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Ministres de la société civile : un petit tour et puis s’en vont ?

Ministres de la société civile : un petit tour et puis s’en vont ?

Le remaniement ministériel annoncé jeudi 20 juillet a consacré la victoire des professionnels de la politique sur les ministres issus de la société civile. Si André Malraux, Simone Veil ou Bernard Kouchner ont réussi à s'imposer durablement sur la scène politique après avoir mené d'autres carrières, ils font figure d'exception.

Par Hugo Domenach - Publié le 24.07.2023

En 1988, l'ancien cancérologue Léon Schwartzenberg est remercié après avoir passé neuf jours au gouvernement. 

INA

L'ACTU.

En 2017, Emmanuel Macron, nouvellement élu, déclarait préférer les « amateurs » aux « éternels apparatchiks ». Six ans plus tard, le Président de la République semble avoir changé d'avis : les ministres de la société civile incarnés par Pap Ndiaye, François Braun ou encore Isabelle Lonvis-Rome sont remplacés par de fidèles soldats de la majorité.

Sous la présidence d'Emmanuel Macron, Françoise Nyssen, Laura Flessel, Muriel Pénicaud, Agnès Buzyn, Nicolas Hulot ou Jean-Michel Blanquer avaient déjà subi le même sort, quittant la vie politique avec quelques bleus et une certaine amertume. Désormais, Éric Dupond-Moretti, seul représentant de la société civile à diriger un ministère régalien, fait figure de rescapé.

LES ARCHIVES.

Il faut avoir le cuir épais pour s’imposer durablement en politique quand on ne maîtrise pas les codes. Dans l’histoire de la Ve République, certains y sont parvenus comme André Malraux, nommé en 1958 et qui fit rayonner la culture française pendant onze ans au gouvernement grâce à son aura d’écrivain ; l'ancienne magistrate Simone Veil qui parvint à imposer la loi dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au Parlement en 1974 avant de devenir la première présidente du Parlement européen en 1979 ; ou encore Bernard Kouchner, cofondateur de Médecins sans frontières, qui occupa différents portefeuilles de 1992 à 2010.

En 1963, le ministre de la Culture André Malraux présente la Joconde aux Kennedy.

S'ils sont marquants, ces exemples font figure d’exception et confirment la règle selon laquelle les novices ne durent pas en politique. Le cas le plus emblématique eut lieu en 1988. À l'époque, le Premier ministre socialiste Michel Rocard faisait de l'ouverture à la société civile l'une des marques de son gouvernement. Il nomma l'ancien cancérologue Léon Schwartzenberg ministre délégué à la Santé avant de le remercier neuf jours plus tard pour avoir notamment déclaré au cours d’une conférence de presse qu’il était favorable à la distribution de drogues de substitution. Un record de fugacité.

«On m’a vidé»

« Je ne faisais que des propositions, je ne donnais que des orientations, et à partir de là, on m’a vidé », racontait-il avec amertume sur le plateau de « L'heure de vérité » sur Antenne 2. Il regrettait qu’on n’ait jamais utilisé ses propos pour « discuter sur le fond ».

En 1988, Léon Schwartzenberg raconte sa douloureuse expérience sur le plateau de l’heure de vérité.

Françoise Giroud lui avait emboité le pas. En 1977, l'ancienne journaliste mettait un terme à sa carrière politique sept mois après avoir été nommée secrétaire d’État à la Culture (elle venait de passer deux ans à la Condition féminine), dégoutée par son inutilité et la « condescendance » de ses pairs masculins. Elle raconta son désarroi dans un livre intitulé la Comédie du pouvoir dont elle fit la promotion en 1980 au JT d’Antenne 2. Elle expliquait alors que les décisions se prenaient lors de « conseils restreints » autour du Président de la République ou du Premier ministre et que le Conseil des ministres n’était qu’une « cérémonie ».

Françoise Giroud sur le monde politique
1980 - 02:33 - vidéo

En 1980, Françoise Giroud raconte la « Comédie du pouvoir » sur le plateau d'Antenne 2.

Mais c’est sous Jacques Chirac que l’expérience se révéla la plus cuisante. Réélu face à Jean-Marie Le Pen en 2002, le Président de la République comptait donner un nouveau souffle à son mandat. Son Premier ministre Jean-Pierre Raffarin nomma alors des ministres qui ne venaient pas du sérail à des postes clés : le philosophe Luc Ferry à l’Éducation nationale, l’ancien PDG d’Usinor-Sacilor Francis Mer à Bercy, puis la juriste Noëlle Lenoir aux Affaires Européennes et la spationaute Claudie Haigneré à la Recherche après les législatives de juin. Seule cette dernière survécut au remaniement de 2004 après la déroute des régionales.

«Il faut avoir la vocation et la formation»

« Vous savez, la politique, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, ou croient, c'est également un métier, c’est également une vocation qui exige une formation. Il faut avoir la vocation et la formation », se justifiait alors le président au JT de TF1.

Entretien avec le Président de la République Jacques Chirac. 

Une volteface semblable à celui de l’actuel président de la République, qui fut lui-même banquier avant de devenir ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique en 2014. Pour être « un bon socioprofessionnel en politique, il faut être bilingue, connaître la culture et les codes des deux milieux (politique et professionnel) », expliquait naguère Jean-Pierre Raffarin dans un entretien au Monde. Certains apprennent plus vite que d’autres.

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