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À la découverte de la manufacture Maugein, dernier fabricant artisanal d'accordéons

À la découverte de la manufacture Maugein, dernier fabricant artisanal d'accordéons

La manufacture d'accordéons Maugein de Tulle en Corrèze a été placée en liquidation judiciaire le 27 septembre 2024. C'était la dernière entreprise française à fabriquer le «piano à bretelles». Les archives témoignent du savoir-faire précieux d'un instrument populaire par excellence.

Par Florence Dartois - Publié le 01.10.2024
Inauguration de la nouvelle usine Maugein - 1984 - 00:00 - vidéo
 

L'ACTU.

La nouvelle est tombée le vendredi 27 septembre 2024 : la manufacture Maugein, sise à Tulle en Corrèze depuis 1919, a été placée en liquidation judiciaire par une décision du tribunal de commerce de Brive. Victime de la concurrence du marché chinois, l'entreprise Maugein était le plus vieux fabricant d'accordéons français.

UNE HISTOIRE DE FAMILLE.

Créée en 1919 par Jean Maugein, l'usine de munitions reconvertie en fabrique d'accordéons était devenue un acteur majeur de l'industrie locale, employant jusqu'à 290 salariés dans les années 1950.

Fabrication d'un accordéon
1975 - 00:00 - vidéo

Images de la fabrication d'un accordéon en 1975.

En perte de vitesse à partir des années 1960, elle avait été reprise en 1981 par un membre de la famille, René Lachèze. À l'époque, il avait modernisé les locaux qui dataient de 1937, les installant dans la ZAC de Millatet, aux portes de Tulle. Le déménagement dans des locaux plus vastes, avec des machines neuves, avait permis la modernisation de la fabrication des pianos à bretelles. L'affaire familiale était sauvée... pour un temps. « Si nous voulons survivre, c’est une nécessité absolue que de rechercher une nouvelle implantation », expliquait-il à FR3 Limousin en 1983, reprochant aux médias de ne pas laisser plus de place à l'accordéon dans ses programmes.

L'ARCHIVE.

En novembre 1984, le JT régional de FR3 Limousin s'était rendu dans les locaux flambant neufs de la manufacture. C'est l'archive à regarder en tête d'article. Elle nous dévoile les nouveaux locaux plus spacieux et des machines modernisées, notamment au niveau de l’ébénisterie. Mais cette évolution ne changeait pas la méthode de travail, promettait René Lachèze : « nous restons des artisans ». Le PDG s'affichait confiant s'appuyant sur un nouvel essor de l’accordéon depuis 1975, avec un regain d'intérêt chez les jeunes, l'augmentation des concours.

1975. Un cours d'accordéon chez Aimé Granet, un professeur de musique à Saint-Julien dans la Haute-Vienne. Il prépare ses élèves Agnès et Florence à un concours. Puis images du concours. Ensuite, Jean Ségurel et Marcel Azzola évoquent l'enseignement et la transmission de l'accordéon qui connait un regain.

70 ans de savoir faire

Malgré l'émergence des « musiques synthétiques », « il y a la place pour les deux (…) Il ne faut pas les opposer », concluait-il, confiant. En septembre 1989, pour les 70 ans de l'entreprise, René Lachèze ouvrait les portes des ateliers. Les frères Maugein étaient désormais les seuls fabricants en France à concevoir des accordéons sur mesure. Il fallait 110 heures pour fabriquer un instrument. Quarante personnes y travaillaient alors.

Savoir-faire et innovation étaient les mots d'ordre de l'entreprise, à l'image de ce synthétiseur avec « soufflet caché ». Il était question d'évoluer avec son temps. L'atelier venait d'achever un prototype d’accordéon de concert, adapté aux nouvelles générations, plus léger et compact et moins fatiguant à porter. Une archive à découvrir ci-dessous.

Fabrication d'accordéons
1989 - 02:14 - vidéo

« Vous pouvez tout leur demander : une forme, un décor, une sonorité particulière ».

Le pays de l'accordéon
1975 - 00:00 - vidéo

Les plus grands accordéonistes sont venus à Tulle pour commander leur instrument unique. À l'image de Jean Ségurel en 1975, qui passait commande d'un accordéon à la fabrique Maugein : « Avec un basson puissant, des boutons noirs et dorés sur le clavier, 80 basses au lieu de 100… ».

Un patrimoine vivant

En 1994, la manufacture Maugein avait toujours pignon sur rue, elle produisait 70 à 80 accordéons par mois. On mettait toujours une centaine d'heures à le fabriquer et un accordéon pouvait comporter entre 5 à 6 000 pièces en fonction de sa taille. Le reportage ci-dessous présente les différentes pièces d'un accordéon à travers les métiers artisanaux de l'entreprise, allant du monteur de hanches, du monteur de basses, de la souffleteuse ou de l'accordeur.

« Les lamelles rivées sur les châssis sont accordées une première fois, les cuirs qui assurent l’étanchéité sont posés et les musiques peuvent alors être clouées sur le sommier. Pendant ce temps, il faut assembler toute la tringlerie, à savoir les tiges et les ressorts qui, du bouton à la soupape, commanderont – ou non - l’air sur chaque lamelle. » Parole d'accordeur : « Reste à accorder en fonction des goûts du client : plus on lime la lame pour faire monter le son, plus on s’oriente vers un timbre musette ».

Résister à la concurrence asiatique

En 2012, les employés n'étaient plus que vingt-et-un, ils fabriquaient encore 600 accordéons par an et la région envisageait de reprendre la manufacture pour la transformer en coopérative, avec à sa tête les salariés et les collectivités locales. Cette formule devait permettre de sauver le site alors que la majorité des accordéons était désormais fabriquée en Chine. Une manière selon René Lachèze, toujours PDG, de sauvegarder cette « entreprise du patrimoine vivant ».

Dans cette archive, le président de la région Limousin, Jean-Paul Denanot, chargé d'étudier le projet de reprise, joue de l’accordéon dans l’usine.

Aux commandes de l’entreprise depuis 2013, le dirigeant Richard Brandao tentait de diversifier les activités de Maugein, en lançant, par exemple en 2022, une production d'harmonicas et un accordéon électrique. Mais cela n'aura pas suffi à rentabiliser l'atelier d'accordéons made in France, malgré un regain de popularité du « piano du pauvre ».

Pour l'anecdote, à l'époque, le nouveau PDG se félicitait du rebond des commandes d'accordéons, notamment grâce à l'artiste Claudio Capeo qui remettait l'instrument à l'honneur sur scène et remplissait à nouveau les classes d’accordéon en France. « Ça se ressent sur nos commandes, sur nos petits instruments », se réjouissait Richard Brandao.

In situ : les difficultés Maugein
2018 - 00:00 - vidéo

Malgré les efforts pour maintenir l'activité de l’entreprise, il ne restait que dix employés en 2024. À la suite de la décision du tribunal de commerce de Tulle, des projets de reprise ont été exprimés. Le repreneur pourrait être Corrézien. L'avenir le dira.

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