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«L'insoutenable légèreté de l'être», le roman d'une vie pour Milan Kundera

«L'insoutenable légèreté de l'être», le roman d'une vie pour Milan Kundera

Décédé mardi 11 juillet 2023, Milan Kundera laisse derrière lui une œuvre littéraire très prolifique. Depuis sa mort, près de 100 000 exemplaires de ses ouvrages se sont vendus en librairie où l'on s'arrache l'auteur, notamment son best-seller «L'insoutenable légèreté de l'être», sorti en 1984. À l'époque de sa parution, le livre avait fait sensation.

Par Florence Dartois - Publié le 28.07.2023
 

L'ACTU.

L’écrivain franco-tchèque Milan Kundera décédé le 11 juillet 2023 à l’âge de 94 ans est l'un des rares auteurs à être entré dans la prestigieuse collection de la Pléiade de son vivant. Il laisse derrière lui plusieurs chefs-d’œuvre, dont L’insoutenable légèreté de l’être, sorti en 1984. Une ode à l'amour et à la liberté, tout autant qu'une analyse des ressorts des États totalitaires. En 1988, ce roman a aussi été adapté au cinéma par l'Américain Philip Kaufman, avec Juliette Binoche et Daniel Day Lewis.

À sa parution, l'ouvrage fit sensation et enthousiasma aussi bien la critique que le public. Ce succès vient de rejaillir avec la disparition de l'écrivain, puisque depuis l'annonce de son décès, près de 100 000 ouvrages se sont vendus en librairie, notamment L’insoutenable légèreté de l’être. Nous vous proposons de découvrir cette œuvre à travers quelques archives radio. La première à écouter en tête d'article est extraite du célèbre magazine « Le Masque et la Plume » diffusé chaque dimanche soir sur France Inter.

L'ARCHIVE.

L’insoutenable légèreté de l’être, un titre magnifique pour une sortie événementielle de ce début d'année 1984. Comme à chaque parution de livre, les critiques littéraires de l'émission de France Inter « Le Masque et la Plume » s'étaient penchés sur ce gros roman de Milan Kundera sorti chez Gallimard.

L'émission en public était présentée ce jour-là par Pierre Bouteiller, autour de lui les critiques Jean-Jacques Brochier, Jean-Didier Wolfromm, Jean-François Josselin et Bertrand Poirot-Delpech.

L'auteur avait été reçu quelques jours plus tôt par Bernard Pivot dans « Apostrophes » et sa prestation avait marqué les esprits. Les critiques s'interrogeaient sur la nature de cet événement. Bertrand Poirot-Delpech posant la question du pourquoi de ce brusque succès de Kundera.

Jean-Didier Wolfromm analysait ainsi ce succès sur le fait qu'il parle de la dissidence : « Mais, ce n'est pas uniquement le sujet du livre, je trouve que c'est un événement parce que c'est un livre qui, évidemment, charrie à la fois une histoire personnelle et sentimentale et en même temps une histoire du monde. L'histoire elle-même qui rentre dans cette histoire, l'autre histoire (...) C'est en fait, à la fois, beaucoup de tragique, beaucoup de désespoir, beaucoup d’intelligence, mais aussi une sorte de gaieté qu'il y a dedans, une sorte de farce. Et je trouve qu'on avait depuis longtemps cherché cette sorte d'alliance entre quelqu'un qui dit : "Je fais un grand livre", parce que j'imagine qu'il s'est dit qu'il faisait un grand livre, et en même temps, cette sorte de spontanéité de la littérature avec son côté kafkaïen. Kafka, c'est drôle aussi, finalement, c'est drôle et tragique. Kundera, c'est drôle et tragique. Et cette histoire de ce Don Juan qui est en même temps en proie aux séductions des femmes et qui est en proie aux séductions de la politique telle qu'elle se passe dans son pays. Et quand je dis "en proie", c'est qu'il en est victime. Je trouve que c'est tout à fait formidable qu'il y ait une grande leçon de littérature là-dedans ».

Il expliquait ensuite qu'il avait commencé la lecture de manière réticente, à cause de son titre très beau, mais « trop dur », il poursuivait, « mais je dois dire, que dès le début, je me suis aperçu que ce n'était pas du tout quelque chose de pompeux ni de philosophique. C'était quelque chose de totalement humain et, en plus, c'est la littérature au service des sentiments. Je trouve ça très beau. »

Plus tard, Poirot-Delpech revenait sur l'intrigue romanesque : « Ce sont deux couples de Pragois qui sont en butte à l'invasion russe de 1968, qui ensuite à des tracasseries et à des ruses policières. Certains s'exilent, pas d'autres. Ils se rejoignent dans l'émigration et ils ont à réfléchir à la fois sur leurs amours compliqués, leur polygamie que pleine de crises. Et puis, à réfléchir sur ce qui leur est arrivé, c'est-à-dire d'une part, la mainmise de l'U.R.S.S. sur leur pays, sur leur culture, et puis, ce qui est ce qui a été de leur responsabilité dans cette affaire. Et là, il y a une espèce de Bouvard et Pécuchet, en fait de naïveté, de, je dirais aussi, la façon dont Godard fait tout d'un coup, fait lire un livre en au milieu d'une histoire. Il y a le même mélange, assez subtil et parfois un peu bizarre de réflexions sur l'histoire récente et de réflexion sur ces personnages. Car il est là, derrière. Il montre comment son histoire progresse et y joue dans la grande tradition depuis les "Faux monnayeurs", à nous montrer les ficelles et à nous montrer que nous sommes quand même pris par la vraisemblance, par le récit lui-même ».

Pessimisme politique et bonheur privé

Dans cette réflexion politique, le critique avait été intéressé par sa réflexion sur la fin « du mythe de l'histoire (...), la grande marche vers plus de fraternité ». Ce qu'il appelait le « kitch totalitaire », il restait un « scepticisme sombre sauvé par les amours personnelles, par l'aveu, par la vie privée, par le bonheur privé ». Un roman très pessimiste sur le plan de la pensée politique et assez optimiste sur le plan du bonheur privé.

Il évoquait ensuite les réflexions politiques qui l'avaient intéressées dans l'ouvrage concernant les responsables tchèques et toutes les démocraties populaires bien pensantes. « Il dit donc il y a une culpabilité de ne pas savoir et un devoir de savoir ». Il terminait sur le style d'écriture de Kundera : « Je trouve que c'est un style très coulant, limpide, d'une grande tenue et toujours drôle. Il y a une espèce d'humour qui, moi, me plaît énormément, notamment dans le maniement des idées et dans la façon abrupte, tout d'un coup, de nous faire sentir un personnage. Une psychologie assez névrosée, notamment du personnage de Teresa qui me paraît le plus le mieux venu ».

Nous vous laissons écouter la suite de ce débat passionnant pour retrouver l'auteur lui-même, toujours à la radio, évoquer justement son style et son écriture.

Étude de texte par Milan Kundera

Quoi de mieux qu'une étude de texte à travers la voix de l'auteur lui-même, avec quelques extraits d'un entretien accordé par Milan Kundera à Pierre Sipriot pour le magazine de France Culture « Un livre, des voix », en janvier 1984, au moment de la parution de son livre.

Dans ce premier extrait, il est justement question des personnages et de la construction du récit et de la structure complexe de son écriture.

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