« L'homme voulait tuer des femmes et des femmes uniquement. » Le 6 décembre 1989, un homme ouvrait le feu sur les étudiantes de l'école polytechnique de Montréal, au Canada. Quatorze d'entre-elles étaient tuées. En France, le 7 décembre les journaux débutaient sur cette terrible nouvelle. Exemple avec le journal de 8h sur Antenne 2, en tête d'article.
Dans ce flash, les premières informations disponibles sont données : un homme, armé d'une carabine, est entré à l'Université de Montréal, a tué quatorze étudiantes puis s'est suicidé. La journaliste, Florence Bouquillat, faisait le choix - qui n'est pas celui de tous les flashs à date - d'entamer le commentaire de ce reportage sur le motif du tueur : éliminer des femmes.
Voici ce que l'on saura plus tard : l'assassin s’appelait Marc Lépine. Ces étudiantes étaient pour lui une émanation du féminisme, des féministes, qu'il haïssait. Dans la lettre qu'il avait laissée, et qui fut publiée dans la presse un an après les faits, rien ne laissait place au doute sur ce point : « J'ai décidé d'envoyer Ad Patres les féministes qui m'ont toujours gâché la vie ». Il insistait par ailleurs sur le caractère politique de son acte.
Un événement traumatique d'abord difficile à comprendre
Le 7 décembre, le récit des faits à la radio française décrivaient les événements. Voici, ci-dessous, celui d'un journaliste de Radio-Canada, Claude Hamel, sur France Info. « En fin d'après-midi, un individu s'est présenté à l'École polytechnique de l'Université de Montréal, est entré dans une classe. Il était armé, habillé comme un chasseur. Il a demandé aux hommes et aux femmes de se séparer. Il a fait sortir les étudiants. Puis après, il a ouvert le feu sur les étudiantes. Il a d'ailleurs crié avant de se mettre à tirer "Vous êtes tous une bande de féministes" ». Et le journaliste français de conclure : « On ne sait toujours pas pour quel motif le forcené a tiré. On sait seulement qu'il s'est acharné sur les filles ».
Tuerie dans une université à Montréal : Interview d'un journaliste de Radio Canada
1989 - 01:28 - audio
En France, cette tuerie lointaine est surtout connue dans les milieux féministes. Mais au Canada, et en particulier au Québec, l'événement est traumatique. Il a fallu plusieurs années pour y apposer les mots justes.
En 2013, «Complément d'enquête» revenait sur le drame, « un tournant historique dans l'histoire de cet Etat si attaché à son idéal égalitariste », et rencontrait la sœur d'une des victimes. Elle témoignait, comme on l'entend ci-dessous : « Jamais, on a senti avant cette date-là qu'il y avait une telle haine à l'égard d'un groupe de la société, à l'égard des femmes, parce que les Québécoises féministes ont été très dynamiques et ça a été un féminisme plutôt pas violent. Et il n'y avait rien qui nous laissait croire que ça avait heurté certains individus. Surtout pas un homme de 20 ans, vraiment pas un homme de 20 ans ».
Tuerie de l'école polytechnique de Montréal contre les féministes
2013 - 03:52 - vidéo
En 2019, pour la commémoration des 30 ans du drame, la plaque apposée en 1999 en mémoire des victimes était remplacée par une nouvelle. C'est ce qu'expliquaient la correspondante au Québec du Monde : « L’ancienne se contentait d’évoquer "la tragédie survenue à l’École polytechnique", il sera désormais gravé que "quatorze femmes ont été assassinées lors d’un attentat antiféministe". Trente ans pour dire, enfin ».