« Depuis la plus haute antiquité, suivant des drailles jalonnées et pistées depuis la nuit des temps, les troupeaux, à l'approche de l'été, transhument ». Chaque printemps, quelques troupeaux des zones montagneuses françaises quittent encore les plaines pour les hauteurs. Tradition millénaire, la transhumance tend à se réduire aujourd'hui même si depuis décembre 2023, l’Unesco la reconnaît comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Il y a encore quelques dizaines d'années, avant l'essor du transport par camion, les bergers et leur cheptel pouvaient se déplacer à pied sur des centaines de kilomètres.
« Ces troupeaux arrivent du sud »
Dans les archives, de très beaux reportages suivent ces déplacements saisonniers traditionnels des Pyrénées, des Alpes ou encore du Massif central. En juillet 1965, la section montpelliéraine de l'ORTF filmait la transhumance d'un troupeau de brebis en Lozère. Cette archive est disponible en tête d'article. À l'époque, la télévision n'avait pas forcément le son provenant du terrain, c'est donc le commentaire d'une journaliste qui accompagne les téléspectateurs.
« Dès la Saint-Médard, il faut penser à transhumer » expliquait-elle. D'abord, les éleveurs marquaient leurs brebis marquées à chaud. Et puis, coutume locale, « certains moutons, un ou deux par troupeau, sont marqués d'une croix, car le dicton dit : "Si le malheur s'abat sur les bêtes que ce soient celles portant la croix qui meurent" ».
Chaque bête obtenait sa cloche. Leur son était différent suivant l'âge du mouton puisque, bien sûr, la « brebis de l'année ne saurait porter la même clochette qu'un mouton de deux ans ».
« Pourquoi marcher six jours alors qu'il est si simple d'utiliser un camion ? »
« Par les sentiers et par les drailles, ils s'en vont. » Le certificat de vaccination en main, les bergers se préparaient au voyage. « En six jours, à travers des montagnes, des plaines, des vallées, des bois, des rochers, de la garrigue. En six jours, ils parcourront 170 kilomètres », notait la journaliste. Avant de s'inquiéter : « Dans quelques années, on entendra plus au loin puis grandissant, alors que le troupeau arrive, le bruit des clarines, car les bêtes transhumeront en voiture. Pourquoi en effet marcher six jours alors qu'il est si simple d'utiliser un camion ? »
Au bout de ce long voyage, trois mois sur les plateaux. « La race des bergers tend à disparaitre, le métier de berger est un dur métier, un métier qui s'apprend. Servitude et poésie s’entremêlent. Il doit vivre au rythme de ses bêtes, mais il est aussi le seul à savoir encore lire dans les étoiles. Or maintenant pour être berger, il faut aller à l'école et là, on n'apprend pas à lire dans les étoiles. »
Le bétail partant des Alpes Maritimes pour les alpages
1970 - 05:15 - vidéo
« Chaque saison a vu disparaitre les vieux bergers sans qu'un jeune soit là pour prendre la relève »
L'archive ci-dessus propose de suivre une transhumance dans les Alpes-Maritimes. Cette fois, le troupeau était bovin. Des vaches de montagne, de race Tarine ou Abondance, parfois des Montbéliardes. Deux vachers interrogés racontaient « un travail qui dépasse les poids et mesures ».
Aux abords des sentiers, on regardait passer les animaux. Une grand-mère accourait. Les bêtes transhumaient de moins en moins, alors, elle en profitait. Le commentaire disait : « Chaque saison a vu disparaitre les vieux bergers sans qu'un jeune soit là pour prendre la relève ». Et pourtant, « les bergers sont catégoriques, cette marche forcée fait moins de mal au troupeau que le brutal changement de climat imposé par le transport en camion ».
Transhumance dans l'Hérault
1982 - 15:00 - vidéo
Une archive en couleur aux côtés d'un troupeau transhumant.