« Monsieur Macron est le plus mal élu des présidents de la Ve République », a lancé Jean-Luc Mélenchon lors de son discours après l’élection d’Emmanuel Macron, dimanche 24 avril. « Il surnage dans un océan d'abstention, de bulletins blancs et nuls ». Emmanuel Macron, « plus mal élu des présidents ? » Pour France Info, qui avec d’autres médias, est revenu sur cette affirmation, Emmanuel Macron est en 2022 le… deuxième président le plus mal élu, le record du plus faible du nombre de voix dans l’histoire de la Ve République rapporté au nombre du corps électoral allant à George Pompidou, en 1969.
Ce calcul a bien entendu été réalisé en prenant en compte l’abstention et le vote nul. Ainsi, lors du second tour de ce dimanche 24 avril, c’est en réalité avec 38,52% des inscrits qu’Emmanuel Macron a été élu, obtenant 58,5% des suffrages. « Ce chiffre comptabilise ainsi l'abstention particulièrement haute de ce scrutin (28,01% des suffrages), ainsi que les votes blancs (4,57%) et nuls (1,62%), comme le mentionnait Jean-Luc Mélenchon » explique France Info.
Si, selon le même calcul, le président le mieux élu est Jacques Chirac en 2002, avec 62% des inscrits (il avait recueilli 82,21% des suffrages au second tour face à Jean-Marie Le Pen), le président le moins bien élu est donc Georges Pompidou en 1969. Face à Alain Poher, le président du Sénat qui avait assuré l’intérim à la suite de la démission de Charles de Gaulle, Georges Pompidou n’était élu qu’avec 37,51 % des inscrits (58,21% des suffrages), en raison d’une très forte abstention, plus de 30%, au second tour.
En 1969, les commentateurs avaient déjà perçu ce fort taux d’abstention. Le député communiste Roland Leroy, qui allait devenir directeur du journal L’Humanité en 1974, déclarait ainsi au micro de Georges Bernadac dans l'archive placée en tête d'article que Georges Pompidou était un président « mal élu ».
Blanc bonnet et bonnet blanc
Commençant par se réjouir du score élevé de l’abstention au second tour – « nous sommes plutôt satisfaits du résultat puisque des millions de Françaises et de Français ont refusé ce soir de choisir entre Pompidou et Poher, comme nous les en avions sollicités » – Roland Leroy justifiait cette attitude en expliquant que « pour nous [les communistes, NDLR], Pompidou et Poher étaient deux visages d’une même politique réactionnaire. Malheureusement, la gauche n’avait pas d’autre moyen de s’exprimer dans cette élection que de refuser de choisir entre Pompidou et Poher. C’est ce qu’elle a fait en grand nombre. C’est pourquoi nous nous en félicitons. »
En outre, Jacques Leroy reportait la responsabilité de l’absence de la gauche au second tour à la SFIO (l’ancêtre du PS) : « Je crois que la décision d’élire Pompidou président de la République a été prise à Alfortville [en mai 1969, NDLR] par le congrès du parti socialiste lorsqu’il a refusé nos propositions pour une candidature unique de la gauche reposant sur un programme commun à toutes les forces ouvrières et démocratiques. Lorsqu’il a décidé unilatéralement sans aucune consultation d’aucun autre parti de gauche de désigner son propre candidat, Gaston Deferre, à l’élection présidentielle. C’est ce jour-là par ce refus d’une candidature unique de la gauche qu’a été au fond décidée l’élection d’un candidat réactionnaire à la présidence de la République ».
Alain Poher et Georges Pompidou étant pour Jacques Leroy blanc bonnet et bonnet blanc, « deux visages d’une même réaction », la politique du Parti communiste français était donc de « refuser de laisser enfermer la France dans l’alternance stérilisante entre deux politiques réactionnaires qui est le fait de la politique américaine ». La politique américaine, comme repoussoir traditionnel du communisme français (et mondial), mais également une référence aux toutes récentes élections présidentielles américaines de 1968 qui avaient porté Richard Nixon à la Maison Blanche, avec 43,4 % des votes contre 42,7 % pour son rival, le démocrate H. Humphrey. Une élection marquée aussi par une très forte abstention.