Sandrine Rousseau est militante depuis son plus jeune âge. Économiste de formation, elle s'est engagée très tôt dans la vie politique. En 2012, fraîchement élue d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), elle siégeait au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais en charge de l'enseignement supérieur. L'année suivante, désormais vice-présidente du Conseil régional, elle prenait publiquement position en faveur de l'euthanasie.
L'archive que nous nous proposons en tête d'article est une interview particulièrement forte de Sandrine Rousseau alors qu'elle venait elle-même d'être confrontée à cette question du suicide assisté. Nous sommes le 16 décembre 2013, dans l'édition Nord-Pas-de-Calais, du 12-13 de France 3. Ce jour-là dans l'actualité, le Comité nationale d’éthique devait remettre son rapport sur la question du suicide assisté pour les personnes en fin de vie. Un sujet que la jeune femme connaissait bien puisqu'elle venait d'accompagner dans son suicide sa mère atteinte d'un cancer récidiviste, en phase terminale. L'élue souhaitait témoigner de sa propre expérience : « Le cancer était devenu terminal et elle ne voulait pas vivre ses derniers jours, les dernières semaines de sa maladie. Elle ne voulait pas vivre ces souffrances-là et elle a décidé de mettre fin à ses jours ».
«Il faut vraiment évoluer»
Sa mère adhérait à l'Association pour le droit à mourir dans la dignité... Dignité dont elle avait été privée finalement. Ses mots étaient forts : « C'est pour ça que je témoigne. Dans un pays où l'euthanasie n'est pas autorisée, où concrètement ça se produit quand même (...) Le problème, c'est que dans ces cas-là, ça se fait chez soi avec ce qu'on a sous la main, sans assistance médicale et c'est extrêmement violent pour les malades et aussi pour leurs proches. Et puis surtout, c'est laisser des gens seuls à un moment extrêmement important. Et je pense que dans un pays comme le nôtre, on pourrait avoir un autre regard là-dessus. »
La journaliste soulignait que le fait de dévoiler publiquement sa position en faveur de l'euthanasie volontaire lui faisait aussi prendre un risque judiciaire. « Cela vous rend passible de non-assistance à personne en danger, pourquoi le faites-vous ? », lui demandait-on. « Je le fais parce que je crois que l'on est exactement dans la même situation que pour l'avortement juste avant la légalisation. C'est le témoignage de personnes qui décrivent les conditions réelles dans lesquelles ça se passe qui peuvent faire bouger les lignes. » Elle ajoutait sans ciller : « Ce témoignage, je le fais même contre la volonté de ma mère qui ne voulait pas que cela se sache. Mais je le fais pour que l'on sache ce que c'est concrètement, et pour éviter que d'autres enfants, d'autres proches subissent ce que j'ai subi. Par ailleurs, c'est un sujet de société. 92% des Français sont pour. Il faut vraiment évoluer à l'heure où le nombre de longues maladies explosent, il faut refuser que ces gens vivent ces derniers jours. Ils sont inutiles, ils ne servent à rien. Ils ne servent la dignité de personne, et si on les abrège de quelques jours ça ne me semble pas dramatique du tout. »
Soutiens
Ce qu'elle attendait de ce rapport du Comité national d'éthique, c'était qu'il donne la possibilité aux personnes qui en avaient fait plusieurs fois la demande de le faire « sous accompagnement médical et que cela permette aux proches de faire leur deuil dans de bonnes conditions. De pouvoir dire au revoir à l'être cher qui part et de pouvoir commencer un deuil de manière sereine. »
En conclusion de cette interview, elle confiait que depuis qu'elle avait fait ce témoignage, elle avait reçu des centaines de messages positifs, pour quelques attaques virulentes, précisant : « J'ai eu moins de 10 attaques virulentes alors que j'ai eu des centaines de soutiens ! C'est absolument incroyable. »
En France, l'euthanasie active est proscrite, celle où un médecin administrerait volontairement une dose létale pour mettre fin à la vie d'un patient. La loi Leonetti du 22 avril 2005 fixe les droits des patients en fin de vie interdisant également « l'obstination déraisonnable » et « la prolongation artificielle de la vie ». La loi autorise le médecin à réduire ou arrêter le traitement d'un patient en fin de vie, même si cela doit entraîner sa mort à plus ou moins court terme : l'euthanasie passive est donc tolérée dans le cadre des soins palliatifs, visant essentiellement à soulager les douleurs et à améliorer le confort du patient jusqu'au décès. Mais la loi refuse toujours la possibilité à une personne d'accéder à ce que l'on appelle le suicide assisté.
Le suicide médicalement assisté dans lequel le malade reçoit un soutien médical pour mourir et déclenche lui-même le processus menant à sa mort n'est toujours pas autorisé dans l'Hexagone. Les pays autorisant l'euthanasie (Belgique) et le suicide assisté (Suisse) ont encadré cette pratique par des lois qui limitent tout risque de dérives.
Pour aller plus loin
Assemblée nationale : discussion de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Interventions de Jean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale, Gaëtan Gorce, président de la commission spéciale et Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé et de la Protection sociale. (26 novembre 2005)
Pour les créateurs de contenus
Un dossier spécial Sandrine Rousseau est disponible sur mediaclip, l'offre vidéo de l'INA pour créer, raconter et informer.