Dans les coulisses de l'émission radio de l'astrologue Madame Soleil en 1970

Germaine Soleil - son vrai nom - est restée dans les mémoires de nombreux Français. Férue d'astrologie, elle ouvre très tôt un cabinet dans lequel elle se targue de conseiller les personnalités de son époque. Sa renommée est telle que de nombreux politiciens frappent à sa porte. Parmi ses clients fameux, Lucien Morisse, alors directeur général d'Europe 1. Il lui propose d'animer sa propre émission quotidienne, d'une heure, en direct. Elle débute sur les ondes le 14 septembre 1970. Elle répondra aux questions posées par des auditeurs sur leur avenir.

L'archive en tête de cet article est un reportage diffusé dans le magazine « Dim Dam Dom » en octobre 1970. Il nous plonge dans les coulisses de ce programme atypique, un mois après son démarrage. Des milliers d'auditeurs ont déjà appelé le standard. Ce succès, elle l'expliquait alors ainsi : « Cette époque angoissante qui va d'une civilisation à une autre pose des problèmes à tout le monde et je réponds peut-être à un besoin de cette époque. »

Le visage jovial, le regard bleu et la voix assurée, Madame Soleil rayonnait face à la caméra. Son émission était ouverte à tous, même, et surtout aux sceptiques, qu'elle adorait séduire, comme elle le racontait avec entrain : « Je ne déteste pas les sceptiques. Ils ne sont pas obligés de croire à ce que je fais. Nous nous en expliquons et quand je leur donne une bonne vérité en face, ben, tout de même ça les ébranle. »

Son interview était entrecoupée d'appels, parfois graves, comme cette mère qui demandait si son fils allait retenter de se suicider. À son micro, aucun sujet n'était tabou, même les problèmes sexuels. Hommes et femmes n'hésitaient pas à l'appeler pour glaner quelques conseils ou évoquer des questions d'adultère. Elle s'en amusait ouvertement : « Oh la, là ! Des quantités ! Et je les fais venir dans ce cas-là, l'un et l'autre, et alors-là, nous nous expliquons à trois… Ils en tirent eux-mêmes la solution, je ne suis pas Salomon ! », plaisantait-elle.

Une déontologie à toute épreuve

Certains lui prêtaient des pouvoirs surnaturels et n'hésitaient pas à lui demander d'accélérer la mort de tel ou tel proche. Dans ces cas-là, l'astrologue ne répondait pas. Avec un regard et un ton menaçant, elle ajoutait face caméra : « Ou alors, je dis le contraire pour faire peur à la personne. »

A « 50% astrologue, à 50 % psychologue », Germaine Soleil gardait la tête sur les épaules, même si elle s'avouait parfois galvanisée, « je sens comme un fluide qui passe en moi », affirmait-elle. Mais sa déontologie est claire : jamais de mauvaise nouvelle que le consultant ne puisse encaisser. Pourtant, avec aplomb, elle reconnaissait parfois mentir par omission, mais pour la bonne cause, « quand c'est une personne qui va mourir, je ne lui dis jamais (...) Je préfère passer pour une femme qui s'est trompée que pour une femme qui a infligé une peine quelqu'un. »

Quelques exceptions cependant. Comme pour cet homme politique étranger à qui elle avait conseillé de ne pas rentrer dans son pays : « s'il rentrait dans son pays, il serait incarcéré et mourrait. » Il ne l'écouterait pas...

Selon elle, son succès résidait dans sa grande empathie pour son auditoire. Et quand la journaliste lui demandait si ce n'était pas là une exploitation de la crédulité, sans s'émouvoir, elle lui répondait : « Ce n'est pas une exploitation chère Madame (…) Quand je garde quelqu'un une heure et qu'il repart de chez moi avec une énergie accrue, avec le sentiment qu'il peut triompher d'une difficulté, j'ai l'impression que je lui ai fait du bien. »

Son succès ne se démentira jamais et Madame Soleil allait animer chaque matin l'horoscope d'Europe 1 pendant vingt-trois ans, jusqu'en septembre 1993.