« De la féminité dans un monde de brutes. Gros plan ce soir sur le rugby féminin » : c'est comme ça qu'en 2001 un sujet de JT sur le rugby féminin était introduit. Trop violent, viril, pas pour les petites filles, le rugby est un sport entouré de clichés. Ces critiques ont été faites aux femmes qui ont pris en main le ballon ovale, dès les années 60.
En 1965, la féminisation de ce sport étonnait, voire amusait. « Mais que se passe-t-il ? Que regardent-ils avec tant d’attention ? », commentait ainsi un journaliste sur des images d'hommes amusés. Ils n’en croyaient pas leurs yeux, du rugby féminin ! Le journaliste poursuivait : « Après tout pourquoi pas, d'autant que, hors le sport, voilà une bonne occasion pour ces dames de régler quelques comptes et de manifester une combativité qui semblerait mal venue sans la présence du ballon ovale. Chère mademoiselle, vous êtes un vrai pilier ! »
Depuis le début, les joueuses firent face à la misogynie et les journalistes de l’époque tournèrent ce sport au ridicule. « Il s’agissait d’un match qui mettait aux prises de jeunes rugbywomen. Il est vrai que le sport importait peu. Le but de cette rencontre était de s’amuser et d’amuser, ce but a été atteint semble-t-il », narrait-on alors.
Et puis quand un journaliste les interrogeait, ce n'était pas vraiment sur des questions tactiques. « Si par exemple vous aviez été un garçon, est-ce que vous auriez joué au rugby ? » entendait-on. « Bien sûr », retournait la joueuse avec un rire embarrassé. « Est-ce que vous ne pensez pas que pratiquer le rugby, c'est une espèce de défoulement ? ». « Non », disait-elle dubitative. Dernière question : « Vous restez féminine quand même ? ». La réponse : « Bien sûr, ça passe en premier. » Conclusion du journaliste : « Vous êtes toutes d’accord, vous êtes féminines et rugbywomen ensuite. »
Faire changer les mentalités
Petit à petit, le rugby féminin s'est professionnalisé, mais certains hommes, dans les années 80, avaient toujours du mal à l’accepter. Et ce, tant du côté des spectateurs : « Disons, ce n’est pas un sport de femmes. (...) Je trouve des belles actions, je les trouve jolies mais, bon, il n'y a pas la percussion, elles craignent les chocs malgré tout, je n'ai rien contre. C’est des femmes. » Que du côté de ceux qui partageaient la passion pour l’ovalie : « Voir des femmes se taper sur la gueule, moi ça ne m’intéresse pas. »
C’est dire si les joueuses de rugby ont dû à la fois se battre sur le terrain et contre les clichés pour s’imposer. Une partie difficile, même lors de là première coupe du monde féminine, en 1991. Sur une archive, le présentateur n'hésitait pas à faire des lancements peu délicats : « Évidemment, nous avions un spécialiste tout indiqué pour suivre ces jeunes filles, (...) il a pénétré le milieu, il en est revenu très convaincu, voyez ce reportage. » Il « pénètre » le milieu...
Heureusement, les joueuses n’ont rien lâché et ont réussi à imposer leur sport. « Le rugby féminin a aujourd’hui valorisé son image. De par leur aptitude à compenser une force physique moindre par une technique raffinée, les joueuses ont fait évoluer les mentalités », commentait un reportage en 2005. 60 ans après les premières mêlées de rugbywomen, les mentalités semblent avoir enfin évolué.