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Mario Vargas Llosa : «La littérature, les hommes ne pourraient pas vivre sans»

Mario Vargas Llosa : «La littérature, les hommes ne pourraient pas vivre sans»

Le prix Nobel de langue espagnole entre à l'Académie française. Bercé par la littérature hexagonale, l'auteur péruvien naturalisé espagnol aime lui rendre hommage comme ce fut le cas dans cette interview de 1989.

Par Florence Dartois - Publié le 25.11.2021 - Mis à jour le 09.02.2023
Mario Vargas Llosa et la littérature - 1989 - 06:27 - vidéo
 

L'écrivain Mario Vargas Llosa est devenu un Immortel de l'Académie française. A 85 ans, l'auteur péruvien naturalisé espagnol était l'un des grands favoris de l'élection pour le remplacement du siège de Michel Serres disparu en juin 2019. Jeudi 25 novembre 2021, il a été élu au premier tour de scrutin par 18 voix. Auteur couronné du prix Nobel de littérature en langue espagnole en 2010, cet écrivain prolifique et engagé est aussi un grand amoureux de la littérature française.

Dans l'archive en tête d'article, il décrit l'importance de la littérature et l'influence de quelques auteurs français sur sa vie. Dans le magazine «Océaniques», le 19 juin 1989, Mario Vargas Llosa évoquait ce que devait représenter la littérature à ses yeux. Commençant par décrire le processus d'écriture, il remarquait qu'il était intriguant de s'apercevoir qu'il y avait toujours une part d'inconscient qui échappait à l'auteur. Il constatait  : «Il y a toujours des récurrences, des constances qui réapparaissent, parce que très sûrement, elles proviennent d'un centre très vital qui est obscur pour votre intelligence, votre raison».

En tant que lecteur, la littérature lui apparaissait en premier lieu comme une façon d'expérimenter : «Un livre permet de se démultiplier, de voyager à travers le temps et l'histoire». Utilisant la notion de «compensation», il ajoutait : «Elle donne la possibilité d'avoir des vies que nous n'avons pas dans la réalité».

Un outil de transformation

La littérature possédait en outre le pouvoir de transformer. C'est ce rôle qu'avait joué pour lui l'œuvre de Gustave Flaubert. Se référant à Madame Bovary ou Les illusions perdues qu'il aimait profondément, il avouait qu'humainement il aurait été «pire» s'il ne les avait pas lus. Il ajoutait : «Les hommes ne pourraient pas vivre sans ça». Mario Vargas Llosa constatait que presque toutes les cultures possédaient leur littérature, et qu'il y en avait très peu, à part les «fanatiques» qui étaient parvenues à «éradiquer cet appétit de fiction».

Selon lui, les limites de la littérature apparaissaient lorsqu'on essayait de lui donner une efficacité politique ou sociale immédiate. Se référant à Jean-Paul Sartre, qui avait déclaré que «devant un garçon africain qui meurt de faim, La Nausée ne fait pas le poids», il reconnaissait comprendre qu'un auteur africain puisse abandonner la plume pour faire la révolution. Mais selon lui, l'importance de la littérature pouvait au moins aider les gens à vivre. Ce qui, à ses yeux, demeurait le but ultime d'une oeuvre littéraire.

L'influence de la France

La France et Paris ont joué un grand rôle dans sa manière d'écrire et dans sa formation d'auteur. En 1965, il évoquait le lien particulier l'unissant avec le pays. Il raconte ici comment est né son intérêt personnel pour la littérature française, durant l'enfance, alors qu'il lisait Alexandre Dumas. Un goût qui allait s'affirmer à son entrée à l'université avec la découverte de Jean-Paul Sartre. Selon lui, la littérature latino-américaine est devenue américaine à Paris, quand les auteurs modernistes exilés ont pris conscience de leur américanité.

Mario Vargas Llosa et la France
1965 - 01:03 - vidéo

"Paris est un mythe pour tous les Latino-américains, surtout pour les écrivains. La littérature française a eu beaucoup d'influence chez nous, dans mon cas personnel surtout".

Biographie expresse

Mario Vargas Llosa, né au Pérou en 1936, a été naturalisé espagnol. Il est l'auteur de nombreux romans et essais politiques et a reçu le prix Nobel de littérature en 2010 "pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte et de son échec" selon l'académie suédoise. La même année, il est titré marquis de Vargas Llosa par le roi d'Espagne, Juan Carlos. En 2016, il devient le premier auteur de langue étrangère à entrer de son vivant dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Ecrivain engagé, il s'est installé à Paris en 1959 avec sa première épouse. A l'époque, il espérait recevoir une bourse pour y poursuivre ses études. Sa demande sera rejetée mais il restera et deviendra peu après professeur d'espagnol, puis journaliste pour l'Agence France-Presse et la télévision. Passionné de littérature française, il commence à écrire ne cachant pas l'influence de certains auteurs français tels Balzac ou Flaubert dans ses ouvrages. Tout en continuant sa carrière d'écrivain, il vivra ensuite à Londres et Barcelone.

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