Avant d'être une chanson de Georges Brassens, Les Passantes est un poème d'Antoine Pol, que le chanteur a mis en musique en 1972, lui conférant ainsi une autre notoriété. Il l'interprète ici, le 19 novembre 1977, dans l'émission de variétés "Numéro un".
Antoine Pol écrit ce poème en 1911, mais il ne le publiera qu'après la guerre en 1918, dans le recueil Émotions poétiques. Georges Brassens racontait qu'il avait découvert le livre chez un bouquiniste en 1942, alors qu'il cherchait l'inspiration. Subjugué par ce texte qui résonnait sans doute avec sa propre expérience des femmes, il passera plusieurs années à le mettre en musique. Sa mélodie apportera finalement la touche supplémentaire de nostalgie nécessaire au texte romantique. Il obtient l'autorisation du poète lui-même de le chanter en 1970. La chanson sort deux ans plus tard dans l'album Fernande. Il la crée à Bobino en décembre 1972.
Si seulement
Dans Les passantes, le poète décrit une vision idéalisée de la femme. De toutes les femmes, si proches et pourtant si lointaines, objets fantasmés d'un désir inassouvi. Celle qui rendra l'homme, sans même le savoir, à jamais insatisfait et malheureux. Ces passantes, ce sont ces femmes croisées au hasard de la vie, dans un train, derrière une fenêtre ou dans la rue, Des ombres légères, à peine aperçues et déjà disparues. Elles auraient sans doute pu transformer votre destin. Ce poème est une ode nostalgique au temps qui passe, à l'amour que l'on aurait pu connaître si seulement on avait osé l'aborder. Un hommage aux femmes et à leur pouvoir créateur : celui de mettre de la poésie dans la vie.
"Je veux dédier ce poème
À toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
À celles qu'on connaît à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais
À celle qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui
À la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu'on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré la main
À celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d'un être trop différent
Vous ont, inutile folie
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant
Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin
Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
À tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir."