L'Académie américaine du cinéma a dévoilé lundi 15 mars la liste des nominations pour la 93e cérémonie des Oscars qui aura lieu le 25 avril. Parmi les nominés figure Florian Zeller pour son adaptation cinématographique de sa propre pièce intitulée Le père. Une pièce écrite pour le comédien Robert Hirsch et jouée au théâtre Hébertot. En 2012, âgé de 33 ans, Florian Zeller avait déjà une longue carrière littéraire derrière lui, avec la publication de trois romans, Neiges artificielles en 2002, suivi des Amants du n’importe quoi en 2003 et de La Fascination du pire en 2004, Prix Interallié.
Mais remontons le temps, le 6 février 2005 plus exactement, avec la rubrique Derrière le rideau du Mag de France 3. L'émission consacrait alors un portrait au jeune romancier, que certains considéraient comme un prodige et comparaient déjà à Françoise Sagan pour sa précocité. Florian Zeller, lui, menait sa vie d'auteur à cent à l'heure, cumulant la vie de romancier et de dramaturge. Les caméras le suivaient tout au long de sa journée. D'abord aux éditions Flammarion...
"Il est l'auteur chéri des Lettres françaises, l'itinéraire de cet enfant gâté débute ici, il y a trois ans, aux éditions Flammarion. Un premier livre publié à 22 ans, Florian Zeller en est aujourd'hui à son troisième. Le dernier, "La fascination du pire", a été couronné par le prix Interallié". Tandis que l'écrivain s'entretient de son planning avec son éditeur, le commentaire poursuit : "Ce jeune homme pressé travaille sans relâche. Il est remarqué dès ses débuts et suivi de près par les médias. "Quand on a un prix littéraire, quand on a un certain succès, quand on commence à avoir pas mal de lecteurs, bien entendu, on est demandé. Mais voilà, il ne faut pas en abuser. Il faut mesurer les choses et construire les choses intelligemment", souligne son éditeur Guillaume Robert.
"Elles sont conjointes, mais ce sont deux vies différentes"
Le reportage se poursuit avec l'activité théâtrale de l'auteur à succès : "Florian Zeller cultive l'alternance. Il mène deux vies. Ses livres ont rencontré un public. Il prolonge ce plaisir avec le théâtre, un genre peu fréquenté par les romanciers." Lui assume cette double casquette, très naturelle à ses yeux : "Elles sont conjointes, mais ce sont deux vies différentes dans la mesure où la première est effectivement, elle est solitaire et la deuxième est vraiment délivrée de soi. C'est vraiment une vie beaucoup plus collective, beaucoup plus joyeuse et, au fond, beaucoup plus matérielle, c'est-à-dire avec des enjeux de réflexions, de partages, de débats sur des objets beaucoup plus facilement identifiables".
Nous retrouvons le dramaturge, installé discrètement dans la salle du Théâtre Montparnasse, c'est lui qui met en scène cette pièce et dirige ses acteurs. "Sa deuxième pièce à l'affiche du Théâtre Montparnasse, "Le manège", un jeu de l'amour et du hasard, un quadrille où le mensonge dit toujours la vérité".
Marine Delterme, sa compagne à la ville, décrit la richesse du texte et des émotions véhiculées par les mots et les situations : "Dans ce vernis, un peu à la Lubitsch ou à la Capra, très rapide et très léger, il y a l'ambiguïté dessous, il y a la cruauté, il y a le désastre amoureux. Il y a tout ce qu'ils n'ont réussi à être. Il y a les tromperies imaginaires ou vraies, on ne sait pas".
Nicolas Briançon, autre acteur de la distribution, voit le théâtre de Florian Zeller comme une sorte de symbiose : "Moi, je ne connaissais pas Florian avant de découvrir son théâtre. Je n'avais pas lu ses romans. Je n'étais pas sensible au personnage médiatique. Mais je dois dire qu'au-delà de cet ange blond qui intéresse tant les médias, il y a un très grand écrivain de théâtre, c'est-à-dire quelqu'un qui a réussi une synthèse. Ce qui est très rare dans le théâtre français, je trouve aujourd'hui, entre ce qui fait l'intérêt, par exemple, du théâtre anglo-saxon et du théâtre français. Dans la même pièce, on a quasiment Pinter et Feydeau."
Sur la scène, la répétition se poursuit entre Nicolas Vaude et Marine Delterme sous l’œil attentif du metteur en scène…
"Il y a une maturité étonnante chez un garçon de 25 ans. Assez sidérante, je trouve d'ailleurs. C'est ce qui rend la pièce si touchante à mon avis", dit Nicolas Vaude.
Du roman à la pièce : une même "destination finale"
Le commentaire précise, "les mots couchés sur le papier se sont incarnés. C'est une alchimie entre ce qu'il y a dans la tête de l'auteur et la liberté de jeu des acteurs". Mais pour l'auteur, il n'y a pas de dichotomie entre l'écriture et la représentation sur scène : "C'est presque assez inachevé un livre de théâtre, un texte de théâtre. Son achèvement, c'est évidemment quand il commence à avoir un corps sur une scène. Mais on y pense au moment où on écrit. Parce que c'est la direction finale, la destination finale. D'autant plus que là, j'ai écrit le texte en pensant à ces acteurs-là. Donc, finalement, je rejoins un petit peu mon l'idée de départ, ma vision de départ".
Comblé, Florian Zeller est aussi l'auteur d'une autre pièce intitulée L'autre, à l'affiche du Théâtre des Mathurins. La distribution a changé, il l'avait écrite en pensant à Nicolas Vaude qui désormais l'a rejoint sur son nouveau projet. Florian suit de près les répétitions de la nouvelle distribution : "Tu vois, il faut aussi, à mon avis, que ton geste, d'abord, il faut qu'il vienne plus tôt. Il ne faut pas qu'il parasite ce que tu dis tout juste après. Il faut qu'on identifie ta chute. On entend les mots, tu vois ? Il ne faut pas que le geste parasite le texte".
Le comédien Aurélien Wick qui remplace Vaude confie, "je suis tombé amoureux du texte, j'ai trouvé la pièce magique et je rêvais de reprendre ce rôle alors que je ne savais pas du tout qu'il faisait changement de distribution. Et dès que ça a été le cas, je me suis mis sur les rangs à toute vitesse pour pouvoir absolument avoir ce rôle".
Son partenaire Mathieu Bisson est lui aussi sous le charme : "J'aime beaucoup dans cette pièce en fait l'âpreté et la cruauté des rapports qui me semblent, comment dire, être un reflet pas si lointain d'un peu du rapport homme-femme aujourd'hui, qui est plutôt "duraille."
Il est déjà l'heure de quitter le romancier épris de théâtre, "Et si l'on invite Florian Zeller à parler de lui, il s'y prête avec courtoisie aujourd'hui sous les projecteurs, demain à l'orée du printemps, il hibernera, son écriture solaire est un travail solitaire. Avec naturel, il passera de la lumière à l'ombre" conclut le journaliste visiblement conquis.
En 2021, Florian Zeller qui brillait déjà dans l'édition et au théâtre se retrouve donc nommé six fois aux Oscars pour son adaptation de sa pièce Le père, devenu un film franco-britannique intitulé The father. Depuis sa sortie en 2020, le long-métrage a fait sensation : il a été nommé quatre fois aux Golden Globes il y a un mois mais était reparti sans prix. Il a été acclamé aux festivals de Sundance et de San Sebastian de 2020 où il a été récompensé par le prix du public. Le film est en lice dans six catégories pour les Bafta anglais (British Academy of Film and Television Arts) prévus le 11 avril prochain et il a déjà obtenu le Goya du meilleur film européen en Espagne.
Pour aller plus loin :
Catherine Ceylac a accueilli plusieurs fois Florian Zeller sur le plateau de Thé ou café, dans cette émission l'auteur se livre avec beaucoup de sincérité.
Thé ou café : une journée avec Florian Zeller. (Extrait ,16 septembre 2006)
Thé ou café : portrait de Florian Zeller. (Extrait, 16 septembre 2006)
Thé ou café : l'origine de son nom. (Extrait,16 septembre 2006)
Thé ou café : Florian Zeller à propos de son enfance quittée trop vite. (Extrait,16 septembre 2006)
Thé ou café : la rencontre émouvante de Florian Zeller et Anna Karina. (Extrait,16 septembre 2006)
Thé ou café : Philippe Tesson et David Foenkinos à propos de Florian Zeller. (Extrait,16 septembre 2006)
Quelques pièces de Florian zeller : L'Autre (version de 2007 avec Sara Forestier), La vérité écrite sur mesure pour Pierre Arditi (2011), Le père écrite pour Robert Hirsch (2012)
Florence Dartois