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Les hauts et les bas des visites du FN au salon de l'agriculture

Les hauts et les bas des visites du FN au salon de l'agriculture

Un salon, deux ambiances. Alors qu'Emmanuel Macron a été chahuté lors de sa visite du salon de l'agriculture le samedi 24 février, le lendemain, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, a eu droit à une visite très décontractée. Ce changement de ton marque-t-il un changement d'époque ? Comment étaient accueillis les représentants du Front national autrefois ? Réponse en archives.

Par Florence Dartois - Publié le 26.02.2024
Jean Marie Le Pen au Salon de l'Agriculture - 2002 - 01:10 - vidéo
 

L'ACTU.

En visite au Salon de l'agriculture le dimanche 25 février, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, ne s'est pas privé de comparer son passage à celui, plus chaotique, du président de la République. En effet, la veille Emmanuel Macron a plusieurs fois été hué et pris à partie par certains agriculteurs.

Accueilli chaleureusement, notamment par les jeunes, le président du RN s'est livré au jeu des selfies. L'enthousiasme et la médiatisation orchestrée par ses équipes n'ont n'a pas manqué d'agacer certains membres du gouvernement dont Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui a déclaré sur CNews : « La réussite, c’est de répondre aux attentes des agriculteurs. Ce n’est pas de faire des selfies, » et d'ajouter avec une pointe d'ironie : « Tant que vous ne gouvernez pas, c’est assez commode parce qu’en fait, vous n’avez pas à vous confronter au réel et nous, nous nous confrontons réels ». Marine Le Pen a annoncé sa venue pour le mardi 27 février.

Le Salon de l'agriculture est LE rendez-vous incontournable des hommes politiques, qu'ils soient élus ou en campagne. Tous les présidents de la République - à l’exception de François Mitterrand - se sont pliés à l'exercice. Impossible d'échapper au rituel des serrages de mains dans les allées bondées et aux dégustations dans les nombreux stands surchargés. Le salon est un baromètre des opinions publiques et s'y confronter donne de sérieux indices en matière de popularité. Le Rassemblement national, et le Front national avant lui, l'a bien compris et n'a jamais dérogé à la tradition, même si certaines éditions ont été plus mouvementées que d'autres.

LES ARCHIVES.

Comment se passaient leurs visites ? Étaient-ils conspués ou plébiscités ? C'est ce que nous allons découvrir dans nos archives. Commençons par Jean-Marie Le Pen. Le fondateur du parti fut un visiteur assidu de la Porte de Versailles, avec son lot de chahuts et de provocations récurrents. À partir du milieu des années 1980, le Front national (fondé en 1972) commence à grignoter des voix dans les scrutins, notamment aux régionales et aux Européennes.

En 1988, le leader du FN brigue la présidentielle. Alors en campagne, le rendez-vous annuel de la France avec le monde rural devient incontournable. C'est en « gentleman farmer » que se présente Jean-Marie Le Pen au salon. En casquette et veste à carreaux, le chef de parti proclame fièrement ses « racines paysannes bretonnes ». Un leitmotiv qu'il déclinera à chaque visite. Comme dans l'archive ci-dessous où il est question de ses grands-parents.

« Je suis le candidat qui est le plus proche de l'agriculture puisque mon grand-père et ma grand-mère étaient agriculteurs ».

Des visites sous protection

1995. À nouveau en campagne, le chef du FN médiatise sa visite. Cette fois, il souhaite montrer qu'il n'est pas que l'ami des agriculteurs, mais aussi celui des bêtes. Une séance de bisous avec des vaches est organisée devant les caméras. Dans l'archive suivante, la bonhommie de Jean-Marie Le Pen, toujours aussi fier de « ses origines bretonnes et terriennes » ne cache pas une certaine tension sur les images. Garde rapprochée et cercle de militants fidèles, le candidat ne s'éloigne jamais de ce cordon de protection face à la foule. « Une foule pas toujours très enthousiaste vis-à-vis du Front national » précise la journaliste, tandis que les sifflets et les quolibets fusent à son passage.

Sa stratégie est claire et il la donne en toute franchise, un verre de bière à la main : « L'expérience prouve qu'il faut être nombreux pour éviter les provocations. Et que quand on est très peu nombreux, malheureusement, cela attire la foudre. »

« J'aime bien voir les bestiaux, les animaux, parce que les légumes ça m'intéresse moins... »

Une visite mouvementée

2002. Une nouvelle fois candidat à l'élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen peine à trouver ses 500 candidatures. Le salon de l'agriculture devient une tribune idéale. Sa recette pour assurer des revenus aux paysans : fermer les frontières et interdire les importations. Une recette toujours au programme du RN en 2024.

Comme à chaque fois, le candidat met en avant ses racines paysannes et sa légitimité. C'est le cas dans l'archive ci-dessous, dans laquelle il décoche au passage une flèche acerbe, pleine de sous-entendus, à une ancienne candidate de 2007, peu rurale, mais énarque : Ségolène Royal.

« Moi, vous savez, je suis né natif dedans, moi, alors. Ma mère était paysanne, mon père était patron pêcheur. Moi, je ne suis pas passé directement de l'ENA dans les cabinets ministériels sur mes petits talons rouges ».

Ce même jour, le 26 février 2002, France 2 suit le leader frontiste dans les allées du salon et les caméras du JT saisissent la tension qui règne à son passage. C'est cette archive que nous vous proposons de découvrir en tête d'article. Au fil du reportage, les traits de Jean-Marie Le Pen se durcissent. Pour cause, sifflets et quolibets rythment sa progression dans les allées.

Tout commence pourtant « avec le sourire et une tenue couleur paille » de circonstance. « Malgré la présence spontanée, ou organisée, de supporters, le passage du président du Front national ne laisse pas indifférent », précise le journaliste. Il tourne parfois à la bousculade. Dans la foule compacte, une femme l'invective et lance « Je t'emmerde ». Une insulte à laquelle le candidat à la présidentielle répond avec un ton qui se veut humoristique : « Ah oui, t'es marchande de toilettes ? » Avant de déclarer sur un ton glaçant à son voisin : « Ce n'est pas ça l'ordre qui sera là après... Vous verrez... »

À la fin de sa visite, l'homme politique semble épuisé. Un journaliste lui fait remarquer qu'il y a eu plus de sifflets que d'applaudissements, Jean-Marie Le Pen conclut sèchement : « Non monsieur. Vous mentez ! Vous mentez, c'est évident ! »

Un bon imitateur... de cochon

Les visites du président du FN réserve parfois des surprises, à l'instar de celle de 2004. Deux ans plus tard, l'ambiance est moins tendue. Cette fois, Jean-Marie Le Pen est accompagné de sa dauphine... Marine. Dans un contexte politique sans enjeu, la visite se déroule sans encombres. Au programme : des vaches, des allusions à ses racines paysannes et... une imitation imprévue du cri de cochon.

Le « look » paysan

2007. Nouvelle année électorale et nouvelle visite du candidat Le Pen en compagnie de sa fille. Pour l'occasion, celui qui se revendique toujours comme « d'ascendance paysanne », a ressorti sa casquette à carreau et sa veste paille en « peau de vache ».

Cette fois, Jean-Marie Le Pen et sa fille sont très entourés et leur suite de supporters scandent en chœur « Le Pen président ». Particulièrement affable, le président du FN se plie à toute sorte de mises en scène, acceptant, par exemple, de se couvrir la tête d'un chapeau bariolé. Contrairement à 2002, le spectacle bien orchestré ne subira aucune interruption intempestive.

« Chez ma grand-mère l'écurie donnait directement sur la pièce commune. Elle servait de chauffage central. »

2010. Jean-Marie Le Pen se fait plus discret. S'il est bien présent avec son incontournable veste en peau couleur paille, il cède sa place devant les caméras à sa fille Marine. Cette année-là, les municipales approchent, et les Le Pen viennent au salon accompagnés de toutes leurs têtes de listes en Ile-de-France. Au programme, pas de quolibets, mais une punchline de l'héritière à l'attention des paysans qu'elle décrit comme « abandonnés par Nicolas Sarkozy » et qu'elle enjoint de se faire entendre en votant pour le FN aux régionales. Une première déclaration qui marquera son style oratoire au salon.

« J'ai envie de dire que c'est le vote ou le cercueil ».

En 2011, la nouvelle présidente du FN prône le remplacement de la politique agricole commune (PAC) contre une « politique agricole française ». L'année suivante, en 2012, c'est comme candidate à l’élection présidentielle que Marine Le Pen se rend au salon de l'agriculture. Selon les sondages de l'époque, elle tient la troisième place dans le cœur des agriculteurs derrière Nicolas Sarkozy et François Bayrou. Contrairement à son père, Marine délaisse les vaches pour les agneaux.

L'ambiance est bonne enfant comme le souligne la journaliste, « dans les allées, l'accueil est vraiment chaleureux ». Quelques supporters sont aussi « venus faire la claque » devant les caméras. La candidate souhaite ouvrir « des cahiers de doléances de l'agriculture » et « nationaliser » la politique agricole commune. Cette dernière idée laisse néanmoins sceptique certains agriculteurs.

2015. « Sourires, photos... », la présidente du FN fait campagne à quelques semaines des élections départementales. Durant près de 10 heures (un record à l'époque), Marine Le Pen tente de séduire les agriculteurs en fustigeant la PAC, « un drame pour l'agriculture » et en se positionnant contre l'Union Européenne. Les intéressés sont partagés sur la faisabilité de son projet.

« Je suis venue leur dire que notre agriculture ne peut pas être une monnaie d'échange dans le grand souk mondialisé ».

2016. « Il faut se battre pour notre agriculture. Pas seulement parler. Se battre ! ». Durant 5 heures, accompagnée de sa nièce Marion et d'élus du FN au parlement européen, la présidente du Front national se lance dans une opération de séduction face à des agriculteurs de plus en plus désemparés. Son ton est plus offensif, voire guerrier. Elle exprime son « soutien inconditionnel aux éleveurs » et déclare vouloir lancer une « guerre contre Bruxelles » et prône un « bras de fer ».

En 2017. Marine Le Pen est à nouveau en campagne pour la présidentielle. Face aux agriculteurs en manque de reconnaissance, le discours reste inchangé. Mais l'époque où son père suscitait des bousculades dans les allées parait loin et la candidate bénéficie d'une écoute bienveillante. Il est toujours question d'une sortie de la PAC : « Il faut franciser les aides... il ne faut pas financer les hectares, mais les bonhommes. La PAC est un échec absolu. ». Elle suscite l'espoir, mais aussi la méfiance.

La relève Bardella

2019. C'est au milieu d'une nuée de journalistes que Marine Le Pen, présidente du RN, mène la campagne, au salon, en vue des élections européennes. À ses côtés se tient un discret jeune homme aux allures de gendre idéal : Jordan Bardella, sa tête de sa liste électorale. L'image du RN est désormais policée. Pour l'occasion, le futur président du parti (il sera élu en 2021) a fait tomber sa cravate coutumière pour un gilet molletonné au style plus décontracté. « Il faut qu'il reste lui-même », approuve Marine Le Pen à l'attention des caméras. Elle se lance ensuite dans sa diatribe coutumière à l'égard de la PAC. Mais cette fois, elle vise clairement la politique agricole de Macron, avec une parodie des propos qu'avaient eu le président à son encontre : « C'est Macron, c'est le chaos et la baisse des aides de l'agriculture ! »

Face à la mondialisation, elle prône une exception à la française : « On ne met pas l'agriculture dans les accords de libre échange. On n'en fait pas une variable de l'OMC. On considère que ce n'est pas un marché comme un autre, que ce n'est pas un commerce comme un autre. On considère qu'il y a derrière énormément plus que, précisément, des notions purement économiques ».

Marine Le Pen au salon de l'agriculture
2019 - 01:49 - vidéo

Marine Le Pen ironise sur la politique agricole d'Emmanuel Macron : « Les exploitations ferment ! Les agriculteurs se suicident ! Donc, ce qu'on va faire, on va baisser les aides de la PAC ! Mais, dites-moi, moi, je me souviens, pendant la campagne présidentielle, on disait - "Vous allez voir, avec Le Pen, ça va être le chaos et la baisse des aides de l'agriculture" - Bon, il se trouve que c'est Macron, c'est le chaos et la baisse des aides de l'agriculture » !

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