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1995 : la mise en place d'un visa territorialisé à Mayotte

1995 : la mise en place d'un visa territorialisé à Mayotte

Dimanche 11 février, en déplacement à Mayotte, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé plusieurs mesures pour répondre à la situation de crise qui touche le département français. Outre une révision constitutionnelle pour mettre fin au droit du sol à Mayotte, le ministre a fait connaître sa volonté de supprimer le visa territorialisé. Ce titre de séjour spécial ne donne pas accès au reste du territoire français, il ne concerne que l'île. Aussi appelé « visa Balladur », il avait été mis en place en 1995. 

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 12.02.2024
Edouard Balladur à Mayotte - 1994 - 00:47 - vidéo
 

L'ACTU.

« Puisque nous aurons beaucoup moins de titres de séjours et que nous n'aurons plus la possibilité d'être Français lorsque l'on vient à Mayotte, les visas territorialisés n'ont plus lieu d'être ». Dimanche 11 février, Gérald Darmanin, en déplacement à Mayotte, a présenté toute une série de mesures destinées à mettre fin à la crise migratoire que connaît l'île. Après avoir annoncé une réforme constitutionnelle pour mettre fin au droit du sol à Mayotte et en couper « littéralement l'attractivité », le ministre de l'Intérieur a également dit sa volonté de mettre fin aux visas territorialisés.

Ces visas spécifiques permettent d'entrer à Mayotte, mais pas sur le reste du territoire français. Ce dispositif spécifique est aussi appelé « visa Balladur », du nom du Premier ministre qui l'a mis en place en 1995.

LES ARCHIVES.

« Première des mesures annoncées par Édouard Balladur à Mayotte : le visa à nouveau exigé à l'entrée de Mayotte pour les ressortissants comoriens. » Fin 1994, le Premier ministre français Édouard Balladur se rendait à Mayotte. Il en profitait pour entériner la séparation de Mayotte du reste de l'archipel des Comores en annonçant la mise en place d'un titre de séjour pour se rendre sur l'île. En effet, en juillet 1975, l'archipel des Comores s'était séparé des îles mahoraises à l'occasion de la déclaration de son indépendance. Une séparation entérinée par l'État français qui refusait de reconnaitre Mayotte comme comorienne et par plusieurs consultations des Mahorais qui confirmaient leur volonté de rester sous autorité française.

Dans l'archive de 1994 en tête d'article, Édouard Balladur qui venait d'annoncer la mise en place de ce nouveau titre de séjour assurait cependant « que cette mesure ne devait en aucun cas altérer les relations entre la France et les Comores. » Et le journaliste de conclure : « Édouard Balladur a su, au cours de ce voyage à Mayotte, conforter et surtout rassurer les Mahorais dans leur avenir au sein de la République ».

Et pourtant, comme le rapportait le reportage ci-dessous, au lendemain de la mise en place de ce nouveau visa, cette initiative avait été « très mal perçue à Moroni ». Dans la capitale comorienne, une « manifestation musclée » se déroulait devant l'ambassade française pour s'opposer au visa Balladur. Selon le journaliste, les Comoriens étaient unanimes : « Le visa pour se rendre à Mayotte, c'est reconnaitre que l'île est belle est bien française et donc essuyer un grave échec diplomatique ». En signe de protestation, Moroni suspendait ses liaisons aériennes sur Dzaoudzi et le porte-parole du gouvernement comorien dénonçait une « démarche électoraliste de la part du Premier ministre français ».

Des centaines de morts en mer

Le visa Balladur fut maintenu, mais continua à faire parler de lui. Dans l'archive de 2017 ci-dessous, Mayotte, devenue 101e département français, connaissait de grandes manifestations « pour protester contre la volonté du gouvernement de supprimer le visa pour entrer à Mayotte, notamment depuis les Comores ». Une « mobilisation massive » à l'échelle de l'île qui traduisait la peur d'une « arrivée importante de migrants sur leur terre déjà asphyxiée ».

Et la journaliste de rappeler : « Pendant des années les habitants des quatre îles circulaient librement, mais en 1995, le visa Balladur est introduit. Désormais, pour atteindre Mayotte, les Comoriens doivent disposer de ce sésame et il est onéreux. Alors certains tentent leur chance clandestinement. » Mayotte n'étant qu'à quelques dizaines de kilomètres des Comores, nombreux étaient ceux qui tentaient la traverser sur des bateaux de fortune. Un « périple dangereux », surveillé et régulièrement empêché par la police. « Quand elles ne sont pas arrêtées, nombreuses sont les embarcations qui s'abiment sur la barrière de corail et chavirent. On estime à plus de 10 000 les nombres de personnes noyées ».

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