus de ce rôle de « filtre absolument sensationnel », l’arbre « assainit l’atmosphère en absorbant du gaz carbonique pour diffuser en échange de l’oxygène ».
Abattage d’arbres
Cette émission de 1971 semble être l’une des premières à dénoncer à la télévision les destructions d’arbres infligées en France, pour de nombreuses raisons : spéculation immobilière, avec l’exemple de la commune de Verneuil, dans les Yvelines ; abattage d’arbres sur les routes nationales pour éviter les accidents, un argument dont les fondements sont remis en cause par Michel Péricard à l’aide de chiffres ; les brûlis pour l’agriculture, de nombreux paysans étant encore persuadés de l’effet nocif des racines d’arbres sur leurs champs ; et surtout, les incendies, qui ravagent tout, « jusqu’aux paysages ».
Croissance et déclin
Au cours du reportage, Michel Péricard rappelle également que la taille de la forêt a largement fluctué au fil des siècles en France. D’une masse couvrant une grande partie du territoire sous l’Antiquité, la forêt a décliné au Moyen-Âge, puis aux Temps modernes, une diminution qui a fini par inquiéter les pouvoirs publics. Au XVIIe siècle, le surintendant Colbert sera le premier à vouloir protéger les forêts existantes par une ordonnance prise en 1669. Mais avec la révolution industrielle, le couvert forestier français continue à rétrécir, jusqu’à atteindre aux alentours de 1820 son plus bas niveau historique, couvrant à peine 12% du territoire.
Selon l’inventaire de l’Office national des forêts (ONF) de 2022, la forêt augmente aujourd'hui de 2,9% par an depuis 1985. Avec 17,1 millions d’hectares, sa superficie occupe 31% du territoire, l’occupation du sol la plus importante après l’agriculture, selon l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).