L'ACTU.
Le 8 décembre 2023, lors de la visite du chantier de Notre-Dame, Emmanuel Macron a annoncé que des vitraux contemporains seraient réalisés pour apporter une touche de modernité dans la cathédrale rénovée, « la marque du XXIe siècle ». Les vitraux concernés sont ceux de six des sept chapelles du bas-côté sud, créés par Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle. Un concours doit être lancé auprès d’artistes, mais cette déclaration suscite de nombreuses critiques. Les vitraux ont fait l'objet de plusieurs restaurations, parfois fort éloignées des vitraux originaux, pourtant cela ne suscitait pas vraiment de débat.
L'ARCHIVE.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, nombre des vitraux de Notre-Dame de Paris ne dataient pas de l'époque médiévale. Une partie avait déjà été restaurée, voire modifiée. D'abord par l'architecte Viollet-le-Duc au XIXe siècle, puis, plus près de nous, lors d'une restauration effectuée en 1965. C'est ce que nous raconte l'archive proposée en tête d'article.
À l'époque, le « Journal de Paris » consacrait un long reportage au projet de restauration confié é à Jacques Le Chevallier, un maître-verrier. Il dirigeait la restauration des douze fenêtres latérales de la cathédrale. Sur le chantier, au milieu des ouvriers verriers qui s'activaient, l'artisan d'art revenait sur l'histoire récente des vitraux et décrivait les étapes de la réalisation du chantier. Il expliquait notamment que ces verrières, restaurées sous Viollet-le-Duc, « donnaient à certains endroits de la cathédrale une tonalité extrêmement triste et fermée ». Après cette constatation, dès 1936 des verriers avaient étudié la possibilité de modifier les douze verrières, « et après 1937, on a décidé, poursuivait-il, d'adopter un parti plus homogène ».
Il était clairement question de modifier le design des vitraux. Ce nouveau projet n'était pas qu'une simple restauration, on lui demandait d'assurer la transformation de l'ensemble des douze verrières pour trouver « une unité d'esprit ». Ce qui l'avait poussé vers un choix radical, celui de « renoncer à la figuration » antérieure imaginée par Viollet-le-Duc, pour aboutir à une « vitrerie extrêmement simple ».
Des tons, des couleurs et du verre
Dans l'atelier où il concevait les maquettes des fenêtres, Jacques Le Chevallier évoquait la personnalité et la structure de chaque verrière, à la manière un tableau. Le maître-verrier expliquait qu'il avait rencontré des difficultés à reproduire les tons, pour les harmoniser avec les verreries anciennes qui comportaient « des tonalités relativement douces ». Le processus de fabrication était complexe, soulignait-il, puisque chaque baie devait être posée temporairement, avant cuisson, afin de rectifier d'éventuelles erreurs avant la pose.
Pour harmoniser les tons avec ceux de la rosace du XIIIe siècle, il travaillait avec des documents anciens, notamment une palette de fragments originaux de vitraux gothiques de Chartes et d'Angers. À l'époque, on utilisait une quinzaine de tons seulement, soulignait-il. « Vous avez l'exemple de Chartres où soixante fenêtres exécutées avec les mêmes tons sont toutes différentes. C'est donc uniquement une question de proportions, de rythme qui différencie une baie sur l'autre. »
L'artisan d'exception poursuivait la description de son travail en évoquant le rôle de la « grisaille » qui séparait les tons, elle avait pour principal objectif de « diaphragmer la lumière, pour rétrécir et pour empêcher que le bleu ne déborde sur le ton voisin. De donner une sorte de densité et de profondeur au panneau de verre. »
Il concluait sur la magie de la diffraction du verre coloré dans chaque vitrail, « la délicatesse des verres permet au vitrail de bénéficier de toutes les modulations de la lumière extérieure. Un vitrail au lever du jour, un jour d'orage, au printemps, ce sera toujours quelques chose de différent. » Un univers en soi, ni celui du Moyen-Âge ni celui imaginé par Viollet-le-Duc, mais une réinterprétation de la lumière du XXe siècle.