DATE ANNIVERSAIRE.
Il y a 30 ans, le 5 octobre 1994, une quarantaine de victimes : hommes, femmes et enfants, étaient retrouvées mortes dans deux fermes abandonnées du canton de Fribourg en Suisse. Les enquêteurs pensèrent très vite à un suicide collectif sectaire. La secte en question : l'Ordre du temple solaire. Nos archives témoignent de la sidération de l'époque après la découverte d'un premier carnage et de la longue enquête qui débuta pour découvrir la vérité sur ces morts suspectes.
L'ARCHIVE.
L'archive en tête d'article est le sujet diffusé dans le journal de 13 heures d'Antenne 2, le jour du drame, quelques heures après la découverte des corps. Dans son lancement, Daniel Bilalian hésitait encore sur le nom exact de la secte, l'appelant « la secte du soleil ». Déjà arrivée sur place, Anne Poncinet fait état des premières constatations des pompiers appelés pour un incendie. Très vite, ils s'étaient rendus à l'évidence, c'est à un véritable massacre qu'on s'était livré dans cette ferme isolée.
Les images de la sortie des corps dans des housses blanches sont frappantes. La journaliste expliquant que certaines victimes avaient été étouffées à l'aide de sacs plastiques, d'autres tuées par une balle dans la tête. La ferme, elle, avait été incendiée avec plusieurs bidons d'essence. Les enquêteurs pensaient déjà que le carnage était le fait d'une secte. En cela, ils s'appuyaient notamment sur la tenue vestimentaire de certaines victimes qui portaient « une cape (...) avec des symboles sur le dos ». Selon la journaliste, la secte s’appelait « la croix et la rose », quant aux victimes, elles étaient de nationalités suisse, française et canadienne.
Une secte et deux gourous
On le sait aujourd'hui, l'Ordre du temple solaire (OTS) avait été fondé en 1984 sous le nom d'Ordre International Chevaleresque de Tradition solaire. Il s'agissait d'un groupe ésotérique néo-templier fondé à Genève par Luc Jouret et Jo di Mambro, respectivement de 70 et de 46 ans au moment du drame. Leur objectif était de se préparer à l'Apocalypse en migrant vers une autre planète.
Les deux compères s'étaient rencontrés en Suisse romande au début des années 1980. Tous deux gravitaient autour des milieux d’extrême droite et de cercles ésotériques. Si le Français Jo Di Mambro, ancien bijoutier véreux, s'affichait comme un personnage gras, arborant des gourmettes et des bagues en or et chemises voyantes ouvertes, il revendiquait un goût marqué pour l'ésotérisme, s’autoproclamant « messager de l’au-delà ». Dans les années 1970, il avait créé le Centre de Préparation à l’Âge Nouveau (CPAN), une petite communauté installée dans une ferme à la frontière franco-suisse, à deux pas de Genève puis la Fondation Golden Way, où il rencontra Jouret.
Son comparse belge, Luc Jouret, possédait toutes les qualités d'un bon gourou : ancien prof de gym et obstétricien de formation, féru de philosophies orientales, le médecin était séduisant. Ce sera le rabatteur de l’Ordre du Temple solaire (OTS), repérant les plus crédules, fortunés de préférence.
La secte comptera jusqu'à 600 adeptes dont de nombreux notables suisses et va organiser des rassemblements dans la ferme des Rochettes à Cheiry (canton de Fribourg), ou bien à Salvan (Valais) dans un superbe chalet. Dans ce dernier se trouve un sanctuaire avec une crypte au sous-sol. On y chante, on médite et chacun repart avec ses cours à étudier.
Di Mambro et Jouret avaient mis au point une hiérarchie qui allait du simple frère, chargé des basses besognes quotidiennes (aube blanche), aux élus du cercle doré (cape dorée). Mais obtenir une cape et monter dans les échelons de l'ordre coûtait cher. Les contributions variaient en fonctions des revenus des membres.
À partir de 1993, les gourous commencèrent à évoquer l’Apocalypse et un mystérieux « Plan global » pour lequel il délivrait un « passeport pour l’astral ». La destination : Sirius, l’étoile principale de la constellation du Grand Chien, à 8,6 années-lumière de la Terre. C'est aussi à cette époque commencèrent les premières défections de la secte. Pour les autres, l'heure du grand voyage allait bientôt sonner.
Des suicides organisés
Sept siècles après la mort des templiers sur des bûchers dont ils se référaient, les deux hommes et leurs membres, allaient en allumer de nouveaux, dans un scénario récurrent glaçant. Le 4 octobre 1994, d’abord, à Morin Heights au Québec (5 morts, calcinés dans l’incendie d’une bâtisse à 100 km de Montréal). Le lendemain, en Suisse : 23 cadavres sont retrouvés dans un chalet, à Cheiry (10 hommes, 12 femmes et un enfant. Le même jour, 25 autres sont découverts à Salvan, dans le Valais, dont 6 enfants. Parmi les victimes seront également identifiés Di Mambro et Jouret. Ces trois incendies causent la mort de 53 personnes au total.
Sur place, des boîtes de médicaments, somnifères, opioïdes seront retrouvés près des corps. Des peluches et de bonbons près des plus jeunes. Bien que certaines aient les mains liées, les victimes ne semblent pas avoir résisté, disposées en étoile sur le sol.
Le reportage ci-dessous décrit, quelques années plus tard, les activités de la secte et dresse le portrait du « rayonnant » Luc Jouret qui recrutait en Suisse, en France et au Canada. Il avait notamment infiltré une firme canadienne pour y dissimuler des armes, « car le gourou préparait la fin du monde, une mission qui visiblement coûtait cher ». Interrogés dans ce sujet, d'anciens adeptes témoignaient et racontaient que l'argent recueilli devait financer la construction d'une « arche de survie » au Canada.
Luc Jouret et le Temple solaire
1994 - 02:00 - vidéo
Trois suicides mystérieux
Dans le sujet suivant, les journalistes expliquent que la ferme incendiée était vraisemblablement un lieu de culte que les adeptes avaient voulu faire disparaître avec eux. Dans le voisinage, l'incompréhension dominait.
Secte Suisse/Factuel
1994 - 03:12 - vidéo
Mais le drame ne s'arrêta pas là. Deux jours plus tard, le 7 octobre 1994, d'autres corps, dont trois cadavres étaient découverts (un couple et leur bébé) dans un autre chalet incendié au nord de Montréal. On ne croyait pas à une coïncidence. Le canadien Di Mambro et Luc Jouret, fortement suspectés, restaient alors introuvables. Les enquêteurs ne connaissaient pas encore leur destin macabre. Des mandats internationaux furent même lancés contre eux.
Les deux dirigeants seront identifiés quelques semaines plus tard parmi les corps calcinés. Mais la secte ne disparut pas pour autant et d'autres suicides allaient suivre.
Un nouveau suspect
Douze mois après les premiers suicides, le 16 décembre 1995, seize nouveaux cadavres dont trois enfants, disposés en étoile, furent découverts à Saint-Pierre-de-Chérennes (Isère) au lieu-dit le Trou de l’Enfer, en plein Vercors. La mort des deux gourous de l'ordre, Luc Jouret et Joseph di Mambro avait pu faire croire à la disparition de la secte, mais ce nouveau massacre laissait à penser qu'il existait une autre « tête pensante ». Les soupçons se portèrent alors sur un troisième homme, Michel Tabachnik, le célèbre chef d'orchestre franco-suisse qui était un proche de Joseph di Mambro.
Factuel temple solaire 16 morts
1995 - 02:11 - vidéo
Découverte de seize corps d'adeptes de l'Ordre du Temple solaire ont été découverts carbonisés dans le massif du Vercors.
Absence de coupable et K7 sidérantes
L'enquête allait s'enliser jusqu'à une découverte inopinée. En mars 1996, des journalistes retrouvèrent des K7 oubliées dans l'un des chalets suisses de Salvan. Elles contenaient les conversations des principaux protagonistes de la secte, quelques jours avant leur mort. « Ils s'espionnaient les uns les autres », précisait le commentaire de l'archive ci-dessous. Il s'agissait d'un fait capital, car l'enregistrement prouvait la manipulation mentale des adeptes. On entend ici une conversation entre deux adeptes qui pensaient fermement partir pour une planète éloignée. La secte promettait un départ pour Sirius, mais eux, pensaient rester dans le système solaire...
Extrait Envoyé Spécial
1996 - 01:38 - vidéo
Un homme : « Moi, je pense qu'on ira d'abord sur Vénus. » Une femme : « Moi, je m'en fous, on ira où on devra aller. » L'homme : « Moi, je pense qu'on ira d'abord sur Vénus, parce que d'ici que Jupiter soit prête, ça va aller loin. »
Un quatrième suicide collectif
Le dernier massacre de l'« OTS » se déroula le 22 mars 1997, à Saint-Casimir au Québec. Cinq personnes furent retrouvées mortes selon le même scénario. Pour la première fois, il y avait des survivants : trois adolescents parvenus à convaincre leurs parents de les épargner. Ils furent retrouvés en état de choc près de la maison. Fait inédit, aucun des anciens membres survivants du Temple solaire ne reconnaissait une quelconque appartenance au mouvement. Comme expliquait dans ce sujet, tous refusaient de témoigner tout en condamnant les faits. Un comportement qui compliquait encore l'enquête commune menée par la police des trois pays.
Secte ordre temple solaire
1997 - 02:07 - vidéo
Une nouvelle hypothèse et deux procès
Le seul prévenu identifié, Michel Tabachnik, niait toujours en bloc son implication directe dans l'organisation. Le juge d'instruction considérait que par son ouvrage, « Les Archées », et ses conférences, Michel Tabachnik avait pu inciter les adeptes à se donner la mort. Il fut donc mis en examen pour « participation à une association de malfaiteur en vue de commettre un crime ». Son procès débuta le 13 avril 2001 au terme duquel il fut relaxé.
En 2003, nouveau rebondissement. L'affaire était relancée par Alain Vuarnet, fils et frère de deux des victimes du Vercors. Il prétendait que les suicides pouvaient être des assassinats maquillés. Sa thèse s'appuyait sur une expertise privée effectuée sur les corps de sa mère et de son frère, après leur exhumation en juillet 2003. Sur les restes apparaissait une forte concentration de phosphore (comme sur les lieux de l'incendie) qui dénoterait l'usage d'un lance-flammes. À quelques semaines de l'ouverture du procès en appel de Michel Tabachnik et fort de ces conclusions, il espérait faire rouvrir l'enquête.
Affaire Vuarnet ordre du Temple solaire
2003 - 02:08 - vidéo
Le second procès en appel de Michel Tabachnik se solda par une relaxe au bénéfice du doute en décembre 2006. Rien ne permit de confirmer la thèse de la famille Vuarnet, ni d'élucider le mystère des suicidés du Temple solaire.
Pas de peine requise contre Michel Tabachnik dans l'affaire de l'ordre du Temple
2006 - 00:18 - vidéo
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