L'ACTU.
Le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de l'enseigne d'ameublement et de décoration Habitat. Cette décision met un terme à l'activité de l'enseigne fondée en 1964 par le designer britannique Terence Conran. Habitat France employait 315 salariés dans ses 25 magasins, pour un chiffre d'affaires de 65 millions d'euros en 2022. Habitat s'était installé à Paris dans le quartier de Montparnasse en 1973. À l'époque, la chaîne avait révolutionné le marché de l'ameublement en proposant des meubles et des objets de décoration jolis et à petits prix.
LE CONTEXTE.
Bien avant Ikea, Terence Conran avait souhaité démocratiser le design. D'ailleurs sa devise était claire : « L’utile peut être beau et le beau accessible. » Dans les années 70, avec Habitat, il avait participé à révolutionner la conception des meubles devenus « consommables », modulables et à prix modéré. On était très loin des armoires de famille et du linge de maison de nos grands-mères que l'on se passait de génération en génération. Depuis les années 60, le meuble était devenu un objet de consommation. Comme tel, il devait s'adapter aux maisons et aux appartements exigus. Les designers inventèrent ainsi une nouvelle façon de vivre qui pouvait évoluer au fil des saisons, des envies et des collections, à l'instar du prêt à porter. C'est, par exemple, au designer britannique que l'on doit aussi la démocratisation des couettes et des housses de couettes interchangeables.
La vidéo ci-dessous, extraite du 13h00 de TF1 du 3 janvier 2015, évoque plusieurs objets et meubles iconiques de la marque : l'étagère à roulettes, les meubles modulables à monter soi-même, la couette, la table à tréteaux, la chaise pliable, le lit gigogne. Avec les éclairages de Guillaume Prot, sociologue, et d'Hervé Giaoui, PDG d'Habitat.
L'évolution des meubles et de notre intérieur
2015 - 02:34 - vidéo
« C'était une astuce de Terence Conran. Il savait jumeler le design, l'accessibilité, l'astuce, car comme il disait toujours, le meuble doit être beau, utile et accessible ». (Hervé Giaoui)
L'ARCHIVE.
Terence Conran a installé le premier magasin français Habitat à Paris, dans le quartier de Montparnasse, en septembre 1973. L'idée paraissait saugrenue, pourtant elle allait séduire les clients et inspirer d'autres marques comme Fly ou Ikea. 25 ans plus tard, le 8 septembre 1998, pour les 25 ans de l'implantation l'enseigne, dans son émission « Tout un programme », Sophie Davant revenait sur cette révolution du design.
En plateau, aux côtés de la journaliste Sylvie Adigard, elle présentait une pièce collector, le premier catalogue d’Habitat qui datait du 13 septembre 1973. Certains objets présentés dans ce catalogue existaient toujours comme « la fourchette mécano » dont seule la couleur du manche avait varié au fil des ans. Pour cet anniversaire, la marque avait ressorti d'anciens modèles et créé certains objets comme des vases présentés en plateau, notamment une déclinaison de son célèbre « pichet magique », présenté en fin de chronique.
Suivait un reportage réalisé dans le magasin parisien où Sylvie Adigard avait rencontré l’une des mémoires d’Habitat, Yves Cambier, le directeur communication Habitat International. Au milieu des piles d'objets hétéroclites et colorés, il expliquait le concept de l'enseigne, « proposer aux clients des produits des meubles et des objets sympathiques et joliment dessinés pour la vie de tous les jours ». Un postulat en totale rupture avec ce qui se faisait dans les années 1970 où on ne trouvait que des magasins plus conventionnels. « Vous aviez le marchand de meubles de quartier… et des petites boutiques de décoration plutôt axées sur le gadget », précisait-il.
Marketing et design maison
L'autre originalité d'Habitat était la présentation des produits, meubles et objets exposés « en piles », répondant ainsi aux « aspirations de modernité » des clients selon Yves Cambier. Verres, assiettes, couverts, tout était disposé « en véritables masses d’objets, ce qui était véritablement nouveau pour l’époque ». Au moment du reportage ce bric-à-brac bigarré était toujours là, avec une nouvelle mission, celle de conserver l'intérêt d'une clientèle davantage blasée. « Les gens viennent, passent, achètent éventuellement, chinent et vont d’un endroit à l’autre. À nous de savoir les retenir », ajoutait le directeur de la communication dans les allées encombrées du magasin.
La dernière partie du reportage était consacrée au travail des designers, avec l'interview de Desolina Suter. La trentenaire décrivait le processus de création tel qu'il s'effectuait chez Habitat, avec une particularité : toutes les tendances se décidaient en interne, « on essaye de ressentir et de supposer ce que sera l’envie de demain… ». Le style Habitat n'avait pas bougé, renchérissait Yves Cambier, c'était toujours « des produits bien dessinés, avec des matériaux intéressants, beaucoup de couleurs et surtout une utilité ».