On le connait comme journaliste, producteur et réalisateur de télévision mais Allain Bougrain-Dubourg est avant tout un ardent défenseur de la nature. Depuis 1986, il est même le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Mais avant les volatiles en détresse, à peine sorti de l'adolescence, il protégeait d'autres animaux. Pas n'importe lesquels… les mal-aimés : chauve-souris, serpent ou crocodile.
En 1969, lauréat de la Fondation de la Vocation et parrainé par Jean Rostand, l'adolescent parcourt la France pendant six ans (de 1968 à 1974) pour présenter une exposition itinérante : le Pavillon de la Nature. Son objectif : réhabiliter les animaux mal-aimés (reptiles, rapaces, puants, etc.).
Le jeune Allain, bien des années avant la jeune suédoise Greta Thundberg, fait preuve d'une conscience écologique aiguë. En cette fin de juillet 1970, alors que la plupart de ses camarades rejoignent les plages, le jeune homme bichonne ses roussettes devant les caméras de l'émission A bout portant.
Le visage encore juvénile, la mèche rebelle et longue, Allain décrit ces petits bêtes incomprises, avec la fougue de ses vingt ans mais la connaissance d'un vieux sage.
Roussette, serpent, crocodile… sont ses vrais amis semble-t-il. Il plaide en leur faveur comme le ferait un avocat à la barre : "Je me suis aperçu que ce n'était pas des animaux répugnants… Ils ont des mœurs tout à fait normales. Ils se reproduisent. Ils vivent en société. Quand on les étudie et qu'on les connait mieux, on arrive à comprendre que ce sont des animaux comme les autres. Et en plus, ils ont surtout dans l'équilibre naturel, un but et un rôle à jouer. Donc, ils n'ont pas à être considérés plus ou moins péjorativement par rapport à d'autres animaux."
"Le grand drame aujourd'hui, c'est que les gens ne se rendent pas compte qu'ils ont en main un patrimoine qui appartient à tout le monde..."
Sa conscience de l'implication de chaque espèce animale dans l'équilibre naturel est impressionnante pour son jeune âge :
"Je m'attache à les défendre aux yeux du grand public parce qu'ils font partie de l'ordre naturel. Il est indispensable de savoir qu'une vipère mange des rongeurs et que les rongeurs mangent les récoltes…"
Dans une cage derrière lui, suspendue à une branche, la tête en bas comme il se doit, une roussette semble acquiescer… Le bilan écologique que sa génération léguera aux générations futures fait déjà partie de ses préoccupations :
"Le grand drame aujourd'hui, c'est que les gens ne se rendent pas compte qu'ils ont en main un patrimoine qui appartient à tout le monde et qu'ils devront le léguer dans un avenir très proche, et qu'ils le légueront complètement démantelé. C'est-à-dire que vous vous rendez compte qu'il n'y a plus aucun équilibre. "
"C'est un héritage qu'on laisse pour les générations suivantes et ce n'est pas à notre honneur de laisser un héritage semblable..."
Son message est limpide, l'homme a besoin de la Nature. Il fait partie de cette nature :
"Et nous, on se rend compte actuellement qu'on a besoin d'aller dans la nature… On en souffre parce qu'on s'aperçoit que les plages sont polluées et cætera. Mais en fait, on fait assez peu pour lutter contre ça. C'est un héritage qu'on laisse pour les générations suivantes et ce n'est pas à notre honneur de laisser un héritage semblable."
Après ce constat déjà bien sombre pour un jeune homme si lumineux, vient le temps des présentations…
Parmi ses "animaux de compagnie", se trouvent des roussettes. Des chauves-souris, qui ne sont "absolument pas d'affreux vampires. Ils sont absolument frugivores". Une affirmation qu'il accompagne d'un petit morceau de mandarine offert à la roussette qui l'avale goulûment.
Des "petits animaux très intelligents, avec une tête très expressive, qui reconnaissent les gens qui les nourrissent. Il y a vraiment un échange entre moi et elles".
Derrière lui, dans un vivarium où il y a "un peu de tout", cohabitent en bonne entente crocodiles, serpents et tortues.
Avec un geste sûr, il extirpe un "petit croco" de six ans de son habitacle. Un animal "vigoureux à la belle dentition !"
Tranquillement, il saisit ensuite d'une vipère aspic en provenance du Sud de la France. Enroulée autour de sa main, le reptile semble apprécier ce contact chaleureux. Il déclare un rien amusé : "quand je le tiens comme ça, c'est une position à peu près naturelle. Il n'y aucune raison de se faire mordre. Et on se rend compte que ce n'est absolument pas un animal agressif puisque je le manipule dans n'importe quelle condition."
Il raconte d'ailleurs que la Tchécoslovaquie, qui avait voulu éliminer tous les reptiles, a été envahie de rongeurs et a dû rapatrier des serpents pour s'en débarrasser.
La preuve est faite que chaque animal, qu'il ait une bonne bouille de panda, d'ours blanc ou une réputation sulfureuse comme celle des serpents, mérite sa place sur la Terre. Allain Bougrain-Dubourg l'avait déjà compris et en sillonnant la France, il délivrait déjà un message écologiste plus que nécessaire.
Florence Dartois