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Michel Jazy, un champion tranquille qui pouvait fumer après une course

Michel Jazy, un champion tranquille qui pouvait fumer après une course

Michel Jazy, l'un des plus grands athlètes des années 60, est mort à l'âge de 87 ans. Il a notamment établi neuf records du monde, une performance française toujours inégalée. Adulé autant que décrié après avoir raté un titre aux Jeux olympiques de Tokyo, il avait pensé tout quitter. Un an après son échec, le champion avait accepté de se confier à la télé. Une interview intime et douce-amère qui témoigne d'une grande force de caractère.

Par Florence Dartois - Publié le 01.02.2024 - Mis à jour le 02.02.2024
La joie de courir - 1965 - 15:08 - vidéo
 

PORTRAIT.

Michel Jazy fut l'un des plus grands athlètes des années 1960 avec 9 records du monde et 17 records d'Europe. Très médiatisé et populaire, il passionna les Français. Né dans le Nord le 13 juin 1936, rien ne le prédisposait à devenir un sportif de haut niveau. Typographe au journal L'Équipe, il commence à courir un peu par hasard, cumulant entraînement sportif et vie professionnelle. Le jeune homme plutôt doué se révèle lors des Jeux olympiques de Rome en 1960 où il obtient la médaille d'argent du 1500 mètres. Poursuivant son ascension, celui que l'on surnomme le « zèbre des corons » devient champion d'Europe du 1500 mètres en 1962 et établit son premier record du monde sur 2000 mètres, avant de battre celui du 3000 mètres.

Portrait de l'athlète français Michel Jazy, recordman du monde du 3000 mètres qui exerce dans la vie de tous les jours le métier de typographe. On le découvre notamment en famille, avec sa femme et son fils. Images de sa course sur le stade de Saint-Maur au cours de laquelle il a pulvérisé le record du monde du 3000 mètres en 7 m 49 sec 2/10e contre 7 m 52 sec 8/10e au longiligne Britannique Gordon Pirie.
 

L'heure est à la célébrité et aux honneurs, une époque bénie qu'il évoquait encore avec fierté dans une interview accordée à France info en 2019 : « La plus belle époque que j'ai vécue, c'est dans les années 60, où il y avait la gloire du maillot et la fierté de battre des records du monde ».

Mais tout change avec les Jeux olympiques de Tokyo en 1964. Favori du 5000 mètres, Jazy démarre trop tôt son sprint, s'épuise pour terminer à la quatrième place. Le podium lui échappe et les critiques fusent dans la presse. Une blessure qu'il évoquait encore en 2019 : « Oui... J'aurais aimé être champion olympique. Mais ce n'est pas grave : j'ai eu la reconnaissance du public français. »

Cette déception a bien failli mettre un terme à sa carrière. À 28 ans, le champion déçu songe à tout abandonner. Malgré sa déception, Michel Jazy poursuit l'entraînement et retrouve les pistes en 1965. Sa persévérance est payante puisqu'il bat quatre records du monde. Après l'humiliation, c'est la consécration.

En 1966, il devient champion d'Europe du 5000 mètres et médaille d’argent sur 1500 mètres à Budapest. Cette même année, en octobre, Michel Jazy fait ses adieux à la compétition (en même temps que le chanteur Jacques Brel) avec un dernier succès à Saint-Maur, en améliorant le record du monde du 2000 mètres.

L'ARCHIVE.

Le 22 juillet 1965, auréolé de son nouveau titre de champion d'Europe du 5000 mètres gagné à Helsinki, Michel Jazy accepte d'évoquer sa carrière, la notoriété et la manière dont il avait vécu l'acharnement médiatique après son échec de Tokyo. Pendant tout un mois, le magazine télévisé « Les coulisses de l'exploit » l'avait suivi de Melun à Helsinki, jusqu'à Marmande, mais c'est à Berne, qu'il acceptait de se confier intimement.

Depuis quelque temps, il était devenu une gloire nationale adulée. Cette notoriété l'ennuyait, confiait-il, car il ne pouvait plus vivre normalement. Dans cette interview, Michel Jazy évoquait par allusions successives sa relation compliquée à la presse qui n'avait pas été tendre avec lui après sa défaite. Si son retour triomphal en une des journaux lui procurait « une petite revanche », précisait-il, ses propos trahissaient une blessure d'amour-propre encore vive.

Un exemple pour les jeunes

Le sportif confiait qu'après son retour de Tokyo, il avait sérieusement pensé à tout quitter. Sans le soutien de ses fans, il aurait tout abandonné. C'est le courrier du public qui l'en avait dissuadé, notamment les lettres des enfants : « Un gosse, il ne faut pas le décevoir », soufflait-il, ému. Il avouait que le soutien des gamins avait été un véritable carburant pour lui, précisant qu'il était conscient d'être un exemple pour eux, comme Jules Ladoumègue, autre grand sportif, (1906-1973, coureur de fond), l'avait été pour lui.

Chez lui, Michel Jazy reçoit des jeunes téléspectateurs venus lui apporter les nombreuses lettres parvenues pour le soutenir. Le champion découvre d'énormes sacs de courrier ! Les petits lui ont envoyé des médailles et des bonbons...
 

L'entretien s'achevait sur quelques digressions concernant ses loisirs, la lecture (ou plutôt son absence de lecture), son admiration pour de Gaulle, son caractère soupe au lait et sa nervosité : « Je suis nerveux et coléreux (…) quand je suis en forme, un rien me défrise », ironisait-il avec franchise, avant de dévoiler un fait surprenant : « Après une course, je suis détendu, je fume une ou deux cigarettes si ça me fait plaisir ».

Décidément ce champion atypique ne faisait rien comme les autres. À la retraite, Michel Jazy s'était retiré dans le sud-ouest, à Hossegor, où il prenait le temps de lire L’Équipe, sa « Bible », plaisantait-il en 2019, pas rancunier avec la presse.

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