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Une photo de guerre qui changea l'histoire : la fillette brûlée au napalm

Une photo de guerre qui changea l'histoire : la fillette brûlée au napalm

Plusieurs reporters de guerre sont morts ces derniers jours en Ukraine. Parcourant toutes les zones de conflits de la planète, les photographes de guerre témoignent au péril de leur vie. Certains de leurs clichés ont changé le cours de l’histoire, à l’instar de celui pris par Nick Ut, en 1972, sur une route vietnamienne.

Par Florence Dartois - Publié le 16.03.2022
Kim PHUC, la petite fille brûlée au napalm - 1984 - 03:33 - vidéo
 

La guerre en Ukraine est couvert par des reporters, dont plusieurs viennent de perdre la vie. Parmi ces journalistes, les photographes jouent un rôle capital dans le récit des combats. Ils sont souvent les seuls témoins des affrontements. Ils informent le monde et figent à jamais les scènes marquantes, parfois choquantes des conflits.

Leurs clichés apportent aussi parfois l'espoir et certains ont même changé le cours des événements et sauvé des vies. C’est ce qui est arrivé avec la photo d’un jeune photographe de l'agence Associated Press, Nick Ut, durant la guerre du Vietnam en 1972.

Le 8 juin 1972, en pleine bataille, des avions B-52 américains bombardent au napalm le village de Trang Bang, près de Saigon. Plusieurs enfants brûlés s’enfuient sur la route. Une petite fille en particulier. Elle a 9 ans. Le dos en flammes, nue et en pleurs, elle est photographiée par le jeune photographe. Cette photo, prise sur le vif, va marquer et émouvoir le monde entier, mais surtout les Etats-Unis, au point, dit-on, de faire basculer l'opinion publique américaine et d’accélérer la fin du conflit.

La télé retrouve Kim

L'archive en tête de cet article est un document incroyable. En 1984, douze ans après les faits, la télévision française retrouvait la petite victime. Elle se prénomme Kim Phuc (qui signifie « Bonheur en or »). Elle avait alors 21 ans. Grâce au photographe, elle a survécu à ses blessures. Elle vivait alors à Ho Chi Minh ville (ex-Saigon) mais se trouvait en septembre 1984 à Bonn, en Allemagne Fédérale, où elle était soignée pour ses brûlures.

Le reportage filme la jeune vietnamienne alors qu'elle visionne les images de son passé. En se replongeant dans ses souvenirs, Kim Phuc ne pouvait s’empêcher de détourner le regard. Elle évoquait les soins reçus dans cette clinique : « J’ai été opéré à trois endroits, au bras, à l’aisselle et au cou. Je peux bouger facilement maintenant, mais ma santé est encore faible », précisait-elle.

En 2019, le 20 heures de France 2 retrouvait à nouveau la Vietnamienne, désormais âgée d'une cinquantaine d'années. Le photographe Nick Ut était également présent. Toujours proches et amis, ils racontaient leur «rencontre» sur une route bombardée au napalm. Nous vous proposons ci-dessous quelques extraits de leurs témoignages.

Témoignage de Kim Phuc adulte
2019 - 00:31 - vidéo

« Soudain, autour de moi, il n'y avait que du feu. Mes vêtements avaient brûlé sur moi. Je ne m'étais pas déshabillée, non. Et là, j'ai vu que mon bras gauche brûlait. J'ai utilisé la main droite pour chasser les flammes et elle a brûlé aussi. Ma première pensée a été "mon Dieu mais je vais être affreuse, différente" »

Des souffrances, une photo et un miracle

Si Nick Ut, 21 ans, était là ce jour-là, c’était un peu par hasard. Il avait été envoyé au Vietnam par Associated Press pour remplacer son frère, également photographe, qui venait d'être tué. C’était son premier reportage en opération. Cette photo, il l’avait prise presque sans s’en rendre compte.

Témoignage de Nick Ut photographe
2019 - 00:18 - vidéo

« J'ai regardé dans mon objectif et j'ai vu tous ces enfants courir. Je me souviens que cette petite fille criait "ça brûle, ça brûle". J'ai pas fini ma pellicule. J'ai posé tout mon matériel dès que j'ai vu cette brûlure à son bras et surtout sur son dos ».

Nick Ut n'avait alors qu'une idée en tête : sauver la fillette. Il n’a pas pris conscience de l’importance de son cliché. Elle a même failli ne jamais être publiée. Il raconte ci-dessous pourquoi.

Nick Ut sur le sauvetage de Kim Phuc
2019 - 00:34 - vidéo

« Je m'en foutais que mon chef me crie dessus parce que j'envoyais mes photos en retard. Ce jour-là, ce qui comptait pour moi, c'était Kim. Si elle était morte, je m'en serais voulu toute ma vie », « Le rédacteur en chef regarde (la photo) à Saigon et me dit "Nick, pourquoi tu photographies des petites filles nues ? Pas de nudité, je ne veux pas de cette photo ! " Mais la rédaction à NY l’a vue et a rappelé en disant : "on n’a jamais vu une photo aussi forte de la guerre du Vietnam" »

Et le lendemain, la photo faisait la une du New York Times. Cette photo aurait participé à éveiller les consciences et contribué à accélérer la fin de la guerre au Vietnam. Il faut savoir que Nick Ut n’était pas le seul ce jour-là à tout faire pour sauver la petite brûlée. Chris Wayne, l’autre journaliste britannique de l'équipe a retrouvé Kim, qui mourante, avait été menée à la morgue. C’est grâce à ses efforts qu'elle a été transférée à l’hôpital militaire américain où elle a vraiment pu être sauvée après 16 opérations. Des années après, elle qualifiait toujours les deux reporters de guerre d '« anges gardiens ». Nick Ut, lui, recevra le Prix Pulitzer en 1973 pour ce cliché historique.

« Ces hommes ont été mes anges gardiens et malgré tous ces événements dramatiques, quand je regarde en arrière, je me dis: "Waouh ! C’est un miracle". Alors oui, aujourd’hui, j’ai encore beaucoup de cicatrices. J’ai encore eu 11 séances de laser et je me bats toujours contre la douleur, mais elle me rappelle d’où je viens. Elle me donne la force de ne jamais abandonner et d’aider les autres ».

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