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Les difficultés anciennes de la France à recycler le plastique

Les difficultés anciennes de la France à recycler le plastique

Les délégués de 175 pays réunis à Pusan (Corée du Sud) ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur un traité mondial qui mettrait fin à la pollution plastique. Entre intérêts divergents, manque de moyens et lobbying puissant, il a été impossible de s'entendre. La France est encore largement à la traîne du tri et du recyclage des plastiques. En 2010, un reportage dressait un état des lieux qui a peu évolué.

Par Florence Dartois - Publié le 26.11.2024 - Mis à jour le 03.12.2024
Le recyclage du plastique - 2010 - 02:46 - vidéo
 

L'ACTU.

Pusan (Corée du Sud) a accueilli du 25 novembre au 1er décembre 2024 un symposium sur la fin des plastiques dans le monde, mais les 175 délégués présents ne sont pas parvenus à un accord mondial acceptable pour chacun.

Les négociations avaient débuté en 2022 à la suite d'une résolution des Nations unies (zero draft). Trop complexe, le premier texte avait été simplifié avec une version de 31 articles sur une quinzaine de pages. C'est sur cette base moins ambitieuse qu'avaient commencé les négociations à Pusan. Parmi les points épineux, la réduction de la production de plastique. En effet, plusieurs positions s'opposent, d'un côté un groupe de 67 pays dont l'UE qui milite pour un projet de « haute ambition » qui couperait la production. De l'autre, les pays qui veulent cantonner l'accord à la gestion des déchets (pays producteurs de pétrole : Arabie saoudite, Russie, Iran ou encore le Brésil ou la Chine, 1er producteur de plastique). C'est d'ailleurs l'opposition de pays pétroliers comme la Russie, l'Arabie saoudite et l'Iran qui a bloqué la situation. De futures négociations devraient reprendre en 2025, car la situation est critique.

Pourtant l'enjeu est de taille, car la production mondiale de plastique a doublé en 20 ans. Pour 2024, elle devrait dépasser 500 millions de tonnes. Selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette production devrait atteindre le milliard de tonnes avant 2050.

Cette production exponentielle s'accompagne d'une explosion de déchets. De fait, depuis les années 1970, époque où la question du recyclage du plastique commençait (déjà) à émerger, peu de progrès ont été réalisés. Selon l'OCDE, au niveau mondial, 90% du plastique n'est pas recyclé. Près de la moitié est enfouie dans des décharges, 19 % est incinéré et le reste, environ 22%, se retrouve dans la nature.

LE CONTEXTE EN FRANCE.

Dans l'hexagone, l'usage du plastique s'est développé au tout début des années 1960. En France, on abandonne la consigne des contenants en verre.

Aujourd'hui, selon les études, entre 1,9 et 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques sont jetés chaque année en France. Le taux de recyclage des déchets plastiques atteint seulement 26 %. Le reste, 43 %, sert à la valorisation énergétique et 32 % termine encore enfoui dans des décharges.

Le reportage à découvrir en tête d'article, s'il date de 2010, décrit une situation qui a peu évolué. Il permet de suivre le recyclage du plastique de la collecte à son incinération ou à sa transformation... bien loin des côtes françaises.

L'ARCHIVE.

Cette archive de juillet 2010 diffusée dans le 19-20 de FR3 décrivait le parcours du plastique de nos contenants une fois jetés et en quoi consistait le tri sélectif. Direction le centre de tri de l'agglomération de Rouen. Les premières images montraient la quantité de plastique jeté par une famille de 3 personnes : 100 kilos par an et par habitant. Le commentaire dévoilait des chiffres presque toujours valables en 2024 : « Après utilisation, la moitié des plastiques atterrit tout simplement dans des décharges. Seuls les plastiques jetés dans la poubelle de recyclage arrivent dans ce type d'établissement. Résultat en France, seulement 21 % du plastique est recyclé. Et même ici, tout n'est pas réutilisé. »

Patrick Dupray, le président du Syndicat d'élimination des déchets de Rouen (SMEDAR), dressait un bilan sans appel de la faible quantité de plastique recyclable. Ainsi les bouteilles avec étiquettes plastifiées, les bouchons, les contenants de shampoing ou les bouteilles d'eau minérale colorées étaient recalées, « c'est un plastique différent qui ne trouve pas preneur dans les filières où on peut le revendre. »

La plupart de ces plastiques triés se retrouvaient donc dans les incinérateurs pour être brûlés (30 %), ils partaient en fumée ou servaient, dans le meilleur des cas, à fabriquer de l'énergie. Et ce commentaire étonnant : « la valorisation du plastique n'en est encore qu'à ses balbutiements. La France n'est pas encore dotée de toutes les infrastructures nécessaires. »

2018. «Recyclage : les difficultés du tri du plastique». Reportage consacré aux difficultés du tri du plastique en France, du problème de collecte jusqu'aux capacités de retraitement des déchets. « Recycler 100% des déchets plastiques en 2025. L'objectif du gouvernement est très ambitieux, quand on sait qu'en France 22% seulement le sont aujourd'hui. Ce qui est moins que la moyenne européenne qui est de 31%. Pourquoi sommes-nous en retard ? Est-ce un problème de collecte ou de capacité de retraitement » ?


 

Ce qui pouvait être recyclé allait entamer un long périple...

Le plastique recyclé en Asie

« Personne ne le sait, mais une partie de nos poubelles jaunes atterrit dans ce pays, dans la plus grande entreprise de recyclage de bouteilles... » Le plastique recyclable était envoyé en masse en Asie, précisément ici, dans le port de Chennai en Inde où il arrivait par containers entiers.

Un courtier en plastique accueillait les caméras françaises au milieu des milliers de linéaires de bouteilles colorées et compressées en blocs compacts en provenance d'Europe : « Certains [plastiques] viennent d'Allemagne, d'autres de France, d'Amérique ou du Moyen-Orient. Comme vous le voyez, ces plastiques venant de France, si vous regardez les étiquettes, vous reconnaîtrez sûrement les bouteilles que vous avez peut-être utilisées et jetées à la poubelle. Elles sont arrivées ici et elles seront recyclées en bouteilles, encore, ou en d'autres produits utilisables à nouveau. »

Étrange spectacle que ces bouteilles familières aux marques emblématiques, comme Vittel, Badoit ou Vichy, qui auront parcouru des milliers de kilomètres de jusqu'à cette usine indienne, faute d'infrastructures en France. Le commentaire expliquait que ces exportations augmentaient de 30 % par an.

Destination finale : les océans

Mais le reportage s'intéressait également au plastique qui échappait au tri et au recyclage. C'est dans la nature qu'on le retrouvait. Direction sur les bords de Seine, avec Laurent Colasse, président de SOS Mal de Seine, pour découvrir ce qui ressemblait à une décharge : un entrelacs de branchages et de bouteilles, à perte de vue. Et le militant d’expliquer défaitiste : « Ce n'est pas du tout une décharge. En fait, on pourrait le croire en arrivant ici, mais c'est simplement le fleuve qui a amené une accumulation de déchets depuis des années dans ces pièges naturels. Et il n'y a aucune habitation autour. C'est vraiment la Seine qui véhicule nos déchets jusqu'à la destination finale qu'est la mer. »

Le sujet montrait ensuite des images de ces millions de tonnes de bouteilles échouées dans les mers, les océans, « là où vont nos plastiques non récupérés ». La journaliste concluait sombrement : « Récemment, des scientifiques ont découvert des accumulations de déchets au centre de ces océans. 80 % des déchets sont en plastique. On en trouve jusqu'à 1000 mètres de profondeur. Et nous nous servons du plastique en masse depuis 60 ans seulement ! »

Pour aller plus loin :

En 2022, le 20 heures de France 2 diffusait un reportage sur la chaîne de tri sélectif du plastique alors que la France faisait figure de mauvais élève et venait de payer une forte pénalité à l'Union européenne. En cause : le manque de clarté des consignes de tri pour les ménages, le problème des règles changeantes selon les communes, et les problématiques entourant certains emballages en plastique.

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Selon l'OCDE, la quantité de plastique utilisée dans le monde devrait quasiment tripler entre 2019 et 2060. Soit, 1 231 millions de tonnes (Mt) pourraient ainsi submerger la planète en 2060, contre 460 en 2019. Le temps presse.

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