L'ANNIVERSAIRE.
Nina Simone s'est éteinte en France, le 21 avril 2003. Elle avait 70 ans. Descendante d'anciens esclaves, elle était née le 21 février 1933 en Caroline du Nord. Eunice Kathleen Waymon, son vrai nom, montre très jeune de grandes dispositions pour le piano et allait susciter l'émotion dans sa congrégation. Persuadée de son talent, son église va proposer de lui payer une année de cours. La petite fille restera finalement six ans aux côtés de son professeur Muriel Massinovitch, «Miss Mazzy» ou sa «mère blanche» comme elle l'appelait.
Née dans un pays où la ségrégation séparait les Blancs des Noirs, la fillette va connaître très tôt le sens concret de ce terme : les interdictions, les humiliations et la violence. Bien que major de sa promotion au lycée et diplômée de la prestigieuse école de musique Julliard de New York, on lui refusera l'accès à l'Institut Curtis de Philadelphie qui lui aurait ouvert les portes d'une carrière de concertiste. C'était son ambition à l'époque. Sa couleur de peau allait devenir un obstacle.
Le public découvrira sa voix, à la fin des années 50, lorsqu'elle commencera à enregistrer. Son tube-reprise d'un opéra de Georges Gershwin I love you Porgy lui ouvrira la route de la célébrité. Nina Simone va profiter de sa notoriété pour porter le combat de la lutte antiségrégationniste en interprétant des chansons contestataires dénonçant l'exclusion, telles que Old Jim crow ou Mississipi Goddam ou Young, gifted and black...
Chanteuse inclassable, l'artiste va porter sa musique partout dans le monde, du jazz à la soul, en passant par le gospel, le folk, la pop, le R'n'B et les comédies musicales, son style ne se cantonnera pas au simple jazz, comme elle le racontait à Eve Ruggieri en 1991 dans l'émission « Musique au cœur » à visionner ci-dessous. L'occasion pour elle de revenir sur son combat pour l'égalité des droits, mais aussi ses profonds regrets de ne pas avoir été la première pianiste classique noire comme elle en rêvait.
LA CHANSON.
Pour lui rendre hommage, nous avons choisi une chanson particulière de son répertoire, une reprise de l'un des plus grands succès de Jacques Brel, Ne me quitte pas. Dans l'interview à découvrir ci-dessous, Nina Simone raconte à Thierry Ardisson comment elle découvrit cette chanson, pourquoi elle décida de la chanter en français, alors qu'elle ne le comprenait pas. Elle confie ici, qu'au-delà du sens, c'était l'émotion émanant de la chanson qui l'avait touchée : « Quand j’ai entendu "Ne me quitte pas", je me suis mise à pleurer ». Elle dévoile également les coulisses de l'enregistrement et sa difficulté à prononcer certains mots comme « loi », « roi » ou « creuserai ».
« Brel, c'était un homme extraordinaire, un grand bonhomme »
Dans cette interview touchante de 1988, Nina Simone confie pleurer lorsqu'elle évoque l'artiste belge. Elle décrit les sentiments qu'elle ressentait pour Jacques Brel, qu'elle n'avait pourtant rencontré qu'une seule fois. Elle livre aussi les sentiments qu'elle éprouva à l'annonce de la mort de l'artiste, le 9 octobre 1978. Elle exprime le grand vide qui la submergea alors et ce désespoir à devoir vivre dans un monde où Jacques Brel n'existait plus : « Je n’oublierai jamais ce jour-là… j’étais à Genève, j’ai eu un choc et je me suis dit : je ne vais pas tenir longtemps, si Jacques Brel est mort, je ne tiendrais pas longtemps dans ce monde-là. »
Nina Simone à propos de Jacques Brel
1988 - 13:04 - vidéo
Cette interview accordée à Thierry Ardisson permet de saisir l'intensité émotionnelle qui transparaît dans l'interprétation que nous vous proposons de découvrir en tête d'article. Nina Simone était l'invitée de l'émission « A la manière 2 », le 18 décembre 1971.