1974, les coulisses du premier débat télévisé
Ce mercredi a lieu le rendez-vous immanquable de l'entre-deux-tours : le débat télévisé. Pour la deuxième fois consécutive, Emmanuel Macron et Marine Le Pen vont s'affronter en direct. Immersion dans les coulisses du tout premier débat télévisé, en 1974, où Valéry Giscard d'Estaing faisait face à François Mitterrand. Le 10 mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing affronte François Mitterrand lors d'un débat télévisé pendant l'entre-deux-tours. C'est la première fois qu'un tel événement est organisé entre deux candidats à la présidentielle. Cette idée vient tout droit des États-Unis. L'ORTF décide de s'en inspirer et propose l'idée aux deux candidats. Quelques heures plus tôt, au studio 101 de la Maison de la Radio, les techniciens s'activent pour tout préparer. Le réalisateur Roger Benamou installe minutieusement les micros des deux candidats, ainsi que l'éclairage : " L'éclairage doit être de même caractère en tenant compte de la taille de l'un qui est un peu plus grand que l'autre mais enfin, on ne peut pas faire un éclairage dur pour l'un et un éclairage très doux pour l'autre, c'est inconcevable. " Le réalisateur peaufine également son cadrage, qu'il veut strictement égalitaire : " L'alternance des plans, je m'y emploierai de façon rigoureuse, sera identique. C'est-à-dire qu'un gros plan de l'un répondra à un gros plan de l'autre. " A 20h, Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand arrivent dans le studio. Au commentaire, on sent que la pression monte : " Voilà, tout est en place maintenant, y compris les fameux chronomètres électroniques. Il est 20h35, les invités du studio 101, ils sont moins d'une centaine, retiennent leur souffle, les candidats se concentrent. " Avant que les candidats ne prennent la parole, les deux journalistes-présentateurs, Jacqueline Baudrier et Alain Duhamel, énumèrent les consignes du débat : " Notre rôle, annonce Alain Duhamel, à Jacqueline Baudrier et à moi-même, sera essentiellement de veiller au respect du temps de parole de chacun et puis au bon déroulement du débat. Comme vous nous l'avez demandé, nous nous interdiront, naturellement, de poser quelque question que ce soit à l'un d'entre vous. " Pas de questions, 45 minutes de temps de parole chacun et des thèmes discutés au préalable comme la politique étrangère, les libertés, les institutions et la politique économique et sociale. C'est Valéry Giscard d'Estaing, par tirage au sort, qui a le droit d'ouvrir la discussion. A ce moment-là de la campagne, les sondages les annoncent à égalité. Ce débat est donc un réel enjeu. Il en restera cette phrase, entrée dans la postérité et prononcée par Valéry Giscard d'Estaing : " Vous n'avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du coeur, vous ne l'avez pas. " Le débat dure 1h30 et 25 millions de téléspectateurs suivent cet événement en direct. Les rues de Paris sont désertes, les cinémas, les Champs-Elysées et même les salles de projection du festival de Cannes ont été abandonnées au profit des postes de télévision. Le lendemain du débat, la journaliste Jacqueline Baudrier détaille l'attitude des deux candidats : " Ils étaient évidemment, au début de l'entretien, assez tendus. Ils le cachaient fort bien mais on sentait même un peu d'anxiété et on les comprend, puisqu'ils savaient qu'ils parlaient devant plus de 20 millions de téléspectateurs qui étaient leurs électeurs. Comme la compétition s'annonce très serré, la partie qu'ils jouaient était une partie de la plus haute importance. " Dès le lendemain, Valéry Giscard d'Estaing gagne 1,5 point dans les sondages. Les électeurs l'ont trouvé plus sympathique, plus clair, plus sincère. Le 19 mai 1974, dans un second tour extrêmement serré, il est élu avec 50,81% des suffrages.
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