LE CONTEXTE.
Le 20 février 1986, La Cinq de Silvio Berlusconi diffusait ses premières émissions en France. Une diffusion qui aura provoqué de nombreux remous dans la classe politique et le paysage audiovisuel. Cette chaîne est née de la volonté de François Mitterrand, arrivé au pouvoir en 1981, de libérer les ondes, à la radio bien-sûr, avec la naissance des radios libres, mais également à la télévision, avec l'ouverture aux télés privées.
C'est dans ce contexte que va naître Canal + en 1984, première chaîne payante française. François Mitterrand lance ensuite l’idée d’« un espace de liberté supplémentaire ». Son gouvernement dirigé par Laurent Fabius est chargé d'étudier ce projet. Un rapport rédigé par l'avocat Jean-Denis Bredin propose la création de deux chaînes privées en clair, mais financées par la publicité. Restera à l’État de délivrer les fréquences.
En juillet 1985, le gouvernement propose que l'une des chaînes soit généraliste, l'autre étant dédiée à la musique. Le capital sera ouvert à des groupes de presse, sociétés de production et publicitaires. Un appel à candidature est lancé.
C'est à cette époque qu'entre en jeu Silvio Berlusconi, un magnat de la télévision populaire et commerciale en Italie. Il voit dans cet appel une occasion en or de s'implanter sur le territoire médiatique français. L’homme d'affaires bénéficie déjà d'un catalogue bien étoffé. Reste à trouver des partenaires. Il s'allie au groupe « Chargeurs réunis » de Jérôme Seydoux et à Christophe Riboud. Ensemble, ils se positionnent sur l'obtention d'une concession sur le nouveau cinquième réseau hertzien.
Le 20 novembre 1985, le gouvernement accorde à Silvio Berlusconi et à la société de Jérôme Seydoux et Christophe Riboud une concession de service public de 18 ans.
L'ARCHIVE.
Ses détracteurs accusent l'Italien de vouloir proposer une télé commerciale, pauvre en créations, entièrement alimentée par son catalogue italien. Silvio Berlusconi rétorque immédiatement lors d'une conférence de presse, le 22 novembre 1985, suivie d'une interview au journal d'Antenne 2. C'est cette mise au point que nous vous proposons en tête d'article. Au cours de cette conférence de presse, l'homme d'affaires se défend vouloir proposer une télé « Coca-Cola ». Silvio Berlusconi, très en verve, répond avec humour aux accusations, usant d'une métaphore viticole pour déminer les critiques : « La 5e ne sera pas une télévision Coca-Cola ni une télévision spaghetti, mais une télévision Beaujolais... et champagne le samedi ! ». Il n’en dira pas plus...
L'homme d'affaires accorde ensuite une interview au journaliste Rachid Arhab de la rédaction d'Antenne 2 dans laquelle il déclare sa flamme à son associé, ironisant : « Je suis tombé amoureux de Jérôme Seydoux ».
Une télé - presque - « made in France »
Silvio Berlusconi évoque ensuite quel type de programmes alimenteront la chaîne, tout en précisant qu'au début, il serait peut-être obligé de démarrer la production en Italie. Sa carte maîtresse sera ses animateurs. Refusant de donner des noms, il affirme que les présentateurs seront Français. « Pour faire de la télévision, il faut avoir des stars qui sont dans le cœur du public », ajoute-t-il avec malice. Ménageant le suspens, il ajoute que les stars viendront peut-être du cinéma pour une première expérience sur le petit écran.
Le 20 janvier 1986, les responsables de la 5e chaîne présentent un clip des programmes de la première chaîne commerciale française, « opération séduction, avec sourire Berlusconi », précise le commentaire. Plateaux flambants neufs, présentateurs, journalistes « stars », tout doit concourir au divertissement.
Effectivement tout sourire, Silvio Berlusconi donne un aperçu de ce que les spectateurs français découvriront lors de la première soirée. Et ce qu'ils devront accepter, c'est la publicité, « trois fois deux minutes par heures », télé commerciale oblige. Mais le magnat italien ne s'inquiète pas, le téléspectateur français supportera la pub « avec une grande facilité ».
La Cinq de Berlusconi
1986 - 01:29 - vidéo
Jeux, séries américaines et programmes jeunesse s’affichent dans la grille des programmes. La soirée de lancement est grandiose. Il s’agit d’un grand gala. Et pour cela, la production n’a pas lésiné ! C'est en Concorde que le téléspectateur atterrit à Milan en Italie, lieu de l'enregistrement dans les studios du groupe Mediaset de Silvio Berlusconi. Le show, présenté par Christian Morin et Roger Zabel, est parrainé par un cortège de stars des variétés, du cinéma ou du sport constitué entre autres de Charles Aznavour, Johnny Hallyday, Sting, Horst Tapper alias l'inspecteur Derrick, Ugo Tognazzi, Henri Salvador, Enrico Macias, Robert Palmer, Ornella Muti, Rudolf Noureev, Michel Platini, Serge Gainsbourg, Michel Sardou... Une soirée qui donne le ton et l'esprit de la chaîne.
Bienvenue La Cinq
1986 - 07:21 - vidéo
Mais La Cinq de Berlusconi ne va exister que six ans. Diffusée du 20 février 1986 au 12 avril 1992, elle devient rapidement déficitaire. Le tribunal de commerce de Paris prononcera sa liquidation judiciaire le 3 avril 1992 et La Cinq cessera d'émettre le dimanche 12 avril 1992 à minuit après plusieurs reprises et changements de responsables. Près de 1000 personnes travaillaient pour La Cinq.
Ce 12 avril 1992 donc, c'est le journaliste Jean-Claude Bourret qui prononce le compte à rebours final en direct, au milieu du personnel. La retransmission se coupe et est remplacée par cette inscription : «La Cinq vous prie de l'excuser pour cette interruption définitive de l'image et du son».
Compte à rebours fin d'antenne de la Cinq
1992 - 01:59 - vidéo
Dernières images de La Cinq avec le compte à rebours qui annonce la disparition de la chaîne. Sur le plateau, Marie-Laure Augry, Jean-Claude Bourret, Patrice Duhamel. La dernière image est une éclipse. L'écran s'éteint.