Lucette Michaux-Chevry a dominé durant près de 60 ans la vie politique antillaise et hexagonale ne prenant sa retraite qu'en 2019, à 90 ans ! Un exemple de longévité politique pour cette femme à la fois respectée et redoutée. Elle a gravi tous les échelons de maire à la fin des années 1980 jusqu'à ministre déléguée dans les années 1990, dans le gouvernement de Jacques Chirac dont elle était une fidèle.
Née le 5 mars 1929 à Saint-Claude (Basse-Terre), Lucette Michaux-Chevry, a, selon l'hommage de l'actuel ministre des Outre-mers, Sébastien Lecornu, œuvré "pendant près de 50 ans au service des Guadeloupéennes et Guadeloupéens".
L'archive en tête d'article que nous vous proposons de découvrir est une interview réalisée le 28 mars 1982 alors qu'elle venait d'être élue Présidente du Conseil Général de la Guadeloupe. C'était alors la seule femme à tenir une telle responsabilité et elle en était fière : "Je suis une personne qui aime prendre ses responsabilités. La décentralisation m'arrange...", plaisantait-elle dans son bureau au micro de RFO. Cette interview dévoile la force de caractère de cette femme bien décidée à ne pas se laisser faire par une classe politique majoritairement masculine.
"Je suis une personne de volonté courageuse mais aussi très sensible"
Ce nouveau poste ne l'effrayait pas. Il était pour elle le début de son ascension en politique. "Par ma nature, je n'ai pas l'habitude de fuir mes responsabilités et je sais accepter les critiques, les observations, surtout lorsqu'elles sont constructives", disait-elle.
Une autorité naturelle et de la fermeté lui valaient déjà le surnom de "Dame de fer", en référence à la Première ministre britannique, Margaret Thatcher. Mais Lucette Michaux-Chevry n'aimait pas être étiquetée, et s'affirmait en tant que politicienne responsable et humaine : "Je suis une personne de volonté mais courageuse mais aussi très sensible. J'aime le dialogue. Quand je prends une décision, je la mûrie. Je ne reste jamais figée… je pense que ce n'est pas un signe d'intelligence…".
Son credo d'alors l'ouverture : écouter et tenter de comprendre tout le monde. Etre la seule femme en France à occuper ce poste ne l'intimidait pas. Pour son département, elle s'avouait "fière" en rendant hommage à la force de la créolité féminine : "La femme antillaise, la femme guadeloupéenne, a toujours su faire face à ses responsabilités… Nous donnons là une très belle leçon à la France toute entière".
Avocate de formation, Lucette Michaux-Chevry avait remporté sa première élection en 1959 en devenant conseillère municipale de sa ville Saint-Claude. D'abord membre du Parti socialiste, elle passa à droite en 1981 en soutenant le candidat à la présidentielle Valéry Giscard d'Estaing. De 1993 à 1995, sous l'égide de son ami Jacques Chirac qu'elle surnommait "Doudou", elle devint ministre déléguée chargée de l'action humanitaire et des droits de l'homme.
Au cours de sa longue carrière, Lucette Michaux-Chevry a connu quelques déboires judiciaires. Elle sera plusieurs fois mises en examen dans les années 1990. En 2019, l'ancienne ministre a été condamnée à deux ans de prison avec sursis pour des délits environnementaux et de favoritisme en matière de transports publics.
Pour aller plus loin :
Gros plan : Lucette Michaux-Chevry fonde un nouveau parti politique : le NPG pour relancer la politique économique en Guadeloupe. (RFO, 12 février 1984)
Entretien avec Lucette Michaux-Chevry, Ministre délégué à l'Action humanitaire et aux Droits de l'Homme et avocate. (3 avril 1993)