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Portrait d'un métier disparu : le passeur du Mont Saint-Michel

Portrait d'un métier disparu : le passeur du Mont Saint-Michel

Vendredi 31 mars, le Mont Saint-Michel a vu passer la flamme olympique. Si désormais, il est simple de rendre sur l'îlot, autrefois, pour le rejoindre, on faisait confiance au passeur, celui qui connaissait la baie mieux que personne.

Par Florence Dartois - Publié le 31.05.2023 - Mis à jour le 31.05.2024
Le passeur du Mont-Saint-Michel - 1976 - 13:39 - vidéo
 

LE MÉTIER DISPARU.

Pour rejoindre le Mont-Saint-Michel, le plus simple est d'emprunter la navette réversible motorisée appelée « le Passeur ». Autrefois ce nom était réservé à des hommes qui connaissaient la baie mieux que personne. On les appelait aussi les « guides des grèves ». Chaque jour, ils emmenaient les touristes à pied, à travers la baie, jusqu'au Mont-Saint-Michel. En 1976, l'un des derniers passeurs avait raconté son quotidien au magazine « Caractères » de FR3. C'est ce reportage que nous vous proposons de découvrir en tête d'article.

L'ARCHIVE.

Depuis plusieurs décennies, Jean-Marie Jugan guettait les imprudents à l'aide de ses jumelles pour leur éviter d'être emportés par les courants, ou pire, de s'enfoncer dans les nombreux sables mouvants qui se formaient quand la mer descendait. C'est avec passion et beaucoup d'humour qu'il racontait son quotidien et évoquait le passé, son amour de la baie, les dangers qu'elle recelait.

Chaque jour, l'enfant de la baie guidait ceux qui le lui demandaient sur un itinéraire bien délimité : Cap d'Andaine - Mont-Saint-Michel via Tombelaine. Un circuit de 7 kilomètres.

L'homme au teint buriné était né dans un petit village en bord de baie. Il s'était d'abord engagé dans la marine marchande pour s'éloigner, « j'en avais marre de rester là, comme tous les jeunes », racontait-il. Et puis, il s'était marié, avait été blessé à la guerre, et était revenu dans sa baie, la plus belle au monde, pour ne plus la quitter. Il avait remplacé l'ancien guide qui menait encore les voitures à chevaux qui transportaient les estivants depuis le village de Genêts. Il précisait qu'il pouvait guider jusqu'à sept voitures par traversée, augmentant le nombre de chevaux lorsque la marée était dangereuse. Des cartes postales d'époque illustrent son propos.

Depuis le Bec d'Andaine, Jean-Marie Jugan passait une grande partie de sa journée à admirer l'ensemble de la baie et les différentes localités visibles depuis ce point d'observation. La caméra montrait de belles images de cette immensité bleue et brumeuse. C'est là qu'il « attendait le client » en tenue, « en short de préférence ». Le parcours qu'il connaissait par cœur allait « jusqu'à la rivière, en évitant les sables mouvants ».

Le danger des sables mouvants

Ils existaient, même s'il y en avait moins qu'on voulait bien le dire. Ces sables mouvants se formaient essentiellement vers les rivières, lorsque la mer se retirait. « C'est exactement comme si vous marchiez sur un sommier », expliquait-il, entraînant le reporter vers l'un d'eux. C'est « une couche d'air et d'eau », précisait-il en piétinant joyeusement dans la marre mouvante. Sans doute un peu trop, car le guide téméraire commençait à s'enfoncer, obligé de demander de l'aide au journaliste pour l'extraire de ce mauvais pas : « il est temps que je me tire, je suis en bottes », déclarait-il englué dans cette marre inquiétante.

Après cette frayeur, le passeur espiègle évoquait les corps, des troncs et des têtes, que la mer avait rendu 3 ou 4 ans après leur disparition. Sous la baie se trouvaient encore des bateaux, et peut-être même des trésors, mais le sable rendait tout.

Jean-Marie Jugan évoquait ensuite la légende selon laquelle la mer remontait à la vitesse d'un cheval au galop, il expliquait que dans la baie, ce n'était pas aussi simple et que la vitesse variait en fonction du relief des fonds. En tout état de cause, lorsque la mer montait, il ne fallait pas être dans la baie : « ceux qui sont pris, qui sont seuls, c'est un vilain sort qu'ils ont. C'est terrible de mourir noyé. », concluait-il plus gravement.

L'île au trésor

Lors de son parcours, le guide faisait une halte à Tombelaine, un pic rocheux situé dans la baie. L'occasion de laisser les touristes grimper pour admirer le paysage et le chemin parcouru. C'était aussi pour lui le moment de leur raconter l'histoire de la baie et d'une époque où il y avait encore une fortification anglaise. Les Anglais avaient longtemps espéré conquérir le Mont-Saint-Michel, sans jamais y parvenir. L'îlot avait ensuite appartenu à une marquise et avait été habité par le « marquis de Tombelaine », un Hermite. Pour Jean-Marie, Tombelaine, c’était aussi des souvenirs d'enfance et sa quête d'un trésor caché qu'il ne trouva jamais, mais qui enflammait toujours son imagination.

Dans les pas de Serge Neveux

Pour continuer le voyage, découvrez ci-dessous le portrait d'un autre passeur, Serge Neveux, un enfant du pays que le magazine « Thalassa » avait rencontré en 1977. Il connaissait chacun des recoins et des caprices de la baie. Pas de cours, pas d'école, le savoir des guides se transmettait oralement. Une profession qui disparaîtrait progressivement avec la construction de la digue. A l'époque, il représentait un gage de sécurité dans la baie.

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