Le 22 mai 1964, pour le magazine télévisé Un certain regard, le cinéaste "à l'exigence extrême", comme le qualifie le commentaire, accepte de poser les principes de son art. Un art qu'il ne compare en rien à son ancien métier de peintre... et pourtant il déclare d'emblée : "Je suis peintre et je continue de l'être."
Robert Bresson répond ce jour-là aux questions du journaliste Jean-Loup Ferrier. Peintre de formation, il considère qu'il y a moins d'analogie entre la peinture et le cinéma qu'entre la musique et le cinéma. Cependant, il trouve une similarité : "la nécessité d'organisation, d'ordre de l'image", un travail qu'il s'étonne de voir certains réalisateurs le confier à des cadreurs, alors qu'il s'agit pour lui d'un "véritable moyen d'expression", comparable "à l'organisation des masses et des volumes dans la peinture".
Il évoque ensuite son admiration pour Chardin et "repousse toute influence de la peinture" sur ses films. "Un film n'est pas un tableau, et il faut même faire perdre au spectateur la notion de l'image et du son."
Puis il aborde la place de l'objet dans son cinéma : "Un film est fait de rapports… si l'objet est une chose importante, c'est qu'il joue dans les rapports entre objet et image, contrairement à la plupart des films actuels, qui sont pour la plupart du théâtre photographié."
Le cinéma, dans ces cas-là, est un moyen de reproduction, pas de création. Il cite Bergson sur "la chose déjà faite et la chose en train de se faire." : "Le film doit se faire sous les yeux du spectateur par des chocs, des contrastes, des oppositions ou au contraire des parentés entre chaque objet, chaque image qu'on présente. Entre un objet et un visage, entre un objet et une main, entre un objet et un son., entre une image et une parole. Il faut que perpétuellement le film soit vivant de cette vie qui est aussi la vie d'une peinture, d'un tableau."
Il conclut sur le fait qu'il reprendra la peinture, car "la peinture est ma vraie destination."
Robert Bresson a souvent été qualifié de virtuose du grand écran. Il réalisa 13 films majeurs du 7e art et un essai important sur le cinéma intitulé Notes sur le cinématographe...