Ce texte favorisait l'égalité entre l'homme et la femme au sein du couple en limitant les droits du mari sur son épouse. Il autorisait notamment les femmes mariées à travailler et à ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de leur époux. Les Françaises semblent satisfaites de ce vote et très au courant de son contenu qui va changer leur vie quotidienne et leurs rapports conjugaux en matière d'argent.
"Tu peux signer ton chèque maintenant, tu es tout à fait libre !"
"Savez vous que cette année a été l'année de l'émancipation de la femme mariée ?" demande la journaliste à une jeune femme montée sur une échelle devant la devanture d'une boutique. "Oui, je suis un peu au courant". "Alors pourquoi ? Pour quelles raisons?" La passante répond sans hésitation, "On est un peu plus libre de faire ce qui nous plait, sans le consentement du mari".
Cette autre jeune femme, au milieu d'un petit attroupement, énumère les nouveautés du texte législatif : "Elle peut ouvrir un compte bancaire sans demander l'autorisation. Elle est tout à fait libre maintenant."
Cet homme qui pousse un landau informe son épouse avec le sourire : "tu peux signer ton chèque maintenant, tu es tout à fait libre." Son épouse acquiesce souriante.
Une couturière précise, "Même si l'on se marie sans contrat, on est mariés, sous contrat et aux acquêts".
Cette jeune mariée en robe blanche, sans soute surprise à la sortie de l'église confirme, "maintenant, la femme peut gérer ses biens, c'est à dire que si elle possède soit des immeubles, soit des propriétés, elle peut le faire sans l'avis de son mari".
Un point de la loi concerne les adoptions, là aussi le message semble être bien passé : "un enfant qui a été adopté ne peut pas être repris par ses parents. Quand on a adopté un enfant, c'est pour toujours. On ne va pas avoir d'histoires après avec la famille".
Retour chez la couturière dont la cliente souligne le caractère crucial de cette loi, " je crois que cette année, c'est quand même un très grand pas de fait pour la femme, même du point de vue contrôle des naissances qui a été jusqu'au concile".
Une jeune femme évoque elle aussi la contraception qui ne fait pas partie du texte de loi mais est aussi au coeur des débats cette année-là, "c'est toujours ce problème de la maternité, tout ça qui est important. Les contraceptifs et tout ça, évidemment, ces problèmes qui sont importants, mais ça, je ne sais pas si ça sera résolu..."
La couturière ajoutee, "on nous avait un petit peu délaissées. Maintenant que l'on travaille et que les femmes travaillent beaucoup, on a vraiment besoin qu'on s'occupe de nous".
Que dit cette loi Loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux
Cette loi se revendique plus protectrice des individualités de l'homme et de la femme au sein du couple et du mariage. C'est véritablement une étape fondamentale de l’émancipation juridique de la femme mariée. Le texte introduit la communauté réduite aux acquêts, qui devient le régime légal en l'absence de contrat de mariage. Un point important car désormais chaque époux conserve la faculté d'administrer les biens qui lui étaient propres avant le mariage, ainsi que ses revenus personnels. La communauté de biens se limitant désormais aux biens acquis au cours du mariage.
Autre point crucial, l'apparition de l'égalité des époux dans la gestion des biens : si le mari reste toujours administrateur de la communauté de biens, il doit désormais rendre compte de la gestion de ces biens à son épouse, et en cas de défaillance, cette dernière peut, par décision judiciaire, se substituer à lui. L'épouse pourra dorénavant travailler et ouvrir un compte en banque sans l'accord de son époux. Une décision rendue indispensable avec la progression des femmes travaillant dans la société française.
Petit rappel historique du régime matrimonial
Le droit napoléonien de la famille avait entériné un régime d’incapacité juridique pour l’épouse. L’économie conjugale reposait alors sur l’article 213 du code civil affirmant que "le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari". Cette incapacité juridique de la femme avait évolué au fil du temps. Elle était supprimée pour l’épouse séparée de corps en 1893, puis lorsque l’administration des biens provenait d’une profession séparée (1907). Cette incapacité avait théoriquement disparu en 1938, de même que l’autorité maritale. Mais le mari restait chef de famille et conservait un pouvoir quasi absolu tant sur les biens que sur la profession de son épouse.
Florence Dartois