Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a marqué une pause remarquée de plus de vingt secondes lors d’une conférence de presse, le 2 juin, à la question d'un journaliste lui demandant de commenter la réaction de Donald Trump face aux manifestations antiracistes aux Etats-Unis.
Les silences, aussi longs, sur le petit écran, sont très rares. Le média télévision propose au contraire un son permanent, qu'il soit constitué de commentaires, de musique, de sons d'ambiance.
Ainsi, ces silences, surtout lorsqu'ils émanent de grandes personnalités, sont d'autant plus remarqués.
En France, un « silence présidentiel » est resté dans les mémoires : celui de Georges Pompidou lors de la conférence de presse à l'Elysée, le 22 septembre 1969.
Quelques jours plus tôt, le premier septembre 1969, Gabrielle Russier, une professeure de lettres de 32 ans, s'était suicidée dans l'attente insoutenable de son procès en appel après avoir été condamnée à douze mois de prison pour « détournement de mineurs » et avoir déjà passé huit semaines derrière les barreaux en avril 1969. La cause de cette condamnation ? Sa relation amoureuse avec un élève âgé de 17 ans, Christian Rossi, tout aussi épris qu'elle. En 1971, il déclarait ainsi au Nouvel Observateur : « Ce n'était pas du tout une passion. C'était de l'amour. La passion, ce n'est pas lucide. Or, c'était lucide ».
A la fin de la conférence de presse, Jean-Michel Royer, de RMC, demandait au Président ce qu'il pensait de cette « affaire Russier ». Georges Pompidou, après treize secondes, choisissait de répondre par des vers de Paul Eluard faisant référence aux femmes tondues à la Libération : « Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d'enfant perdu, celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés. »