L'ACTU.
L'eau gazeuse Perrier vit-elle ses derniers jours ? Selon une enquête de la cellule investigation de Radio France et du journal Le Monde, l’autorité sanitaire s'inquiète de la qualité des ressources en eau exploitées sur le site de Perrier à Vergèze (Gard). Dans ce rapport révélé par les deux médias le 16 décembre 2024, il apparaît que l'inspection de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie s'inquiétait le 30 août, notamment d'un risque virologique, à cause du système de filtration de l'usine.
L'ARS évoque des « résultats inhabituels pour une eau minérale naturelle », une « instabilité des eaux », et des « déviations microbiologiques », entendez la présence de microorganismes, à l'exemple de germes fécaux. Le rapport pointe un possible « risque virologique » (adénovirus, norovirus, hépatite A) pour les consommateurs.
Dans ses conclusions, l'ARS invite la multinationale suisse Nestlé Waters, propriétaire de Perrier, à « s'interroger stratégiquement » sur un autre usage alimentaire possible de ses captages, « dans des conditions qui apporteraient des garanties de sécurité sanitaires, qui s'avèreront indispensables ».
Une enquête préliminaire pour tromperie avait été ouverte le 31 janvier 2024 par le parquet d’Épinal à l’encontre de Nestlé Waters pour soupçon de recours à des traitements illégaux pour purifier ses eaux minérales. L'enquête menée par le quotidien Le Monde et la cellule d'investigation de Radio France avait en effet révélé que Neslé Waters avait utilisé jusqu’à 2021 des méthodes d’assainissement de l’eau contraires aux réglementations en vigueur. En effet, une eau minérale dite naturelle et de haute qualité microbiologique ne nécessite par nature aucun traitement ni désinfection, contrairement à l’eau du robinet qui doit être désinfectée pour devenir potable. Tout traitement d'une eau minérale est donc hors du cadre règlementaire pour des eaux minérales.
Le groupe avait confirmé cette information le 29 janvier 2024 en précisant avoir eu recours à des traitements aux ultraviolets et à des filtres au charbon actif sur quatre eaux minérales vendues en bouteilles : Perrier, Vittel, Hépar et Contrex. Dans Les Échos, Muriel Lienau, la présidente de Nestlé France, déclarait alors : « Il y a eu des erreurs, conduisant à des enjeux de conformité. Tout en garantissant la sécurité alimentaire, nous avons utilisé des mesures de protection qui n’étaient pas en ligne avec le cadre réglementaire ou avec son interprétation ».
Dans leur rapport rendu public le 16 décembre, les inspecteurs précisent d’ailleurs que les microfiltres - non réglementaires - utilisés par Nestlé « n’ont pas d'effet de rétention sur les virus ».
L'avenir de Perrier, de l'usine de Vergèze et de ses emplois, dépend désormais de la décision de la préfecture du Gard qui devrait se prononcer sur la demande de renouvellement d’autorisation d’exploitation de la source. Une décision qui pourrait intervenir au premier trimestre 2025.
LES ARCHIVES.
L'eau gazeuse Perrier a déjà connu une grave crise en 1990, avec une contamination au benzène. La direction avait joué la transparence comme le montre les archives à découvrir dans cet article.
« Pour quelques traces de benzène dans quelques bouteilles, Perrier décide donc de tout stopper ». En février 1990, l'alerte était venue des États-Unis où un laboratoire avait trouvé des traces de benzène, un gaz cancérigène, dans des bouteilles de Perrier. Sous la pression américaine, le président du groupe, Gustave Leven, n'avait pas eu d'autre choix que de retirer la production des rayons, soit 280 millions de bouteilles dans le monde, dont 160 millions rien qu'aux États-Unis. L'opération avait coûté environ 1 milliard de francs.
Le 14 février 1990, le groupe organisait une conférence de presse pour annoncer la mesure. Conférence où le PDG reconnaissait les faits sur un ton détendu, faisant (presque de l'humour) : « Comme vous le savez, "Perrier c'est fou", c'est notre publicité en France. Mais si c'est fou, nous avons décidé de retirer l'ensemble des bouteilles, sur l'ensemble des marchés, dans le monde entier ». Il achevait sa déclaration en buvant une bouteille d'eau gazéifiée devant les objectifs pour prouver qu'il n'y avait aucun danger à la consommer. Son coup de com' ressemblait à un coup de pub ! Cette archive étonnante est disponible en tête d'article.
Une autre scène abstraite allait se dérouler le même soir dans le 19-20 de FR3. À la fin de son interview, Claude Evin, ministre de la Santé, acceptait de boire un verre de Perrier servi par Paul Amar. Nouveau coup de pub bienvenu pour la marque.
Claude Evin boit un verre de Perrier
1990 - 00:40 - vidéo
À la source du scandale
Entre méfiance et indifférence des consommateurs interrogés dans le micro-trottoir ci-dessous, les bouteilles allaient rapidement être retirées des rayonnages en France. Des examens furent immédiatement menés à la source de Vergèze dans le Gard, à 15 kilomètres de Nîmes, par l'Institut d'hydrologie de Clermont-Ferrand. Dans l'archive suivante, Denise Pépin, sa directrice, donnait les résultats des tests. Et contre toute attente, elle annonçait que le benzène ne se trouvait pas dans la source, mais était « vraisemblablement » la conséquence d'un problème de filtrage.
Benzène trouvé dans de l'eau Perrier
1990 - 03:06 - vidéo
L'enquête mène à une erreur humaine
Une erreur humaine était donc à l'origine de la polémique. En effet, à l'entrée des chaînes d'embouteillages, un filtre était chargé d'arrêter les impuretés contenues dans le dioxyde de carbone de la source. Il devait être remplacé tous les six à huit mois, ce qui n'avait pas été fait, laissant passer le benzène dans le produit fini.
Traces de benzène dans l'eau Perrier : enquête à la source
1990 - 02:03 - vidéo
Cette crise ne fut pas sans conséquences. Les ventes de la marque s'effondrèrent et le chiffre d'affaires de Perrier ne retrouva son niveau de 1989 qu'en 2013.