Ouverture de la 1ère session du Sénat de la Communauté
- Discours au Palais du Luxembourg de Charles de GAULLE, Président de la République, à l'occasion de l'ouverture de la première session du Sénat de la Communauté qui réunit les membres des parlements des onze républiques de l'Afrique francophone et de la République Malgache : " Mesdames, Messieurs les sénateurs de la Communauté, la réunion de votre Sénat marque le terme de la mise en place des institutions prévues par notre constitution. Tandis que la République Française procédait à sa propre réforme, la République Malgache, Centrafricaine, du Congo, de la Côte d'Ivoire, du Dahomey, Gabonnaise, de Haute Volta, Islamique de Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Soudan, et la République du Tchad, se voyaient dotées de leur propre gouvernement, de leur parlement et de leur justice.Quant à la Communauté, sa présidence, son conseil exécutif, ses ministres chargés des affaires communes, sa cour d'arbitrage, exercent déjà leurs fonctions. Et voici que le Sénat vient achever l'édifice. Ainsi, se trouve réalisé ce que nos peuples ont décidé librement, en toute indépendance, par le référendum du 28 septembre. Cela a été fait selon les règles démocratiques. Un pareil aboutissement, et même le refus qui lui fut opposé par l'un des territoires de l'ancienne Union Française, démontre que nos peuples ont effectivement disposé d'eux-mêmes, qu'ils ont exercé leur choix et qu'ils l'ont fait par la seule voie qui soit valable : celle du suffrage universel. Cela étant accompli, il est vrai qu'ils y ont été conduits par la raison et en même temps par le sentiment. Aujourd'hui, certes le progrès est indispensable à la vie, et il est vrai que pour un peuple qui ne dispose pas par lui-même de moyens puissants et variés son développement ne peut s'accomplir qu'à l'intérieur d'un grand ensemble. Or il se trouve que le vaste effort de recherche, de techniques, d'investissements, d'enseignements qu'exige la mise en valeur des nouveaux états d'Outre Mer, la France a déjà largement commencé de l'accomplir. Elle est capable de le poursuivre et en ce moment même elle fait jaillir du Sahara des ressources nouvelles de prospérité dont tireront profit tous les peuples de la Communauté. En revanche ces peuples offrent un champ d'expansion élargi à son activité, et sans doute le jour viendra-t-il où ces peuples à leur tour fourniront à l'ancienne métropole le concours de leurs capacités dans le grand mouvement qui conduit à s'unir tant d'hommes si divers par leurs races, leurs croyances, leurs conditions. Il y a aussi la volonté de défendre la liberté qu'ils ont acquise car ils sont des hommes libres et résolus à le rester. C'est pour cela que notre Communauté, afin de détourner et s'il le fallait de surmonter la menace, réalise l'Union des peuples qui la forment. C'est pour cela aussi qu'elle entend coopérer avec tous les états européens, africains, américains, asiatiques, océaniques, qui se refusent à la servitude. Mais si nous voulons parer aux périls que nous font courir certains systèmes totalitaires et dominateurs, nous savons bien qu'à l'origine du trouble universel il y a la condition malheureuse d'innombrables populations.La seule chance, mais aussi la grande chance de la paix et de la civilisation c'est que les hommes, les enfants de l'humanité qui disposent des moyens voulus apportent leur aide à cette humanité toute entière. Notre Communauté par le fait même qu'elle est ce qu'elle est, et qu'elle dispose d'appréciables ressources, donne déjà un exemple pour le salut du genre humain. Progrés, sécurité, paix, voilà des raisons qui nous déterminent à entreprendre notre oeuvre fraternelle. Mais le sentiment nous y engage aussi car ce n'est pas en vain qu'entre nos peuples ni le lien d'estime et d'attachement réciproque ont été longuement noués, dans le domaine affectif comme dans celui de la pratique. Nous voyons là la récompense d'innombrables et méritoires efforts de tant d'administrateurs, de soldats, de missionnaires, d'instituteurs, de professeurs, d'ingénieurs, de techniciens, et aussi du grand mouvement qui porte vers la France les âmes de beaucoup d'élites et de masses d'Outre-Mer. En vérité, il convenait que la grande fête d'hier célébrât tout à la fois la naissance de la Communauté et l'anniversaire du jour où l'Etat Français proclamât devant le monde et à l'usage et au service de tous les hommes de la terre la "Liberté, l'Egalité et la Fraternité".Je déclare ouverte la session du Sénat de la Communauté..."Applaudissements des sénateurs.
Producteur / co-producteur |
Radiodiffusion Télévision Française |
Générique | Journaliste : Danièle Breem Participant : Charles de Gaulle |
Descripteur(s) | Buron, Robert, Chaban Delmas, Jacques, Cinquième république, colonialisme, communauté-Union française, décolonisation, discours, France, Janot, Raymond, Jebb, Gladwyn, Madagascar, Michelet, Claude, Monnerville, Gaston, Paris, parlement, POLITIQUE INTÉRIEURE, résidence officielle, Tsiranana, Philibert, Youlou, Fulbert |